Numéro
Climatologie
Volume 18, 2021
Changement climatique, territoires et agrosystèmes
Numéro d'article 6
Nombre de pages 21
DOI https://doi.org/10.1051/climat/202118006
Publié en ligne 8 février 2022

© H. Di Costanzo, hosted by EDP Sciences 2021

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Introduction

On distingue habituellement quatre types de sécheresse (Dracup et al., 1980; Wilhite et Glantz, 1985; Mishra et Singh, 2010; Van Loon et al., 2016) : atmosphérique, édaphique, hydrologique et sociétale. Les trois premières traduisent un déficit hydrique dans différents réservoirs du cycle hydrologique. Ces déficits impactent in fine le bon fonctionnement d’une société : pertes agricoles, feux de forêt, dégradations des écosystèmes, baisse de la production énergétique, etc. (Aguilera-Klink et al., 2000; Wilhite et al., 2007; Van Loon et al., 2016a; Van Loon et al., 2016b; Guermazi et al., 2019). Contrairement aux crues, il s’agit d’un aléa à cinétique lente (mois ou années) agissant sur de vastes espaces géographiques (bassin versant, pays ou région), ce qui complique la gestion de crise (Karavitis et al., 2014; Van Loon, 2015). La sécheresse atmosphérique correspond à une longue période d’absence de pluie pouvant être associée à des conditions de forte évapotranspiration (Senaut, 2015). Elle est à l’origine de toute sécheresse.

La sécheresse est récurrente en Méditerranée. La remontée vers le nord des anticyclones subtropicaux durant l’été décale les retombés d’air de la cellule de Hadley au niveau du pourtour méditerranéen et implique une diminution des précipitations. Elle coïncide avec la période la plus chaude de l’année. Cette situation est propice à la génération de sécheresse atmosphérique.

Ce secteur géographique est considéré par Giorgi (2006) comme un hotspot du changement climatique. De nombreux travaux ont montré une diminution récente des précipitations, accompagnée d’une augmentation des températures en secteur méditerranéen (Norrant et Douguedroit, 2006; Sousa et al., 2011; Milano et al., 2013; Spinoni et al., 2017; Stagge et al., 2017). Une possible aggravation de ces tendances est à envisager d’ici la fin du XXIe siècle (Arnell, 2003; Giorgi, 2006; Van Der Schrier et al., 2006; Burke et Brown, 2008; de Marsily, 2010; Dai, 2011; Milano et al., 2013; Vicente-Serrano et al., 2014; Tramblay et al., 2020; Vicente-Serrano et al., 2020). Par ailleurs, plusieurs études ont confirmé un assèchement du territoire français, en particulier dans l’espace méditerranéen. Le projet ClimSec (Soubeyroux et al., 2011) souligne une augmentation de l’intensité et de la longueur des sécheresses édaphiques durant la seconde moitié du XXe siècle. D’autres études, plus locales, constatent également une légère baisse des précipitations dans le sud-est de la France (Norrant et Douguedroit, 2004) et sur certains petits bassins versants méditerranéens français (Folton et al., 2020). Dans un contexte de changement climatique (diminution des précipitations associée à une augmentation de l’évapotranspiration) et de renforcement de la pression anthropique sur les bassins versants (modes d’irrigations peu économes, cultures non adaptées au climat local, augmentation de la population accentuée par une forte affluence touristique), une diminution de la ressource en eau est à craindre à l’avenir.

Il est proposé dans cette étude une analyse de la sécheresse atmosphérique sur un bassin versant méditerranéen du sud-est de la France : le Gardon. Après avoir présenté les données et la méthodologie suivie, nous exposerons dans un premier temps une analyse historique entre 1900 et 2019 de la variation des sécheresses atmosphériques les plus intenses à partir des données pluviométriques des stations Météo France. Puis dans un second temps, nous proposons sur la période 2000-2019, toujours dans le périmètre du bassin du Gardon, une analyse critique sur le choix de la définition du jour sec. Ce biais est souvent mis de côté pour le calcul des séquences sèches (indicateur retenu pour étudier les sécheresses atmosphériques). Nous verrons qu’il peut amener à reconsidérer la probabilité d’occurrence des évènements extrêmes ainsi que leurs distributions spatiales sur le bassin.

