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Climatologie
Volume 20, 2023
Changement climatique : les territoires acteurs des trajectoires d’adaptation et de transition écologique
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Article Number | 8 | |
Number of page(s) | 16 | |
DOI | https://doi.org/10.1051/climat/202320008 | |
Published online | 24 October 2023 |
Une méthodologie d’analyse des dispositifs de rafraîchissement estival basée sur la métrologie climatique mobile
A methodology for analyzing summer cooling devices based on mobile climate measurement
Nantes Université, ENSA Nantes, École Centrale Nantes, CNRS, AAU-CRENAU, UMR 1563, F-44000 Nantes, France
* Auteur de correspondance : ignacio.requena@crenau.archi.fr
Les stratégies d’adaptation des environnements urbains aux changements climatiques, comme le développement de parcs urbains ou la révision des règles d’urbanisme, ne porteront leurs fruits qu’à moyen et long termes. Dans l’intervalle, des solutions palliatives doivent être mises en œuvre. Elles se déploient souvent sous la forme d’installations éphémères ou durables capables de proposer des opportunités de rafraîchissement en différents points de l’espace public. Ces dispositifs de rafraîchissement se développent dans les grandes villes depuis deux décennies et mettent en œuvre une grande diversité de techniques. Face aux investissements que représentent de tels aménagements, les pouvoirs publics sont demandeurs de connaissances sur leur capacité à répondre aux enjeux d’habitabilité des espaces publics sous la canicule. Il s’agit de savoir si ces « points frais » ont un réel pouvoir de rafraîchissement et s’ils sont appropriés par les citadins lorsque les températures augmentent. C’est pour apporter des réponses à ce type de questions et mieux connaître les spécificités des dispositifs urbains de rafraîchissement que nous avons développé une démarche multidisciplinaire basée notamment sur un système de métrologie climatique mobile original. Nous avons mis en œuvre ce système pour étudier différents dispositifs de rafraîchissement estival à Nantes et à Paris. La première partie de l’article décrit le synopsis de notre démarche qui se développe suivant quatre approches portant successivement sur l’analyse architecturale et urbaine du dispositif et de son environnement proche, la simulation d’ensoleillement dans le dispositif et son environnement, la métrologie climatique associant des instruments fixes et mobiles, ainsi que des observations d’usage du dispositif en situation de forte chaleur. La deuxième partie décrit plus en détail les principes de métrologie climatique que nous proposons. La troisième partie illustre la méthode par une étude de cas réalisée en 2022 en collaboration avec Nantes Métropole.
Abstract
Strategies to adapt the urban environment to climate change, such as developing urban parks or revising urban planning regulations, will only bear fruit in the medium and long term. In the meantime, palliative solutions must be implemented. These are often short-lived or permanent installations that provide cooling opportunities at various locations in public spaces. These cooling devices have been developed in major cities for two decades, using a variety of techniques. Given the investment associated with such facilities, authorities are seeking information on their ability to make public spaces habitable during heat waves. The goal is to find out if these “coolspots” can really cool, and if they are suitable for city dwellers when temperatures rise. To provide answers to these questions, and gain a better understanding of the specific characteristics of urban cooling devices, we have developed a multidisciplinary approach based on an original mobile climate measurement system. We used this system to study different summer cooling systems in Nantes and Paris in France. The first part of the article describes the summary of our approach, which is based on four successive approaches: architectural and urban analysis of the facility and its immediate surroundings, simulation of solar radiation in the facility and its surroundings, climate measurements with a combination of stationary and mobile instruments, and observations of the use of the facility during hot weather. The second part describes the principles of our proposed climate measurement in more detail. The third part illustrates the method with a case study carried out in 2022 in collaboration with Nantes Métropole.
Mots clés : climat urbain / espaces publics / dispositifs de rafraîchissement / métrologie mobile
Key words: urban climate / public spaces / cooling devices / mobile measurement
© I. Requena-Ruiz et al., hosted by EDP Sciences 2023
This is an Open Access article distributed under the terms of the Creative Commons Attribution License CC-BY-NC (https://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0), which permits unrestricted use, distribution, and reproduction in any medium, except for commercial purposes, provided the original work is properly cited.
Introduction
Rendre la ville habitable lors des épisodes caniculaires est un enjeu de première importance pour les collectivités (Nazarian et al., 2022). Les stratégies d’adaptation des environnements urbains aux changements climatiques, comme le développement de parcs urbains (Aram et al., 2019) ou la révision des règles d’urbanisme, ne porteront leurs fruits qu’à moyen voire long terme. Dans l’intervalle, des solutions palliatives doivent être mises en œuvre. Elles se déploient souvent sous la forme d’installations éphémères ou durables capables de proposer des opportunités de rafraîchissement en différents points de l’espace public. Ces dispositifs de rafraîchissement appelés « points frais », « coolspots » ou « dispositifs spatio-climatiques », se développent dans les grandes villes depuis deux décennies. Ils mettent en œuvre une grande diversité de techniques de type « bleu » (fontaines, brumisateurs, cascades, etc.), « vert » (végétation sous différentes formes), « blanc » (canopées, filtrage, etc.) ou « gris » (ventilateurs, tissus humides, etc.) et présentent différentes spécificités que nous avons analysées dans Requena-Ruiz et al. (2022).
Face aux investissements que représentent de tels aménagements, les pouvoirs publics sont demandeurs de connaissances sur leur capacité à répondre aux enjeux d’habitabilité des espaces publics en période de canicule. Il s’agit de savoir si ces « points frais » ont un réel pouvoir de rafraîchissement et s’ils sont appropriés par les citadins lorsque les températures augmentent. Les stratégies d’amélioration du confort thermique dans les espaces urbains sont multiples (Lai et al., 2019) et les collectivités manquent de méthodologies pour aborder ces questions dans toutes leurs dimensions spatiales, techniques, thermiques et sociales.
C’est pour apporter des réponses à ce type de questions et mieux connaître les spécificités des dispositifs urbains de rafraîchissement que nous avons développé une démarche multidisciplinaire basée notamment sur un système de métrologie climatique mobile original. Nous avons mis en œuvre ce système pour étudier différents dispositifs de rafraîchissement estival à Nantes et à Paris. Si la métrologie mobile est une approche désormais bien ancrée au sein des recherches contemporaines sur le climat urbain - à titre d’exemples récents, cf. Middel & Krayenhoff, 2019; Qi et al., 2021; Kousis et al., 2021; Peng et al., 2022; Speak et al., 2022 - elle n’a à notre connaissance jamais été utilisée pour caractériser des dispositifs de rafraîchissement installés dans l’espace public urbain. Nous estimons que cette approche originale peut être utile à d’autres collectivités et d’autres chercheurs en complément des méthodes qualitatives proposées pour analyser la perception thermique dans les espaces urbains (Lenzholzer et al., 2018; Vasilikou & Nikolopoulou, 2020; Liu et al., 2020).
