Issue
Climatologie
Volume 20, 2023
Changement climatique : les territoires acteurs des trajectoires d’adaptation et de transition écologique
Article Number 2
Number of page(s) 7
DOI https://doi.org/10.1051/climat/202320002
Published online 24 October 2023

© J. Diallo-Dudek et al., hosted by EDP Sciences 2023

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Introduction

Les études du climat urbain sont devenues une préoccupation majeure dans l’agglomération dijonnaise depuis dix ans avec pour première initiative le développement d’un réseau de mesures in situ : Measuring Urban System of Temperature of Air Round Dijon (MUSTARDijon). Ce réseau, qui compte actuellement 87 stations sur Dijon Métropole contribue au Service National d’Observation (SNO) OBSERVIL, labellisé par l’Institut National des Sciences de l’Univers (INSU) du CNRS.

Des simulations atmosphériques avec Méso-NH (modèle régional de Météo-France et de Laboratoire d’Aérologie; Lafore et al., 1998; Lac et al., 2018) ont permis d’étudier l’influence de différentes formes urbaines sur l’Îlot de Chaleur Urbain (ICU) de Dijon Métropole. Les résultats montrent que les formes urbaines qui intègrent une proportion élevée d’espaces verts contribuent à limiter l’ICU (Vairet, 2020). D’un point de vue climatique et urbanistique, pour loger un grand nombre d’habitants, l’habitat collectif de grande hauteur ne serait donc pas problématique, à condition d’être associé à de vastes surfaces désimperméabilisées et végétalisées.

Dans le cadre de la recherche sur le climat urbain, le programme SAVE-IFU a été lancé et coordonné par le Centre de Recherches de Climatologie (CRC), laboratoire Biogéosciences. Ce programme, soutenu par l’ADEME et le Pôle fédératif de recherche et de formation en santé publique Bourgogne-Franche-Comté (BFC), fait partie du 3ème Plan Régional Santé Environnement (PRSE3). Il a bénéficié de la participation du laboratoire ThéMA. Les travaux de recherche et de concertation ont permis d’associer six agglomérations : Dijon Métropole, Grand Belfort, Grand Besançon, Grand Chalon, Pays de Montbéliard Agglomération et Grand Nevers.

L’objectif principal du programme SAVE-IFU était d’associer ces six agglomérations dans une réflexion commune sur le climat urbain. Cela a abouti à la construction de cartographies du territoire de chaque agglomération selon la typologie en zones climatiques locales (Local Climate Zones, LCZ) qui est reconnue à l’échelle internationale (Stewart et Oke, 2012). Le programme visait également à améliorer la représentation de la végétation au sein de ces agglomérations en acquérant et en analysant des images satellites Pléiades.

1. Données et méthodes

Les données mobilisées lors du programme relèvent de deux registres.

1.1. La classification en LCZ avec des indicateurs géospatiaux

Il est fait appel à l’outil GeoClimate (Bocher et al. 2021) qui, sur la base d’un partitionnement du territoire en unités géographiques, calcule des indices permettant d’attribuer à chaque unité un type de LCZ (Bernard et al., 2023), en distinguant 10 classes urbaines et 7 rurales (Stewart et Oke, 2012). Chaque classe est unique en termes de morphologie des éléments de surface. Le climat local est affecté par des facteurs tels que le type d’occupation du sol (végétation, eau, bâtiment, etc.). Il dépend également de la répartition des bâtiments dans l’espace comme de leur taille ou forme ou encore de leur usage. Pour cette raison, la classification des sites nécessite des données d’occupation du sol et une caractérisation de la surface. Il existe des méthodes génériques de calcul des LCZs à partir de données satellitaires, telles que Landsat (Ching et al., 2018). La classification à partir de cette imagerie induit une dégradation de la résolution spatiale de la classification et une sous- représentation des zones urbanisées qui, dans le cas des villes de taille moyenne, va influer l’identification des LCZ (Hidalgo et al., 2019). Pour cette raison, nous avons retenu l’outil GeoClimate qui transforme des données géographiques provenant de bases de données telles que OpenStreetMap ou BD Topo® de l’IGN en centaines d’indicateurs géospatiaux utiles pour les applications climatiques, comme par exemple le facteur de vue du ciel ou la fraction de végétation et de bâtiment. A partir de ces indicateurs, GeoClimate propose une méthodologie pour extraire les LCZ (pour plus d’informations, le code de GeoClimate est en accès libre). GeoClimate peut être un outil d’analyse de l’écologie du paysage, de l’occupation du sol, de la planification et l’aménagement ou pour toute autre application environnementale ou territoriale.