1. Données

1.1. Terrain d’étude

Le bassin du Gardon (figure 1) est un sous-bassin du Rhône d’environ 2000 km². Dans ce secteur, les phénomènes de sécheresse sont moins étudiés que les crues cévenoles. Or, les enjeux sur la ressource en eau sont importants, tout particulièrement en période estivale où l’on retrouve de fortes tensions entre les usages touristiques et agricoles qui sont des secteurs stratégiques pour l’économie du département du Gard. La surface agricole utile représente 42% de la superficie du bassin versant avec la vigne pour culture dominante (www.agreste.agriculture.gouv.fr/agreste-web/disaron/Carte-RA-sauev/detail/). La partie aval du bassin est la plus cultivée. On y retrouve en particulier des cultures fruitières, maraîchères et de la viticulture. En amont du bassin, sur la partie cévenole, l’agriculture est dite traditionnelle et extensive avec une activité d’élevage prédominante.

thumbnail Figure 1

Carte du secteur du bassin versant du Gardon; 59 stations météorologiques disponibles sur plus de 30 ans sont recensées entre 1855 et 2019, et 44 entre 2000 et 2019. Les stations utilisées pour l’observation séculaire des sécheresses atmosphériques sont identifiées et leur fenêtre temporelle de mesure précisée sur la carte. Map of the Gardon watershed area. 59 meteorological stations available over 30 years are identified between 1855 and 2019 and 44 between 2000 and 2019. The stations used for the secular observation of atmospheric droughts are identified and their period measurement is specified on the map.

En période estivale, la consommation d’eau par les agriculteurs représente une part majoritaire de la consommation totale sur ce bassin. D’après le plan de gestion de la ressource en eau du bassin du Gardon (Établissement Public Territorial de Bassin Gardons, 2018), le prélèvement net pour l’irrigation est estimé à 1,2 Mm3 durant le mois de juin (mois de pointe du prélèvement). L’irrigation des cultures est assurée par plusieurs systèmes d’irrigation. Le canal de Boucoiron, de Beaucaire et les périmètres d’irrigation gérés par la société BRL contribuent principalement à l’irrigation des cultures dans la partie aval du bassin. Sur la partie amont, l’irrigation est gérée de manière plus informelle à partir des eaux de rivières détournées par de nombreux béaux (petits canaux de dérivation d’eau dans le sud-est de la France). En cas d’arrêtés préfectoraux, le prélèvement peut être limité puis interdit (Riaux et al., 2009). Les conséquences sur le rendement peuvent être très sévères en période de croissance végétative dans un secteur où l’agriculture est fortement dépendante de l’irrigation en période estivale.

1.2. Les données satellites MODIS

L’ETR est couramment estimée à partir de la méthode de Thornthwaite (1948). Elle est simple à calculer, mais conduit à faire des hypothèses fausses sur les caractéristiques de la réserve utile. Depuis quelques décennies, plusieurs satellites proposent une mesure spatiale et temporelle de l’ETR. Zhang et al. (2016) présentent une revue détaillée de l’historique des méthodes mises en œuvre pour l’estimation de l’ETR par satellite. Elles reposent sur la résolution du bilan d’énergie qui fournit le lien explicite entre la température mesurée et le flux de chaleur sensible et latente. Il faut cependant rappeler que ces données radiométriques satellitaires sont impactées par une dégradation de la qualité de la mesure en présence d’une quantité importante d’aérosols dans l’atmosphère ou lors de la présence de nuages (cause principale des biais). Les séquences sèches les plus longues surviennent généralement en période de ciel dégagé, sans pluie. On peut faire l’hypothèse que ce biais métrologique impacte moins le calcul des séquences sèches les plus longues dans le sud-est de la France. Les données satellites MODIS ont été choisies en fonction de leur résolution temporelle et spatiale. Le produit MOD16A2 (Running et al., 2019) donne une estimation de l’ETR et de l’ETP à partir du modèle de Penman-Monteith (Monteith, 1965). La donnée est produite à une résolution de 500 m sous la forme d’un cumul hebdomadaire depuis 2000.