La première partie de l’article décrit le synopsis de notre démarche qui met en œuvre quatre types d’évaluation. La deuxième partie décrit plus en détail les principes de métrologie climatique que nous proposons. La troisième partie illustre la méthode par une étude de cas réalisée en 2022 en collaboration avec Nantes Métropole. Nous terminons l’article par une discussion sur les évolutions envisageables pour mieux répondre aux besoins des collectivités.
1. Synopsis de la démarche
La démarche que nous proposons se développe suivant quatre approches qui portent sur 1) l’analyse architecturale et urbaine du dispositif et de son environnement proche, 2) la simulation d’ensoleillement dans le dispositif et son environnement, 3) la métrologie climatique associant des instruments fixes et mobiles, ainsi que 4) des observations d’usage du dispositif en situation de forte chaleur. Complémentaires, ces quatre approches peuvent être menées séquentiellement ou parallèlement.
1.1. Analyse architecturale et urbaine
Le dispositif de rafraîchissement et son environnement proche sont analysés suivant les huit dimensions présentées dans le tableau 1. Trois dimensions constituent une analyse architecturale du dispositif lui-même et cinq une analyse urbaine de son environnement d’inscription. L’analyse peut être réalisée par des agents de collectivités ou par des chercheurs dès lors qu’ils ont une connaissance suffisante du dispositif et de son environnement.
Grille d’analyse spatiale d’un dispositif de rafraîchissement. Spatial evaluation grid of a cooling device.
La grille d’analyse s’appuie en effet sur la connaissance préalable du site considéré et sur des observations in situ. Elle permet d’évaluer la pertinence et le potentiel de réussite d’un dispositif de rafraîchissement urbain. Idéalement, la configuration (dimension D1) d’un tel dispositif doit intégrer des stratégies de rafraîchissement éprouvées (D2) et être adaptée aux usages habituels des espaces d’arrêt en ville (D3). Le dispositif doit s’intégrer dans un ou plusieurs parcours urbains et offrir une opportunité d’arrêt (D4). Il doit être implanté sur un site fréquenté et approprié par les citadins (D5) présentant un risque avéré de surchauffe en été du fait de son orientation, de ses matériaux, etc. (D6). Il doit être situé suffisamment loin d’autres zones fraîches pour constituer une halte bienvenue sans concurrence immédiate d’autres espaces de rafraîchissement potentiel (D7). Enfin, l’environnement du dispositif doit présenter des qualités suffisantes pour rendre le séjour agréable (D8).
Ces constats peuvent sembler relever de formes d’évidences mais les exemples que nous avons analysés montrent que ces différents aspects ne sont pas toujours bien pris en considération dans la conception et l’implantation d’un dispositif de rafraîchissement.
Notons enfin que cette grille d’analyse n’intègre pas, à ce stade, les aspects économiques liés à la conception, la construction et l’installation des dispositifs étudiés, ni les aspects énergétiques liés à leur fonctionnement lorsque des systèmes mécaniques sont mis en œuvre (ventilation, brumisation, etc.). Le bilan carbone des dispositifs étudiés est un enjeu qui devrait être évalué par ses maîtres d’ouvrage.
1.2. Simulation d’ensoleillement
En période caniculaire, le rayonnement solaire est un facteur d’inconfort majeur (Givoni et al., 2003; Nikolopoulou & Lykoudis, 2006; Oke et al., 2017). Il agit de manière directe sur le bilan radiatif à l’échelle du piéton en ajoutant une source de chaleur puissante sur les corps alors que l’air est déjà très chaud. Il agit également de manière indirecte en échauffant les sols et façades de l’espace public. Ceux-ci restituent la chaleur emmagasinée par rayonnement sur les piétons. Longer un mur chaud lorsqu’il fait déjà très chaud tout en étant soi-même exposé au soleil peut être une situation vécue comme accablante, suffocante, intenable. Inversement, circuler à l’ombre de grands arbres à proximité de façades fraîches, même lorsque l’air ambiant est très chaud, est réconfortant. L’analyse de l’ensoleillement est donc une étape essentielle pour la caractérisation d’un dispositif de rafraîchissement urbain et des parcours qui y mènent ou en repartent.
Pour cette analyse, nous utilisons des outils de simulation développés au sein de notre équipe (Leduc et al., 2022) qui ont l’avantage de s’interfacer avec les systèmes d’information géographique pour lire les données urbaines fournies par les collectivités (topographie, emprise et hauteur des bâtiments, localisation des arbres et du mobilier urbain, etc.). Ils permettent de connaître l’ensoleillement d’un site à chaque instant (pas horaire de la minute à l’heure) en tenant compte des masques volumiques des bâtiments et de la végétation. Le croisement de ces informations permet de déterminer les zones de l’espace présentant un potentiel de rafraîchissement par leur qualité d’ombrage. Ce sont des zones potentiellement ombragées plusieurs heures consécutives durant les journées estivales.
Diverses simplifications de l’environnement urbain sont réalisées à cette étape. La topographie n’est généralement pas prise en compte sauf si elle est marquée. Les bâtiments sont considérés comme des prismes droits et leurs toitures, balcons ou échancrures ne sont pas pris en compte. Les arbres sont représentés par des formes géométriques élémentaires, avec des houppiers assimilés à des sphères, des cylindres ou des troncs de cônes. Ces simplifications permettent un gain de temps dans l’analyse sans trop sacrifier la précision. Cependant, nos outils de simulation permettent d’utiliser des modèles détaillés de l’environnement urbain lorsqu’un niveau de précision supérieur est nécessaire.
1.3. Métrologie climatique mobile
Pour décrire l’expérience climatique urbaine, il est essentiel de s’attacher à la dynamique des parcours des citadins. A cette fin, notre équipe a développé une station de mesures mobile sous la forme d’un chariot climatique qui permet de mesurer en n’importe quel point de l’espace accessible les grandeurs caractéristiques du ressenti thermique :
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La température de l’air (°C), grandeur de référence pour caractériser la situation climatique mais qui s’avère insuffisante pour décrire l’expérience thermique elle-même. Sa variation spatiale et temporelle en milieu urbain en période de forte chaleur est souvent faible.