1.2. Cartographier les zones végétalisées avec de l’imagerie satellitaire

La base de données BD Topo® (IGN, 2016) permet de bien décrire les zones bâties, en revanche les zones végétalisées sont très mal renseignées, notamment la végétation des cours et jardins privés. Pour identifier les îlots de fraîcheurs, dans le cadre du programme SAVE-IFU, une cartographie des zones végétalisées a été réalisée à partir d’images Pléiades acquises au cours de l’année 2021 sur les six territoires étudiés. Trois phases d’acquisition ont été planifiées, à savoir mars (début du printemps), mai (fin du printemps) et une acquisition estivale qui était prévue. Les conditions météorologiques (couverture nuageuse et précipitations fréquentes) ont empêché l’acquisition d’images lors de l’été 2021 (tableau 1).

Tableau 1

Les dates d’acquisitions des images Pléiades sur six territoires étudiés. Dates of acquisition of Pleiades images for the six areas studied.

Les images sont fournies dans 5 bandes spectrales : bleu, vert, rouge, proche infrarouge et panchromatique. Pour chaque prise de vue, les modes Panchro et Multispectral (MS) sont acquis simultanément. Le satellite Pléiades passe sur la Bourgogne-Franche-Comté autour de 10h30 UTC.

Les images de la bande panchromatique sont acquises à la résolution de 70 cm, tandis que les images des autres bandes spectrales ont une résolution de 2,8 m. La fauchée du capteur est de 20 km. Les images sont ensuite ré-échantillonnées au sol à 50 cm (Panchro) et 2 m (MS). Le satellite a été programmé pour une acquisition d’images dans des conditions de très faible nébulosité. Il fournit des images prises avec un faible angle d’incidence, ce qui implique une faible déformation géométrique. Les images sont ensuite téléchargées sur le portail DINAMIS ( dinamis.data-terra.org/acces-aux-donnees ).

Pour éviter de classer des sols nus en espaces végétalisés, il est nécessaire d’identifier les conditions de forte humidité relative de l’air et des sols, ainsi que de faibles températures des sols. Pour ce faire, nous avons analysé les données de la station de Longvic de Météo-France aux dates et heures des prises d’images. Puis la description de la végétation en milieu urbain a été effectuée en s’appuyant sur une analyse de deux indices de végétation, le Normalized Difference Vegetation Index (NDVI) et le Modified Soil Adjusted Vegetation Index (MSAVI) avec méthodes de classification supervisées.

Une première classification est faite en fixant des seuils sur les deux indices pour détecter les surfaces végétales puis distinguer la végétation base de la végétation haute. Cette méthode est très performante pour la détection de la végétation; cependant, la dissociation végétation haute et basse introduit une surestimation de la végétation haute. Pour cette raison, deux autres méthodes ont été testées : la classification supervisée Support Vector Classification (SCV) et Random Forest (Pedregosa et al., 2011; Buitinck et al., 2013). Les résultats pour la détection de la végétation ont été très satisfaisants, avec une très bonne détection des surfaces végétales. Les meilleurs résultats ont été obtenus pour les surfaces artificialisées et humides, la surestimation de la végétation haute est moindre qu’avec les deux indices. Les résultats des deux classifications ont été comparés et évalués avec une photo-interprétation. Cependant, indépendamment de la méthode de classification, l’analyse d’images prises à différentes saisons montre l’influence de l’angle d’élévation du soleil sur les ombres portées, en particulier par des bâtiments hauts susceptibles de masquer la végétation. En conséquence, une partie de la végétation, celle affectée par ces ombres portées, est difficilement détectable quelle que soit la méthode.

2. Résultats

Pour Dijon Métropole, les travaux fondés sur MUSTARDijon et portant sur la variabilité spatiotemporelle de la température de l’air (Richard et al., 2018, 2021, 2022; Crétat et al., 2023) permettent de tirer deux conclusions :

  • l’ampleur de l’ICU est maximale lors des nuits qui succèdent à des journées ensoleillées et peu ventées. La différence ville-campagne peut atteindre 6°C certaines nuits printanières ou estivales;

  • de nombreux IFU liés à la présence de parcs ont été observés. Les IFU atteignent généralement de -1 à -2°C (dans le cas de parcs dont la superficie est inférieure à 10 ha), et jusqu’à -4°C (dans le parc de la Colombière d’une superficie de 33 ha).

2.1. Cartographie des zones climatiques locales des six agglomérations de BFC

Dans l’action publique pour la prospective urbaine, il est indispensable de développer des méthodes génériques, transposables d’un territoire à l’autre. Cela ne signifie nullement gommer les spécificités de chacun d’entre eux. En termes de climat urbain, la méthodologie LCZ proposée en 2012 s’est depuis imposée à l’échelle internationale. En effet, les LCZ sont applicables quels que soient le climat, la taille et la forme urbaine.