Pour limiter l’impact de certaines valeurs aberrantes sur notre analyse, nous avons (1) retiré les pixels identifiés comme défectueux par le producteur, (2) moyenné la valeur des pixels dans un périmètre d’1 km² avoisinant la station afin de s’affranchir d’éventuels cas de pixels défectueux (population de neuf pixels voisins) et enfin, (3) interpolé temporellement par la méthode dite LOWESS (Cleveland, 1981) les séries chronologiques hebdomadaires des moyennes spatiales des cumuls d’ETP et d’ETR afin de réduire le bruit et estimer les valeurs quotidiennes (Moreno et al., 2014). A partir de 2000, la mise en service relativement récente du satellite MODIS permet la comparaison des distributions des séquences sèches (seuil de 1 mm, ETP, ETR) (figure 2a).

thumbnail Figure 2

a) Nombre de postes disponibles et taux de lacune (nombre d’absences quotidiennes/poste/an) des pluviomètres Météo France de la Publithèque mesurant plus de trente années de mesure sur le secteur du bassin du Gardon (1855-2019). b) Variabilité temporelle des sécheresses atmosphériques mesurées à partir des longueurs maximales mensuelles (LMM) des séquences sèches (seuil de 1 mm) calculées sur les postes pluviométriques entre 1855 et 2019. La moyenne d’un sous échantillon représentatif du secteur déterminé à partir de tests de Monte-Carlo a été utilisée pour décrire l’évolution des évènements de sécheresse atmosphérique sur le secteur du bassin du Gardon entre 1900 et 2019. Les années précisées sur le graphique sont celles ayant une probabilité d’occurrence inférieure ou égale à 0,01. Lorsque des impacts de sécheresses ont été identifiés par d’autres sources, les références, le lieu et le type d’impact observé sont précisés. Les points interrogation signalent une absence de source pour la confirmation de l’évènement à partir d’impacts observés. a) Number of available stations and gap rate (number of daily absences/station/year) of the Publithèque Météo France rain gauges measuring more than 30 years over the Gardon basin area (1855-2019). b) Temporal variability of atmospheric droughts measured from the maximum monthly lengths (MML) of dry sequences (1 mm threshold) calculated on rain gauge stations between 1855 and 2019. The average of a representative subsample of the sector determined from Monte-Carlo tests was used to describe the evolution of atmospheric drought events over the Gardon basin sector between 1900 and 2019. The years specified on the graph represent events with a probability of occurrence inferior or equal to 0.01. When drought impacts have been identified by other sources, the references, location and type of impact observed are specified. Question marks indicate a lack of sources to confirm the event from observation impacts.

1.3. Les postes météorologiques Météo France

Les postes de Météo France recensés par la Publithèque (publitheque.meteo.fr/okapi/accueil/) sont utilisés pour les mesures de précipitation et d’ETP. Nous retenons l’ensemble des postes pluviométriques comportant plus de 30 années de mesures situées dans le bassin versant du Gardon et à sa proximité. L’emprise géographique est comprise entre 3,1°E et 6,2°E, et entre 43,0°N et 44,7°N (figure 1).

Plusieurs chroniques permettent une analyse séculaire, la plus longue étant la chronique de Générargue mesurant les hauteurs de précipitation depuis 1855. Excepté la période antérieure à 1900, le taux d’absence de données par poste chaque année reste très faible (moins de 5 absences quotidiennes/poste/an) (figure 2a). On distingue, pour l’évolution du nombre de postes trois grandes périodes principalement liées à l’histoire économique du pays :

  1. une période antérieure à 1950 durant laquelle le nombre de postes est compris entre 10 et 20;

  2. une période après la Seconde Guerre Mondiale avec une augmentation rapide du nombre de stations (de 20 à 43) jusqu’en 1970;

  3. enfin, une stagnation du nombre de postes autour de 45 entre 1970 et 2019.

Le nombre de postes mesurant le cumul quotidien de précipitation sur la période 1855 à 1945 (entre 1 et 20 postes) est moins important qu’à la fin (une quarantaine). La représentativité spatiale des mesures pluviométriques au cours du temps peut être remise en cause (figure 2a). Le faible nombre de postes et la part importante de valeurs absentes nous ont conduits à retirer les mesures antérieures à 1900 (figure 2a).

Lorsqu’elles sont disponibles pour ces postes pluviométriques, nous récupérons également les mesures d’ETP (figure 2a). Le nombre de postes mesurant l’ETP et la couverture temporelle associée sont beaucoup moins grands que pour la pluviométrie (4 postes sur 44 entre 2000 et 2019). Plusieurs types de méthodes d’estimation de l’ETP existent (Lecarpentier, 1975) : thermiques (Hargreaves), énergétiques (Priestley-Taylor) et de transfert de masse (Dalton). Dans notre cas, l’estimation est faite à partir de la méthode Penman-Monteith modifiée par Météo France (Ducharne, 2002). Vannier et Braud (2012) ont comparé différentes variantes de la formule de calcul de l’ETP Penman-Monteith, dont celle utilisée par Météo France dans la Publithèque dans le département du Gard. Les mesures ont été jugées satisfaisantes, car concordantes avec d’autres méthodes de calcul de l’ETP. Elles sont donc mobilisées pour valider les estimations d’ETP par satellite.