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L’humidité relative (%), fortement dépendante de la température de l’air, des conditions atmosphériques et de l’exposition au vent. Sa variation spatiale en milieu minéral est généralement faible.
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Le rayonnement solaire incident (W/m2) qui représente l’énergie transmise sur le corps directement par le soleil. Comme nous l’avons vu précédemment, il a un rôle fondamental dans le ressenti thermique.
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Le rayonnement infrarouge (W/m2) qui représente l’énergie transmise par les surfaces entourant le corps du piéton. Sa valeur globale se compose de l’énergie transmise par le sol, les surfaces verticales situées à droite, à gauche, devant et derrière le piéton, ainsi que par le ciel ou les canopées existantes.
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La vitesse du vent (m/s) qui exprime l’intensité du mouvement de l’air et dont les effets sur le ressenti thermique peuvent être aussi bien positifs (rafraîchissant) que négatifs (asséchant).
Ces paramètres sont mesurés à une fréquence de 0,5 Hz et sont utilisés pour calculer certains indicateurs classiques du confort thermique en environnement urbain (Havenith & Fiala, 2015) :
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La température radiante moyenne (Tmrt) qui synthétise les échanges thermiques par rayonnement (visible et infrarouge) entre le corps et son environnement direct.
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Les indices PET (Physiological Equivalent Temperature) et UTCI (Universal Thermal Comfort Index) qui permettent d’évaluer le ressenti thermique d’une personne dans un environnement complexe. Ils intègrent les grandeurs physiques présentées ci-dessus, ainsi que des paramètres physiologiques liés à l’activité, l’habillement, etc. Ils sont présentés sous forme de température équivalente en °C.
Avant chaque campagne de mesure, nous définissons des parcours-types qui simulent le cheminement d’un citadin avant, autour et après le dispositif étudié. Deux parcours-types croisés sont souvent définis sur un même site. Nous attendons ensuite une journée significativement chaude pour réaliser les mesures, c’est-à-dire une journée présentant un écart de température important par rapport à la normale. Nous organisons des circuits de mesure associant les parcours-types. Le chariot est conduit sur ces circuits selon des horaires fixes tout au long de la journée, par exemple toutes les deux heures de 10 h à 18 h. L’opération peut être répétée sur plusieurs jours.
A la fin de chaque journée, les données sont entreposées, vérifiées et analysées. L’analyse permet d’évaluer les indicateurs de ressenti thermique par leurs valeurs absolues localisées mais aussi par leurs valeurs relatives (dynamique temporelle) le long des parcours de mesure. L’analyse des gradients d’évolution des indicateurs permet en effet de restituer au plus près l’expérience d’un citadin en mouvement circulant en un temps court entre des espaces potentiellement contrastés sur le plan thermique.
1.4. Observation des usages
L’approche métrologique est complétée par des observations des usages effectifs du dispositif de rafraîchissement dans son environnement. Les trajectoires, attitudes et postures des citadins, leurs arrêts éventuels, renseignent de manière utile sur l’efficacité du dispositif et sur son appropriation. Pour cette phase, nous nous appuyons notamment sur le protocole établi par le Gehl Institute pour l’analyse des espaces publics urbains (Shin-pei & Andersen, 2017).
L’observateur se place dans une position qui ne gêne pas la circulation des citadins. Sur une séquence de 15 à 20 minutes, il enregistre les arrivées et départs autour du dispositif en notant les trajectoires de déplacement, les postures et activités apparentes des passants, ainsi que les éventuels lieux et temps d’arrêt. Un outil cartographique sur tablette numérique est utilisé à cette fin. La séquence d’observation est reproduite plusieurs fois dans la journée. L’analyse de ces données permet de reconstituer les flux dans l’espace autour du dispositif ainsi que les lieux d’arrêt préférentiels. Elle rend compte des usages effectifs et peut être croisée avec les données métrologiques.
Connaître ces parcours est essentiel pour évaluer le pouvoir d’attraction du dispositif sur les passants. La provenance des citadins qui abordent le dispositif permet de savoir si leur parcours les amène de zones particulièrement chaudes (un trottoir exposé qu’il est difficile d’éviter par exemple) ou au contraire de zones plus confortables. L’arrivée sur le point frais n’aura évidemment pas le même effet suivant les cas.
2. Principes de la métrologie climatique mobile
2.1. Station de mesures mobile
La station de mesures mobile développée par notre équipe se présente sous la forme d’un chariot climatique (figure 1) qui embarque différents capteurs (Stavropulos-Laffaille et al., 2021) :
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2 thermocouples type T à hauteur des chevilles et de la nuque d’un adulte et 1 sonde mixte HMP155A Vaisala sous abri pour mesurer la température de l’air et l’humidité relative;
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un anémomètre ultrasonique 2D de type WindSonic1 pour mesurer la vitesse et la direction du vent;
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3 capteurs NR01 (radiomètre net) de Hukseflux, chacun composé d’un couple de pyranomètres et de pyrgéomètres, qui mesurent respectivement le bilan d’énergie des rayonnements à ondes courtes et grandes longueurs d’ onde infrarouge dans 6 directions (droite/gauche, devant/derrière et haut/bas) avec une ouverture d’angle de 150°;
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le tout contrôlé par une centrale autonome Campbell Scientific CR1000X et alimenté par une batterie 12V et 24Ah.
Figure 1 Le chariot climatique développe par l’equipe AAU-Crenau. On distingue la sonde mixte sous abri (A), l’anémomètre ultrasonique (B), les couples de pyranomètres et pyrgéomètres dans les trois directions droite/gauche, devant/derrière et haut/bas (C). © Photo D. Siret / I. Requena-Ruiz / AAU-Crenau. The climatic cart developed by the AAU-Crenau team. One can distinguish the mixed probe under shelter (A), the ultrasonic anemometer (B), the pyranometer and pyrgeometer pairs in the three directions right/left, front/back and top/bottom (C). Photo D. Siret /I. Requena-Ruiz / AAU-Crenau. |
En plus des capteurs mobiles, deux stations fixes sont utilisées pour collecter des données de référence :
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1 station Kestrel Instruments Heat stress tracker 5400 placée sur un trépied à 1,70 m à l’extérieur de l’aire d’influence du dispositif. Elle est mise en service au moins 3 minutes avant de commencer les mesures mobiles et arrêtée au moins 3 minutes après avoir terminé le circuit. Elle enregistre la température de l’air, l’humidité relative, la température sous globe noir et la vitesse du vent à une fréquence de 0,1 Hz.