SAVE-IFU a permis d’appliquer cette typologie à six agglomérations (figure 1). Chacune dispose désormais d’une cartographie des ambiances climatiques et d’une multitude d’indicateurs associés (surfaces de toit, fraction bâtie, rugosité, facteur d’ouverture sur le ciel, fraction de végétation, fraction de routes, fraction des surfaces en eau, …).

thumbnail Figure 1

Typologie en Local Climate Zones (LCZ) issue de la chaîne de traitement BD Topo® - GeoClimate appliquée aux six agglomérations de Bourgogne-Franche-Comté étudiées dans le cadre du programme SAVE-IFU. Pour les sept LCZ urbanisées les plus présentes (2, 3, 4, 5, 6, 8 et 9) dans les six agglomérations de BFC, la méthode permet de proposer une batterie d’indicateurs fournis aux collectivités. Typology of Local Climate Zones (LCZ) derived from the BD Topo® - GeoClimate processing chain applied to the six Burgundy-Franche-Comté built-up areas studied in the SAVE-IFU project. For the seven most common urbanised LCZs (2, 3, 4, 5, 6, 8 and 9) in the six cities of BFC, the method proposes a series of indicators supplied to local authorities.

En secteur urbanisé, les LCZ les plus présentes dans les six agglomérations sont les LCZ 2, 3, 4, 5, 6, 8 et 9. La LCZ 10 (industrie lourde) est surtout présente à Belfort et Montbéliard. Les LCZ 1 (tours compactes de type Manhattan) et 7 (constructions légères de type bidonville) ne sont pas présentes en BFC. L’analyse comparée du secteur non-urbanisé permet de différencier les périphéries des villes bourguignonnes (Dijon, Nevers, Chalon) où les espaces agricoles dominent, des périphéries des villes franc-comtoises (Belfort, Montbéliard et Besançon) plus boisées. Partout, la LCZ E (roche nue, carrière) est surreprésentée en raison d’une sous-estimation manifeste de la végétation dans la BD Topo®, en particulier dans les aéroports et les terrains militaires. La figure 2 illustre l’indicateur correspondant à la fraction bâtie. Des analyses intra et interurbaines sont possibles. En intra-urbain, la tendance est commune : les LCZ 2 (immeubles compacts) et 3 (maisons compactes) correspondent respectivement aux centres historiques et aux faubourgs, quartiers les plus densément bâtis. A l’opposé, la LCZ 9 (maisons éparses, constructions isolées) qui représente les pavillons péri-urbains des grandes ceintures, est la moins densément bâtie. Les fractions bâties sont très comparables pour les quatre autres LCZ avec certaines zones d’activités (LCZ 8) approchant 100%. Les zones d’activités ont généralement une faible fraction bâtie, cependant, en étant imperméables avec des parkings bitumés, elles sont tout autant problématiques que les surfaces bâties en termes de surchauffe. Pour cet indicateur, les six agglomérations se ressemblent beaucoup.

thumbnail Figure 2

Graphique « en violons » renseignant la fraction bâtie des huit LCZ urbaines présentes dans les six agglomérations étudiées. Violin plots showing the built-up fraction of the eight urban LCZs in the six cities studied.

2.2. Représentation de la végétation des six agglomérations de BFC

La sous-représentation de la végétation dans la BD Topo® génère une sous-estimation des zones fraîches. L’acquisition et l’analyse d’images Pléiades a permis de quantifier, de cartographier cette sous-représentation et de produire des données et des cartes réalistes de la fraction de végétation présente dans les villes, en particulier dans les espaces privatifs (figure 3). Les services écosystémiques produits par la végétation, dont le rafraîchissement de l’air, sont largement sous- estimés si les analyses ne sont fondées que sur des bases de données de type BD Topo® ou OpenStreetMap (OSM). Toutes les villes sont beaucoup plus végétalisées que la représentation dans les bases de données étudiées par les agents des collectivités ou les agences d’urbanisme. La représentation des cœurs des villes montre que, au- delà des aéroports et terrains militaires, ce sont des milliers de jardins privatifs pour lesquels la végétation n’est pas correctement décrite.

thumbnail Figure 3

Apport comparatif du traitement des images Pléiades effectué dans le cadre du programme SAVE-IFU par rapport aux données de la BD-Topo pour décrire la végétation au cœur de trois agglomérations étudiées. The relative contribution of Pleiades images compared with BD-Topo data for the description of vegetation at the heart of three urban areas studied.