1.4. La tour de flux de turbulence du réseau Fluxnet

Les données de la station de flux de turbulences Puechabon du réseau Fluxnet (Pastorello, 2020) ont été utilisées pour vérifier la qualité d’estimation de l’ETR MODIS par rapport aux mesures in situ. Les stations de tours de flux de turbulence sont utilisées pour mesurer l’ETR d’un couvert forestier de quelques kilomètres carrés. Elles sont donc compatibles avec la résolution du satellite (500 m). Les mesures d’ETR de la station de flux de turbulences sont disponibles entre 2003 et 2014 à une échelle horaire (sites.fluxdata.org/FR-Pue/) (figure 2a). Les cumuls hebdomadaires sont calculés pour rendre la comparaison possible avec les données MODIS. La station de Puechabon est proche du secteur. Elle est située au sud-ouest du bassin versant du Gardon à une cinquantaine de kilomètres (figure 1) et représentative d’une végétation de type méditerranéenne.

2. Méthodes

2.1. Calcul des séquences sèches et de leur intensité

Différents indicateurs sont utilisés pour l’observation de la sécheresse atmosphérique : par exemple celui appelé Standardised Precipitation Index (McKee et al., 1993) ou le Palmer Drougth Severity Index (Palmer, 1965). L’utilisation des cumuls ou moyennes mensuelles de précipitations ne permet pas de caractériser la structure temporelle des jours sans pluie. Or, elle est aussi déterminante que la quantité d’eau précipitée dans des secteurs où les précipitations sont nombreuses et intenses. Nous utiliserons dans cette étude l’indicateur des séquences sèches initialement proposé par Douguedroit (1980, 1990), adapté dans le sud-est de la France.

Une séquence sèche est définie comme une succession ininterrompue de jours secs (Douguedroit, 1980, 1990; Peiris, 2011). Afin de limiter les erreurs de calcul, la première et la dernière séquence sèche de chaque série temporelle de mesure du cumul quotidien de précipitation ont été éliminées. Il en est de même pour les séquences qui encadrent une valeur absente de cumul quotidien de pluie. Parmi les différentes études menées sur cet indicateur, plusieurs mesures de l’intensité ont été proposées. Des auteurs ont travaillé sur la longueur maximale annuelle (Caloiero et al., 2015; Tramblay et Hertig, 2018), la longueur moyenne annuelle (Douguedroit, 1980, 1990; Douguedroit, 1983; Douguedroit, 1987), les longueurs supérieures à un certain seuil de percentile (Lana et al., 2006; Lana et al., 2008; Caloiero et al., 2015; Raymond et al., 2016), le nombre de jours secs (Douguedroit, 1983; Raymond et al., 2016), à partir des périodes de retour (Douguedroit, 1990; Lana et al., 2006). Nous faisons le choix de travailler sur la longueur des séquences sèches maximales mensuelles (LMM). Celles-ci permettent d’avoir un sous-échantillon des extrêmes plus robustes qu’un maximum annuel (12 LMM/an). De plus, chaque mois de l’année est considéré et une analyse saisonnière devient possible à partir de ce sous-échantillonnage. Chaque LMM est déterminée à partir de la date de départ de la séquence sèche. La longueur de la séquence sèche est utilisée pour mesurer l’intensité d’une sécheresse atmosphérique. La probabilité d’occurrence permet de comparer, à intensité égale, le risque d’apparition d’une séquence sèche entre différents secteurs géographiques, périodes de l’année ou méthodes de calcul.

2.2. Choix du seuil du jour sec

Dans le cadre des études sur les séquences sèches, le jour sec est couramment défini par un jour sans pluie ou encore par un jour avec des précipitations inférieures à 1 mm pour prendre en compte l’évaporation ou l’erreur de mesure (Peiris et al., 2011). Ce choix de seuil ne nous semble pas pertinent en secteur méditerranéen. Quelques auteurs ont travaillé sur la distribution statistique des séquences sèches à partir de différents seuils de précipitation (Lana et al., 2008). Ceux-ci ont montré que le choix du seuil ne change pas fondamentalement la structure de la distribution statistique. Néanmoins, l’utilisation d’un seuil fixe tout au long de l’année ne prend pas en compte l’effet du cycle annuel de l’évapotranspiration.