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1 capteur thermo-hygrométrique Sensirion SHT41 sous abri météorologique. Il est placé de manière fixe entre 1,50 et 2 m de hauteur sous la canopée au centre du dispositif étudié et mesure la température de l’air et l’humidité relative à une fréquence de 0,1 Hz. Les mesures sont prises tout au long de la journée, indépendamment des passages du chariot climatique.
Enfin, les données de la station Météo-France la plus proche du dispositif nous servent à analyser l’évolution des conditions météorologiques pendant le temps de la mesure mobile. Ces données étant horaires, elles doivent être interpolées pour trouver les conditions les plus proches.
2.2. Guidage et géolocalisation du chariot
Pour caractériser l’expérience climatique des piétons autour des dispositifs de rafraîchissement, il est nécessaire de pouvoir représenter spatialement les données avec une précision décimétrique. Il faut donc pouvoir s’appuyer sur une géolocalisation fine du chariot climatique. Du fait des masques de l’environnement urbain, les capteurs GNSS n’assurent pas cette précision décimétrique lorsqu’ils ne sont pas différentiels. C’est pourquoi nous avons recours à deux autres approches.
La première s’appuie sur un capteur inertiel (Inertial Elements Osmium MIMU22; Gupta et al., 2015) attaché au pied de la personne qui conduit le chariot. Ce capteur évalue la dérive de la personne par rapport à un point de l’espace géolocalisé. Pour recaler périodiquement la trajectoire, nous utilisons les points de repère du mobilier urbain ou d’autres éléments dont nous connaissons précisément les coordonnées spatiales. Dans une interface dédiée, nous enregistrons le moment (timestamp) où nous atteignons l’un des points de repère choisis. Nous arrêtons alors le chariot et nous réinitialisons le capteur inertiel en vue de la prochaine séquence. La centrale de mesures et l’interface de pointage sont préalablement synchronisées et chaque mesure du chariot (toutes les deux secondes) est associée à un horodatage. Le croisement des données du chariot et du capteur inertiel nous permet de géolocaliser les données mesurées. Nous utilisons les horodatages respectifs de ces deux jeux de données pour réaliser cette jointure au plus proche voisin temporel.
Cette méthode est efficace à condition d’utiliser un capteur inertiel de grande précision et de recaler régulièrement sa position sur des points de repère. Malgré ces précautions, un post-traitement des données issues du capteur inertiel reste nécessaire pour assurer leur fiabilité. Pour éviter cette étape, nous avons défini une deuxième approche qui cherche à s’affranchir du capteur inertiel. Dans ce cas, le parcours est découpé en séquences relativement courtes (5 à 50 mètres) dont les bornes sont marquées par des éléments géolocalisés (angles de rue, arbres, mobilier urbain, etc.). Il suffit d’enregistrer les moments de début et fin de séquence pour établir la chronologie du parcours. Les données mesurées sont alors recalées et uniformément distribuées sur la trajectoire théorique de la séquence en imposant comme hypothèse que la vitesse du chariot a été constante. Nous avons développé une interface de guidage sur téléphone ou tablette qui permet de réaliser cet enregistrement de manière relativement souple, y compris en cas d’interruption de la séquence.
2.3. Analyse des données
Les données stockées par le chariot sont récupérées à l’issue de chaque journée de mesures. Elles sont alors traitées au moyen d’un ensemble d’outils numériques développés en Python dans le plugin t4gpd (https://pypi.org/proj ect/t4gpd/) qui reprend et étend des fonctionnalités standards de Pandas, GeoPandas et Matplotlib. Il s’agit principalement de réaliser des jointures temporelles entre les différents ensembles de données pour extraire les mesures pertinentes et les replacer spatialement le long du parcours réalisé.
À l’issue de ces traitements, nous obtenons un tableau associant l’ensemble des mesures relevées par le chariot et les points des parcours selon une chronologie temporelle précise. Sur cette base, différents indicateurs de ressenti thermique sont calculés comme indiqué plus haut. Un outil de visualisation cartographique des données a été développé. Il permet de représenter spatialement les valeurs des paramètres mesurés et les indices calculés le long du parcours, et de les lier visuellement à leur contexte urbain.
3. Un exemple d’analyse
Nantes Métropole nous a missionnés pour évaluer différents dispositifs de rafraîchissement de l’espace public, dont le mobilier urbain Coasis installé à titre expérimental près d’une gare de tramway (figure 2). Coasis est développé par Spie batignolles vallia. Selon ses concepteurs, il vise « à améliorer le confort des citoyens dans l’espace public face aux effets d’îlots de chaleur urbains » (https://www.coasis.fr/). La suite de cette section montre l’application de notre méthodologie à l’étude de cet exemple.
Figure 2 Le mobilier Coasis dans un espace public urbain de la métropole nantaise. © Photo Coasis I. Requena / AAU- Crenau. © Photo aérienne Google Maps (la photo aérienne ne reflète pas l’aménagement définitif de la zone). Coasis furniture in an urban public space in Nantes Metropole. Photo Coasis I. Requena / AAU-Crenau. Aerial photo from Google Maps (the aerial photo does not reflect the final layout of the area). |
3.1. Analyse architecturale et urbaine
Coasis est composé d’une voile recouvrant un socle muni de surfaces d’assise et de tables, ainsi qu’un volume plus massif intégrant des installations techniques, un bac de terre végétale et un support pour un panneau solaire. Très visible à distance, la voile jaune permet de repérer le dispositif au milieu d’un espace urbain dégagé.
Le rafraîchissement potentiel repose sur l’ombrage et l’évapotranspiration. La présence proche d’une pelouse arrosée entre les rails de tramway peut en outre contribuer à réduire la température des lieux. L’ombre produite par la voile permet de réduire le rayonnement solaire direct sur les espaces utilisés. La couleur claire de la toile aide à conserver la fraîcheur mais elle augmente en même temps le rayonnement diffus et donne l’impression visuelle d’une ombre peu dense. Du fait de sa forme, du faible pouvoir opacifiant de la toile utilisée et de son orientation nord-est/sud-ouest, la voile produit un ombrage non-optimal.