Conclusion

Le programme SAVE IFU a permis à six agglomérations de bénéficier de premiers éléments de connaissance sur la climatologie urbaine de leur territoire sur la base d’une méthodologie homogène et s’appuyant sur le référentiel approuvé des LCZ. Il a aussi permis de participer à un réseau d’échanges entre services (PCAET, services d’urbanisme et opérationnels) des différentes agglomérations et de bénéficier de retours d’expériences et de témoignages sur les bonnes pratiques d’aménagement pour lutter contre l’ICU, en ayant connaissance des études et travaux pouvant alimenter les réflexions. A la suite de ces travaux, des agglomérations de la région BFC vont engager des actions de désimperméabilisation et souhaitent bénéficier d’un protocole de suivi (avant / après) de quelques opérations phares (exemple : écoquartiers ou/et cours d’écoles) afin de mesurer l’efficacité des solutions de rafraîchissement mises en place. Un travail d’appui de différentes expérimentations pourrait être envisagé et coordonné au niveau régional. D’autres perspectives sont à étudier, comme la couche ‘végétation’ créée dans le cadre de SAVE-IFU qui pourrait être réactualisée pour voir l’évolution des projets engagés, par exemple tous les cinq ans avec évolution de la BD Topo® et le traitement de nouvelles images Pléiades. Il faudrait envisager des liens plus opérationnels entre l’identification des LCZ et la planification, par exemple en intégrant les LCZ dans les PLUi.

Gérer les espaces verts d’une ville, c’est certes intervenir sur l’espace public, compétence des collectivités, mais c’est aussi limiter l’imperméabilisation des espaces privatifs (petits stationnements pour véhicules, allées bitumées, pelouses synthétiques) et favoriser le développement de végétaux (arbres, haies et pelouses). Un partenariat public-privé reste à construire pour que les IFU actuels ne soient pas détruits. C’est un des enjeux imposés par le changement climatique et le Zéro Artificialisation Nette (ZAN) de la loi Climat et résilience. Il est nécessaire de co-construire des territoires les mieux adaptés possible à un climat où les canicules sont et seront plus intenses, fréquentes et durables.

Remerciements

Nous remercions l’ADEME et le Pôle fédératif de recherche et de formation en Santé Publique Bourgogne-Franche-Comté. Nous remercions Airbus Defense and Space, le pôle THEIA et le programme ISIS du Centre National d’Etudes Spatiales pour la programmation et la mise en production des images Pléiades en Bourgogne Franche Comté. Les calculs ont été effectués au centre de calcul DNUM-CCUB de l’Université de Bourgogne Franche-Comté. Le réseau MU STARDijon est intégré dans le Service National d’Observation (SNO) Observil de l’INSU/CNRS.

Références

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Citation de l’article : Diallo-Dudek J., Vairet T., Richard Y., Thevenin T., Martiny N., Pergaud J., Roy D., Bernard J., Bocher E., Rega M., Poupelin M., Dubois P., Cléau-André H., 2023. Cartographier la végétation et les Local Climate Zone dans six agglomérations de Bourgogne- Franche-Comté. Climatologie, 20, 2.

Liste des tableaux

Tableau 1

Les dates d’acquisitions des images Pléiades sur six territoires étudiés. Dates of acquisition of Pleiades images for the six areas studied.

Liste des figures

thumbnail Figure 1

Typologie en Local Climate Zones (LCZ) issue de la chaîne de traitement BD Topo® - GeoClimate appliquée aux six agglomérations de Bourgogne-Franche-Comté étudiées dans le cadre du programme SAVE-IFU. Pour les sept LCZ urbanisées les plus présentes (2, 3, 4, 5, 6, 8 et 9) dans les six agglomérations de BFC, la méthode permet de proposer une batterie d’indicateurs fournis aux collectivités. Typology of Local Climate Zones (LCZ) derived from the BD Topo® - GeoClimate processing chain applied to the six Burgundy-Franche-Comté built-up areas studied in the SAVE-IFU project. For the seven most common urbanised LCZs (2, 3, 4, 5, 6, 8 and 9) in the six cities of BFC, the method proposes a series of indicators supplied to local authorities.

Dans le texte
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Graphique « en violons » renseignant la fraction bâtie des huit LCZ urbaines présentes dans les six agglomérations étudiées. Violin plots showing the built-up fraction of the eight urban LCZs in the six cities studied.

Dans le texte
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Apport comparatif du traitement des images Pléiades effectué dans le cadre du programme SAVE-IFU par rapport aux données de la BD-Topo pour décrire la végétation au cœur de trois agglomérations étudiées. The relative contribution of Pleiades images compared with BD-Topo data for the description of vegetation at the heart of three urban areas studied.

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