Rivoire et al. (2019) ont pointé sur le pourtour méditerranéen des différences notoires pour les tendances et la forme des distributions statistiques des séquences sèches les plus intenses en comparant l’effet d’un seuil fondé sur l’évapotranspiration potentielle (ETP) avec celui d’1 mm. Si l’ETP permet de mieux prendre en compte la saisonnalité de l’évapotranspiration et donc de préciser la mesure des précipitations utiles (PU), on peut suspecter dans un bassin versant une surestimation de la quantité d’eau évaporée. Le contrôle végétatif de l’évaporation et la taille de la réserve utile sont rarement négligeables. Au cours de la période estivale, la disponibilité en eau dans les sols limite l’évapotranspiration dans le sud de la France.

Nous proposons l’utilisation de trois seuils pour déterminer les PU : 1 mm, l’ETP et l’ETR. L’ETP défini par Thornthwaite (1948) correspond à la quantité d’eau évaporée et transpirée par le sol dans une situation théorique où l’alimentation en eau serait illimitée (Mounier, 1977; Carrega, 1988). L’évapotranspiration réelle (ETR) exprime la quantité d’eau réellement évapotranspirée. Elle est dépendante de l’ETP (la demande atmosphérique) et du niveau de la réserve utile (l’offre) (Mounier 1977; Carrega, 1988). Nous proposons de comparer les distributions des LMM calculées en fonction de ces différents seuils.

2.3. Détermination des lois de distribution

Initialement, les chaînes de Markov ont été utilisées pour déterminer la fonction de probabilité des séquences sèches (Garcia et Martin-Vide, 1993). Mais, celles-ci induisent des biais d’estimation de la probabilité d’occurrence importants pour les séquences sèches les plus courtes et les plus longues (Douguedroit, 1983; Peiris, 2011). Plusieurs lois de distribution ont donc été introduites pour la détermination de la fonction de probabilité d’occurrence de l’intensité des séquences sèches : binomiale négative tronquée (Douguedroit, 1990), Poisson (Lana et Burgueño, 1998), logarithmique (Kamar et Rao, 2004), Weibull (Lana et al., 2008), la famille des distributions géométriques de séries logarithmiques mixtes (Deni et Jemain, 2009), la famille des valeurs extrêmes généralisées (Lana et al., 2006; Rivoire et al., 2019), Log-Normale (Rivoire et al., 2019), Gumbel (Perzyna, 1994; Vicente-Serrano et Begueria-Portugues, 2003; Lana et al., 2006), Generalised Pareto (Lana et al., 2006). Leurs utilisations varient en fonction de l’aire géographique et de la méthode de mesure de l’intensité.

Le package GAMLSS (Generalized Additive Models for Location, Scale and Shape) (Stasinopoulos et Rigby, 2007; Rigby et al., 2017) du logiciel R (www.R-project.org/) est utilisé pour déterminer les lois et paramètres les plus adéquats. Ce package permet, à partir des critères d’information bayésien et d’information d’Akaike (indicateurs de qualité d’un modèle à partir de sa parcimonie et de sa vraisemblance), de proposer des lois adaptées aux distributions statistiques étudiées. L’ensemble des lois citées précédemment sont testées.

2.4. Choix de l’échantillon spatial et temporel représentatif des LMM du bassin du Gardon

Des tests de Monte-Carlo (1000 tirages aléatoires d’un sous-échantillon de 15 stations) sur la période durant laquelle le nombre de postes est le plus important (1970 à 2019) sont réalisés. Pour chaque année, les moyennes spatiales de ces 1000 tirages aléatoires sont comparées à la moyenne spatiale de l’ensemble des stations disponibles. Parmi ces 1000 tirages, le groupe de stations dont les écarts chaque année entre 1970 et 2019 à la moyenne spatiale étaient les plus faibles et la couverture temporelle la plus longue est retenu pour décrire l’évolution des LMM entre 1900 et 2019. Nous faisons l’hypothèse que l’homogénéité observée à partir de ce sous-échantillonnage sur 50 ans reste représentative au cours de la période antérieure. Cette hypothèse pourrait être acceptable si les séries retenues sont stationnaires.