Comme montré par Taha (1997), l’évapotranspiration produite par un système terre végétale-arbre dépend du taux d’humidité du sol, de la surface déployée par le système racinaire et de la surface de canopée végétale. De manière générale, les solutions végétales hors-sol comme celle utilisée dans Coasis ont une moindre efficacité. De plus, la localisation du dispositif au milieu d’un vaste espace dégagé dans lequel l’air circule conduit à disperser l’éventuel effet rafraîchissant dû à l’évapotranspiration.
Coasis propose diverses situations d’assise qui permettent des usages variés plus ou moins ombragés. Les surfaces d’assise sont découpées par les tables, ce qui rend l’usage collectif plus difficile. L’usage principal attendu correspond à des situations de pause individuelle. Coasis est proche de plusieurs attracteurs urbains (gare ferroviaire, station de tramway, route cyclable), de lieux d’activités (pharmacie, bar, bureaux) et d’habitat (résidence pour personnes âgées, immeubles de logements). Malgré sa proximité à d’autres lieux d’assise plus adaptés pour certaines populations, nous estimons qu’il peut constituer une opportunité d’arrêt dans des trajets quotidiens, notamment du fait de sa gratuité. Le dispositif est posé sur une esplanade très minérale pleinement exposée au soleil toute la journée en été et assez bruyante. Il existe peu d’espaces attractifs à proximité immédiate offrant des opportunités de rafraîchissement, le dispositif n’est donc pas en situation de concurrence.
3.2. Simulation d’ensoleillement
La simulation d’ensoleillement est réalisée avec un pas horaire en considérant l’ensemble des bâtiments environnant Coasis. Ceux-ci sont simplifiés sous la forme de prismes droits à partir de la BD TOPO de Nantes. La figure 3 montre les ombrages cumulés pour une journée de juillet. L’esplanade où est installé le dispositif est exposée au soleil quasiment toute la journée. Les quelques arbres présents produisent à leur pied une ombre continue de plusieurs heures. Entre les bâtiments à proximité, les trottoirs sont à l’ombre entre 2 h et 4 h dans la journée, à l’exception des pieds d’immeubles orientés au nord et nord-est qui bénéficient d’un ombrage continu plus important.
Figure 3 En haut, vue aérienne du site d’implantation avec les deux parcours de mesure (trait rouge et trait jaune). © Photo aérienne Bing Maps. En bas, simulation des ombrages cumulés montrant la durée d’ombrage continue dans la zone le 11 juillet entre 9 h et 21 h (heures locales). © T. Leduc / AAU-Crenau.Above, aerial view of the site with the two measurement paths (red line and yellow line). © Aerial photo Bing Maps. Bottom, cumulative shading simulation showing the duration of continuous shading in the area on July 11 between 9 a.m. and 9 p.m. (local time). © T. Leduc / AA U-Crenau. |
La figure montre également les deux parcours types constituant le circuit de mesure sur site :
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le parcours 1 globalement nord-sud passant par la zone arborée puis par Coasis avant de rejoindre la station de tramway;
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le parcours 2 globalement ouest-est passant sous le pont routier puis sur l’esplanade avant de rejoindre Coasis.
Ces deux parcours sont des polylignes passant par des points de repère géoréférencés. Ils mettent en évidence les transitions des piétons entre des espaces ombragés et des espaces exposés.
3.3. Métrologie climatique mobile
Les mesures sur site ont été réalisées le 11 juillet 2022 vers 11 h, 13 h, 15 h et 17 h, ainsi que le 13 juillet 2022 vers 12 h, 14 h, 16 h et 18 h (tableau 2).
Circuits de mesures réalisés et températures d’air relevées sur place par la sonde Kestrel-5400. Sur les plans des parcours, certains points de référence sont numérotés pour faciliter l’interprétation des graphiques de la figure 4 ci-après. Measurement circuits and air temperatures measured on site by the Kestrel-5400 probe. On the route plans, some reference points are numbered to facilitate interpretation of the graphs in figure 4 below.
Sur chaque plage horaire, le circuit du chariot suit les deux parcours présentés plus haut qui durent de 9 à 12 minutes chacun. Les deux journées étaient globalement très chaudes avec un soleil radieux et des températures entre 26°C (matin du 11 juillet) et 37°C (après-midi du 13 juillet).
La figure 4 montre l’une des manières avec lesquelles nous synthétisons les données mesurées sur chaque parcours. La planche présente le parcours n°2 réalisé dans le cadre du circuit n°8 le 13 juillet 2022 entre 18h09 et 18h18. La première ligne montre le plan du parcours avec l’indication de points de références numérotés (les ombres des arbres sont superposées et représentées en vert); puis au centre, l’évolution de la température de l’air au niveau des pieds (Temp_C_Avg(1)) et au niveau de la tête (Temp_C_Avg(2)); et enfin, à droite, l’évolution de l’humidité relative.
Figure 4 Planche synthétisant les données mesurées et les indices de confort thermique calculés le long d’un parcours autour du dispositif étudié (13 juillet 2022, 18h09-18h18). Première ligne, à gauche : trace du parcours de mesure avec les numéros des points de passage géoréférencés, les ombres portées par les bâtiments (en gris) et par les arbres (en vert); au milieu : température de l’air au niveau des pieds (Temp_C_Avg(1) et au niveau de la nuque (Temp_C_Avg(2); à droite : évolution de l’humidité relative (RH_Avg). Deuxième ligne, à gauche : température de l’air mesurée par la station fixe Kestrel 5400 et dans deux stations de référence Météo France pour l’agglomération de Nantes; au milieu : rayonnement solaire direct (SR01Up_3_Avg) et rayonnement infrarouge depuis le sol (IR01_DnCo_3_Avg); à droite : vitesse du vent (WS_ms_Avg). Troisième ligne, à gauche : température radiante moyenne (Tmrt); au milieu : indice PET; à droite : indice UTCI. Les mesures dans la zone arborée et à proximité et au sein de Coasis sont indiquées par des intervalles. © T. Leduc / I. Requena / D. Siret, AAU-Crenau. Table summarizing data measured and thermal comfort indices calculated along a route around the device under study (July 13, 2022, 6:09pm-6:18pm). First line, left: trace of measurement route with georeferenced waypoint numbers, shadows cast by buildings (grey) and trees (green); middle: air temperature at feet (Temp_C_Avg(1)) and at nape of neck (Temp_C_Avg(2)); right: change in relative humidity (RH_Avg). Second line, left: air temperature measured by the Kestrel 5400 fixed station and at two Météo France reference stations for the Nantes conurbation; middle: direct solar radiation (SR01Up_3_Avg) and infrared radiation from the ground (IR01_DnCo_3_Avg); right: wind speed (WS_ms_Avg). Third line, left: mean radiant temperature (TMRT); middle: PET index; right: UTCI index. Measurements in the tree zone and near and within Coasis are indicated by intervals. © T. Leduc /1. Requena /D. Siret, AAU-Crenau. |
La deuxième ligne indique l’évolution de la température d’air mesurée sur place par la sonde Kestrel-5400 et des températures d’air dans deux stations de référence Météo France pour l ‘ agglomération de Nantes (station 44020001 située à Bouguenais et station 44109012 située au Grand Blottereau); puis au centre l’évolution du rayonnement solaire direct (SR01) et du rayonnement infrarouge depuis le sol (IR01) (par souci de lisibilité, le rayonnement gauche/droite et devant/derrière n’est pas représenté ici); et enfin à droite, l’évolution de la vitesse de vent. La troisième ligne, dédiée aux indicateurs calculés à partir de ces mesures, indique l’évolution de la température radiante moyenne à gauche, de l’indice PET au centre et de l’indice UTCI à droite.