2.5. Les tests statistiques utilisés

Les tendances séculaires sont contrôlées à partir du test non paramétrique de Man-Kendall (Mann, 1945; Kendall, 1990) avec un seuil de significativité de 0,05. Il présente l’avantage d’être moins sensible aux valeurs singulières et n’est pas affecté par la distribution des données. Le test est calculé à partir du package Rtrend (cran.r-project.org/web/packages/rtrend/index.html) du logiciel R. Les écarts de valeurs entre distributions sont testés à partir d’un test de Wilcoxon (Wilcoxon, 1947) pour comparer des différences entre des distributions qui ne sont pas stricto sensu normales mais dont la symétrie est respectée. Le test de Shapiro-Wilk (Shapiro et Wilk, 1965) est utilisé pour contrôler la normalité des résidus d’ajustements de lois statistiques.

3. Résultats

3.1. Sélection des séries chronologiques des LMM représentatives du bassin du Gardon

3.1.1. Les précipitations (1900-2019)

Les tests de Monte-Carlo permettent d’identifier 15 stations représentatives du secteur entre 1900 et 2019. Ce sous-échantillonnage présente entre 1970 et 2019 une valeur moyenne associée à un intervalle de confiance (P < 0,05) de 14,98 ±1,97 jours très similaires à celle de l’ensemble de l’échantillon (14,94 ±4,57 jours) et des 1000 tirages aléatoires des 15 stations (15,30 ±7,20 jours). Ces résultats confirment l’homogénéité spatiale et temporelle d’un sous-échantillonnage dans le secteur, bien qu’en moyenne l’utilisation d’un jeu de 15 stations ait tendance à surestimer les LMM du secteur. Aucune tendance significative n’a été détectée dans le sous-échantillon de 15 stations retenues (tableau 1). Une représentativité entre 1900 et 1970 nous semble acceptable. La moyenne des stations suivantes est retenue : Le Vigan (1855 à 2019), Générargues (1855 à 2019), Villefort (1863 à 2019), Lasalle (1855 à 2010), Malons-et-Elze (1855 à 2002), Arles (1881 à 2007), Val d’Aigoual (1895 à 2019), Saint-Martin-de-Londres (1928 à 2019), Saint-Maurice-Navacelles (1946 à 2019), Pompignan (1955 à 2019), Les Vans (1959 à 2013), Barbentane (1960 à 2006), Châteaurenard (1910 à 2001), Saint-Jean-du-Gard (1974 à 2019), Pujaut (1988 à 2019) (figure 1).

Tableau 1

Résultats du test de Mann et Kendall sur la moyenne du sous-échantillon des LMM (1900 à 2019) retenue pour le bassin versant du Gardon; avec S la pente de Sen dont le signe renseigne sur le sens de la pente et la valeur sa force; P, la P-value du test. Results of the Mann and Kendall test on the means of LMM (from 1900 to 2019) subsample for the Gardon Watershed; with S the slope of Sen where the sign indicates the direction of the slope and the value its strength and P, the P-value of the test.

3.1.2. L’ETP des données MODIS et de la Publithèque (2000-2019)

La relation statistique entre les mesures de Penman-Monteith in situ et celles du satellite MODIS (figure 3a) donne un R2 de 0,87 (P < 0,05); 95% des résidus montrent des différences de mesures comprises entre -9,1 et 9,8 mm/semaine. On constate une surestimation de l’ETP par le satellite MODIS pour les valeurs les plus élevées (supérieures à 56 mm/semaine). La linéarité de la relation confirme que les deux séries temporelles d’estimation de l’ETP sont en phase. Bien qu’il existe des différences entre les deux approches d’estimation (4,69 mm/semaine en moyenne), elles restent cohérentes.

thumbnail Figure 3

a) Relation statistique sur la période 2000-2019 entre les estimations in situ d’ETP des cumuls hebdomadaires des stations Nîmes, Orange, Grande Combe, Pujaut et les cumuls hebdomadaires d’ETP du satellite MODIS. b) Relation statistique sur la période 2003-2014 entre les estimations in situ d’ETR des cumuls hebdomadaires de la station Puechabon du réseau Fluxnet et les cumuls hebdomadaires d’ETR du satellite MODIS. a) Statistical relationship over the period 2000-2019 between the in situ ETP estimates of the weekly totals of the stations Nîmes, Orange, Grande Combe, Pujaut and the weekly ETP totals of the MODIS satellite. b) Statistical relationship over the period 2003-2014 between the in situ ETP estimates of the weekly totals of the station Puechabon of the Fluxnet network and the weekly ETP totals of the MODIS satellite.