Sur chaque graphique, le parcours est représenté sur un intervalle normalisé de 0 à 100 indépendamment de sa longueur et de sa durée (la chronique est indexée par l’abscisse curviligne normalisée). Les instants de passages en différents points de référence numérotés sont indiqués pour faciliter l’interprétation. Dans ce même objectif, nous avons ajouté sur ces figures les intervalles correspondant au passage dans la zone arborée d’une part, et au passage à proximité et au sein de Coasis d’autre part.
La suite de l’analyse porte sur l’ensemble des données recueillies pendant les deux jours de mesures. La température moyenne de l’air dans le dispositif durant ces deux jours était de 34,9°C avec un maximum de 39,4°C le 13 juillet à 15h52. On observe une très faible différence de température de l’air entre Coasis et son environnement proche. Deux zones plus fraîches sont observées dans les environs : le passage sous le pont routier avec une température moyenne de 33°C, et la zone arborée devant la résidence pour personnes âgées, avec une température moyenne de 33,5°C. Les écarts entre les mesures de température près du sol et à hauteur de nuque sont relativement constants. La seule exception est la zone sous le pont routier où l’écart de températures est presque nul.
Les variations d’humidité relative ne sont pas significatives (moyenne de 25%, faible écart à la moyenne). Au sein du dispositif, nous avons mesuré un maximum de 39,2% le 11/07 à 10h56 après l’arrosage du gazon entre les rails du tramway.
Les vitesses de vent moyennes oscillent entre 1,6 et 2 m/s, avec pour exception la zone arborée devant la résidence pour personnes âgées où la vitesse moyenne est légèrement plus faible (1,5 m/s) du fait du masque au vent créé par le bâtiment. Nous n’avons pas mesuré de changement de la vitesse du vent autour de Coasis.
Pour le rayonnement solaire direct courte longueur d’onde, on observe une moyenne de 730 W/m2, avec un maximum de 850 W/m2 le 11/07 à 13h03. Au niveau de Coasis, l’ombre portée par la voile réduit l’apport solaire de 50 à 70 W/m2 avec un écart maximum de 100 W/m2. À titre de comparaison, on observe une moyenne de 184 W/m2 dans le tunnel routier et une moyenne de 322 W/m2 dans la zone arborée voisine. Coasis présente donc une efficacité d’ombrage assez faible au regard de ces deux situations proches.
La valeur moyenne de rayonnement infrarouge des surfaces dans Coasis est de 553 W/m2 avec un maximum de 593 W/m2 le 13/07 à 15h52. L’écart entre le dispositif et son environnement proche est très faible (entre -10 et -15 W/m2). À titre de comparaison, la zone du tunnel routier présente une moyenne de 500 W/m2 et un maximum de 529 W/m2; la zone arborée voisine présente une moyenne de 515 W/m2 et un maximum de 560 W/m2. Là encore, on constate la difficulté pour Coasis de « concurrencer » la fraîcheur apportée par la structure massive du pont routier ou par la végétation dense à proximité.
La température radiante moyenne synthétise les échanges thermiques par rayonnement (visible et infrarouge) entre le corps et son environnement. Les valeurs calculées au niveau de Coasis indiquent une moyenne de 62°CMRT, avec un minimum de 58°CMRT et un maximum de 65°CMRT. Par comparaison, la zone du tunnel routier présente une moyenne de 39°CMRT, soit -23°CMRT par rapport à Coasis, et la zone arborée 43°CMRT (-19°CMRT). Cet effet est principalement produit par l’ombre dense du tablier du pont et des arbres. Coasis réduit donc la température radiante moyenne localement mais il ne permet pas d’atteindre le confort de la zone arborée ni, bien évidemment, la fraîcheur sous le pont routier.
L’indicateur PET présente une moyenne de 45,1°CPET, avec un maximum de 50,7°CPET le 13/07 à 15h52; ceci situe la globalité des mesures en situation de stress thermique extrême (> 41°CPET). Nous observons un faible effet rafraîchissant du dispositif de 1 à 3°CPET par rapport à son environnement proche (l’esplanade exposée au soleil). Cet effet permet ponctuellement de passer dans la zone de ressenti immédiatement inférieure de l’indice PET, sans pour autant que le rafraîchissement soit très remarquable. À titre de comparaison, la zone sous le pont routier montre une moyenne de 34,4°CPET (-10,7°CPET par rapport à Coasis) et la zone arborée de 36,7°CPET (-8,4°CPET).
De la même manière, l’indice UTCI situe l’ensemble des mesures en situation de stress thermique fort. Nous observons là encore un faible effet rafraîchissant du dispositif par rapport à son environnement proche, mais ce rafraîchissement ponctuel ne permet pas de passer dans la zone de ressenti immédiatement inférieure de l’indice.
Ces éléments descriptifs donnent un premier aperçu des effets du dispositif étudié. Des analyses plus fines, montrant notamment les gradients d’évolution des grandeurs mesurées, peuvent être réalisées pour mieux saisir les dynamiques thermiques le long du parcours. Ce type d’analyse dépasse cependant le cadre de cet article à portée méthodologique.
3.4. Observation des usages
Les observations ont été réalisées le 11 et le 13 juillet 2022 en dehors des moments de mesure sur des créneaux de 20 minutes à chaque heure entre 10h30 et 17h30. La figure 5 présente les flux piétons (traits bleus) et les zones d’arrêt (disques rouges) observés. Ces données sont indiquées par tranche horaire d’observation (en colonne à droite) et en cumul sur la journée (à gauche en haut) avec un zoom sur l’espace autour de Coasis (à gauche en bas). Les postures et attitudes des piétons ont également été enregistrées et analysées mais elles ne sont pas représentées ici, faute de place.
Figure 5 Déplacements (lignes bleues) et arrêts (disques rouges) relevés dans la zone d’étude durant les deux jours d’observation. Représentation par tranche horaire en colonnes à droite et en cumul sur les deux journées, avec un zoom sur Coasis, à gauche. La largeur des lignes et le diamètre des disques sont fonction du nombre de personnes. © I. Requena / AAU-Crenau. Journeys (blue lines) and stops (red discs) recorded in the study area during the two days of observation. Representation by time slot in columns on the right and cumulative over the two days, with a zoom on Coasis, on the left. The width of the lines and the diameter of the discs are a function of the number of people. © I. Requena / AAU-Crenau. |
Durant les deux jours d’étude marqués par une forte chaleur, nous avons observé 20 situations statiques (30 personnes) et 21 situations en mouvement (32 personnes) dans l’ensemble de la zone d’observation autour de Coasis. Les déplacements suivent généralement l’axe est-ouest qui structure la circulation dans les lieux. Seulement cinq personnes ont détourné leur parcours pour se rapprocher de Coasis. Le pic de déplacements en fin d’après-midi n’augmente pas le nombre d’usagers s’installant sur le dispositif. Celui-ci est fréquenté régulièrement tout au long de la journée. En mettant de côté la terrasse d’un café situé à 70 m environ, c’est l’espace le plus fréquenté dans la zone.
La moitié des situations observées ont une durée courte (temps de présence dans la zone d’observation inférieur à 2 minutes). Un peu moins de 20% ont une durée moyenne (3 à 7 minutes) et 30% ont une durée longue (supérieure à 12 minutes). Le dispositif Coasis, les transats proches (figure 2) et la zone arborée à l’ombre à côté de la résidence pour personnes âgées sont les seuls lieux d’arrêt publics repérés, avec une plus grande utilisation de Coasis pour des séjours majoritairement longs. Le dispositif est utilisé principalement pour des situations individuelles ou en binôme, notamment lors des pauses du déjeuner ou du goûter.
Ces observations restent limitées. Elles doivent être confirmées par des campagnes de plus longue durée permettant d’obtenir une lisibilité complète des usages de Coasis en fonction des conditions climatiques et des temps de la vie urbaine.
3.5. Conclusion sur l’exemple
Coasis offre une petite surface d’ombre dans un environnement très exposé. La surface végétalisée intégrée au dispositif semble anecdotique en comparaison de la surface minérale environnante et son effet ne peut être que très limité. Les mesures confirment que le dispositif a un faible pouvoir de rafraîchissement. D’autres espaces proches offrent plus de fraîcheur, notamment sous le pont routier et dans la zone arborée voisine, mais ils sont moins accueillants et ne permettent pas de s’asseoir. Les observations montrent que Coasis est relativement fréquenté malgré son faible effet rafraîchissant. Comment expliquer cette situation ? Notre analyse architecturale et urbaine indique que Coasis est l’un des rares lieux d’assise public, visuellement repérable et à l’ombre dans ce nouvel aménagement urbain. Des discussions informelles avec les usagers sur place confirment l’intérêt d’un lieu d’assise à l’ombre équipé d’une table. Coasis offrirait ainsi des potentialités d’usage jugées satisfaisantes par les citadins, indépendamment de l’enjeu du rafraîchissement réduit à l’effet d’ombrage pendant quelques heures autour de midi. On peut également faire l’hypothèse que notre démarche d’évaluation fondée sur les dimensions physiologiques du confort thermique ne parvient pas à mettre en évidence un éventuel effet rafraîchissant ou un caractère plaisant du dispositif qui serait d’ordre plus psychologique. Pour le savoir, il nous faudrait compléter nos analyses par des campagnes d’observation et d’entretiens avec les usagers de plus longue durée afin de comprendre leurs motivations pour séjourner dans cet espace. Pour des raisons de coût de mise en œuvre, cette approche par enquête n’est pas intégrée à notre méthodologie actuelle.
Conclusion
Nous avons exposé dans cet article une méthodologie d’évaluation de dispositifs de rafraîchissement dans l’espace public urbain. La démarche permet d’approcher les « points frais » urbains dans leurs dimensions spatiales, techniques, climatiques et d’usage. L’analyse architecturale et urbaine basée sur huit critères permet de constituer les premières hypothèses sur les forces et faiblesses du dispositif dans son environnement. La simulation solaire précise réchauffement potentiel du site en été et met en évidence les parcours ombragés pour le traverser. Au cœur de la méthodologie, la métrologie mobile permet d’approcher au plus près de l’expérience thermique des citadins en mouvement autour et dans le dispositif. Enfin, l’observation des usages permet de vérifier les modalités d’appropriation du dispositif.
La méthode est reproductible et applicable à quasiment toutes les situations urbaines, sauf celles où le passage du chariot climatique serait empêché par des marches, des voies trop étroites ou d’autres obstacles. Pour contourner cette difficulté, nous sommes actuellement en train de développer une station de mesures mobile moins encombrante qui pourra plus facilement s’insérer dans certains contextes urbains plus exigus. Nous souhaitons également décliner cet instrument en plusieurs exemplaires, ce qui permettra de conduire de nouvelles campagnes combinant des mesures simultanées en plusieurs endroits d’un site d’étude.
Différentes améliorations de la méthode sont envisageables. La phase d’analyse architecturale et urbaine pourrait être objectivée avec des données de fréquentation ou de déplacements collectées par les collectivités. La phase de simulation numérique pourrait être approfondie en utilisant des outils capables d’évaluer les indices de confort en tenant compte des matériaux, des échanges radiatifs et du vent. Nous pourrions alors observer les éventuels écarts entre la simulation et la mesure in situ. La phase de métrologie pourrait être encore enrichie par l’utilisation de caméras visuelles ou thermiques. L’analyse des images produites permettrait notamment de corréler les indicateurs thermiques avec les formes et aménagements urbains (ouverture de ciel, végétation, etc.) ou avec l’évolution de la nébulosité au cours de la mesure. La phase d’observation des usages pourrait être automatisée au moyen de caméras et d’outils d’analyse d’image.
La coopération entre la recherche et les collectivités ouvre la voie à une multiplication de ce type d’évaluation dans des contextes urbains et climatiques divers. À terme, l’expérience accumulée permettra de constituer une base de connaissances et de développer un référentiel sur les dispositifs de rafraîchissement les plus pertinents selon les situations rencontrées dans l’espace urbain et selon les techniques mises en œuvre. Faute de référentiel, il est difficile de juger pleinement de l’efficacité de « points frais » comme Coasis pour le confort des citadins et encore moins de leur potentiels effets sanitaires au regard des faibles temps d’arrêt constatés au sein du dispositif. Un tel référentiel aiderait considérablement les collectivités qui doivent actuellement, et dans l’urgence, aménager leurs espaces urbains face aux enjeux d’habilité de la ville durant les périodes caniculaires.
Remerciements
La méthodologie présentée dans cet article a été développée dans le cadre du projet COOLSCAPES soutenu par l’Agence Nationale de la Recherche (subvention ANR-18-CE22-0003). Les auteurs remercient Nantes Métropole dont la sollicitation pour l’évaluation de dispositifs de rafraîchissement dans l’espace public a permis de consolider la méthodologie.
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Citation de l’article : Requena-Ruiz I., Leduc T., Siret D., 2023. Une méthodologie d’analyse des dispositifs de rafraîchissement estival basée sur la métrologie climatique mobile. Climatologie, 20, 8.
Liste des tableaux
Grille d’analyse spatiale d’un dispositif de rafraîchissement. Spatial evaluation grid of a cooling device.
Circuits de mesures réalisés et températures d’air relevées sur place par la sonde Kestrel-5400. Sur les plans des parcours, certains points de référence sont numérotés pour faciliter l’interprétation des graphiques de la figure 4 ci-après. Measurement circuits and air temperatures measured on site by the Kestrel-5400 probe. On the route plans, some reference points are numbered to facilitate interpretation of the graphs in figure 4 below.
Liste des figures
Figure 1 Le chariot climatique développe par l’equipe AAU-Crenau. On distingue la sonde mixte sous abri (A), l’anémomètre ultrasonique (B), les couples de pyranomètres et pyrgéomètres dans les trois directions droite/gauche, devant/derrière et haut/bas (C). © Photo D. Siret / I. Requena-Ruiz / AAU-Crenau. The climatic cart developed by the AAU-Crenau team. One can distinguish the mixed probe under shelter (A), the ultrasonic anemometer (B), the pyranometer and pyrgeometer pairs in the three directions right/left, front/back and top/bottom (C). Photo D. Siret /I. Requena-Ruiz / AAU-Crenau. |
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Figure 2 Le mobilier Coasis dans un espace public urbain de la métropole nantaise. © Photo Coasis I. Requena / AAU- Crenau. © Photo aérienne Google Maps (la photo aérienne ne reflète pas l’aménagement définitif de la zone). Coasis furniture in an urban public space in Nantes Metropole. Photo Coasis I. Requena / AAU-Crenau. Aerial photo from Google Maps (the aerial photo does not reflect the final layout of the area). |
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Figure 3 En haut, vue aérienne du site d’implantation avec les deux parcours de mesure (trait rouge et trait jaune). © Photo aérienne Bing Maps. En bas, simulation des ombrages cumulés montrant la durée d’ombrage continue dans la zone le 11 juillet entre 9 h et 21 h (heures locales). © T. Leduc / AAU-Crenau.Above, aerial view of the site with the two measurement paths (red line and yellow line). © Aerial photo Bing Maps. Bottom, cumulative shading simulation showing the duration of continuous shading in the area on July 11 between 9 a.m. and 9 p.m. (local time). © T. Leduc / AA U-Crenau. |
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Figure 4 Planche synthétisant les données mesurées et les indices de confort thermique calculés le long d’un parcours autour du dispositif étudié (13 juillet 2022, 18h09-18h18). Première ligne, à gauche : trace du parcours de mesure avec les numéros des points de passage géoréférencés, les ombres portées par les bâtiments (en gris) et par les arbres (en vert); au milieu : température de l’air au niveau des pieds (Temp_C_Avg(1) et au niveau de la nuque (Temp_C_Avg(2); à droite : évolution de l’humidité relative (RH_Avg). Deuxième ligne, à gauche : température de l’air mesurée par la station fixe Kestrel 5400 et dans deux stations de référence Météo France pour l’agglomération de Nantes; au milieu : rayonnement solaire direct (SR01Up_3_Avg) et rayonnement infrarouge depuis le sol (IR01_DnCo_3_Avg); à droite : vitesse du vent (WS_ms_Avg). Troisième ligne, à gauche : température radiante moyenne (Tmrt); au milieu : indice PET; à droite : indice UTCI. Les mesures dans la zone arborée et à proximité et au sein de Coasis sont indiquées par des intervalles. © T. Leduc / I. Requena / D. Siret, AAU-Crenau. Table summarizing data measured and thermal comfort indices calculated along a route around the device under study (July 13, 2022, 6:09pm-6:18pm). First line, left: trace of measurement route with georeferenced waypoint numbers, shadows cast by buildings (grey) and trees (green); middle: air temperature at feet (Temp_C_Avg(1)) and at nape of neck (Temp_C_Avg(2)); right: change in relative humidity (RH_Avg). Second line, left: air temperature measured by the Kestrel 5400 fixed station and at two Météo France reference stations for the Nantes conurbation; middle: direct solar radiation (SR01Up_3_Avg) and infrared radiation from the ground (IR01_DnCo_3_Avg); right: wind speed (WS_ms_Avg). Third line, left: mean radiant temperature (TMRT); middle: PET index; right: UTCI index. Measurements in the tree zone and near and within Coasis are indicated by intervals. © T. Leduc /1. Requena /D. Siret, AAU-Crenau. |
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Figure 5 Déplacements (lignes bleues) et arrêts (disques rouges) relevés dans la zone d’étude durant les deux jours d’observation. Représentation par tranche horaire en colonnes à droite et en cumul sur les deux journées, avec un zoom sur Coasis, à gauche. La largeur des lignes et le diamètre des disques sont fonction du nombre de personnes. © I. Requena / AAU-Crenau. Journeys (blue lines) and stops (red discs) recorded in the study area during the two days of observation. Representation by time slot in columns on the right and cumulative over the two days, with a zoom on Coasis, on the left. The width of the lines and the diameter of the discs are a function of the number of people. © I. Requena / AAU-Crenau. |
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