3.1.3. L’ETR des données MODIS et de la station Puechabon du réseau Fluxnet (2000-2019)

Avec l’ETR, on observe un R2 de 0,65 (P < 0,05) entre les mesures satellites et celles in situ (figure 3b); 95% des résidus expriment une différence de mesures comprise entre -0,9 et 1 mm/semaine. On distingue des différences plus élevées pour les valeurs les plus faibles (entre 0 et 5 mm/semaine) et les plus fortes (supérieur à 25 mm/semaine). Les mesures MODIS descendent rarement en dessous d’une valeur d’environ 6 mm/semaine pour les minimas alors que les mesures in situ peuvent être très proches de zéro en hiver. Les pics d’ETR de fin de printemps ou de début d’été sont beaucoup plus marqués sur les mesures in situ. La linéarité de la relation montre qu’il n’y a pas de déphasage temporel entre les deux chroniques. Bien qu’il existe des différences entre les deux méthodes (1,3 mm/semaine en moyenne), ces mesures restent cohérentes du point de vue de la variation saisonnière.

3.2. Évolution temporelle des LMM (seuil 1 mm) sur le secteur du bassin versant du Gardon (1900-2019)

3.2.1. Les évènements historiques majeurs

On ne distingue pas d’évolution des LMM entre 1900 et 2019. La chronique de la moyenne des LMM du sous-échantillon séculaire présente une tendance à la diminution non significative (tableau 1). Les tendances de chaque mois sont également non significatives. Concernant les évènements de très forte intensité, c’est-à-dire ayant une probabilité d’occurrence inférieure ou égale à 0,01 (40 jours), le record est détenu par l’année 1949 avec 56 jours secs consécutifs sur le secteur étudié.

Dans l’ordre décroissant d’intensité, on retient pour les 14 autres années : 1928 (55 jours), 1934 (53 jours), 1997 (53 jours), 1945 (50 jours), 1982 (49 jours), 1908 (45 jours), 2012 (45 jours), 1961 (44 jours), 1960 (42 jours), 1983 (42 jours), 2005 (42 jours), 1906 (41 jours), 1915 (41 jours) et 1991 (40 jours) (figure 2b). Ces évènements de très forte intensité apparaissent en hiver (préférentiellement lors du mois de février) et au cours de l’été (juin et août). Ils sont aussi fréquents dans la première moitié du XXe siècle que dans la seconde. La tendance quinquennale permet de distinguer plusieurs périodes de persistance de la sécheresse atmosphérique au cours du siècle (figure 2b). Par rapport à la valeur séculaire moyenne (13 jours), la décennie 1920-1930, les périodes 1940-1960 et 1988-1995 sont touchées par une succession d’évènements de plus forte intensité. La période récente 2010-2019 est une période moins touchée par la sécheresse atmosphérique malgré l’évènement de très forte intensité de 2012.

Les années 1945 et 1949 (Parde, 1946; Raymon Rousset, 1946) et 1992 (Merillon et Scherer, 1993) sont documentées dans la littérature scientifique sur des secteurs régionalement proches du bassin du Gardon. Des sources telles que les bases de données publiques EM-DAT (www.emdat.be/) et EDII (Blauhut et al., 2016) recensant les pertes humaines et économiques causées par les sécheresses, ont été mobilisées pour compléter les écrits scientifiques sur l’historique des sécheresses dans notre secteur d’étude (figure 2b). Elles recensent à partir de rapports d’instituts nationaux ou à travers les archives médiatiques, des impacts en lien avec les épisodes de sécheresses. Ces bases de données ne sont pas exhaustives, en particulier pour les périodes anciennes. L’absence d’une date dans ces bases de données ne remet pas en question la validité de l’évènement. Les années 1982, 1991 et 1997 sont recensées pour le secteur sud-est de la France dans la base de données EM-DAT. Les années 1991-1992, 2005-2006, 2011-2012 par EDII dans le Gard ou dans des départements à proximité (Lozère, Hérault). Enfin, les archives du département du Gard, disponibles sur le portail national des archives françaises (francearchives.fr/fr/) permettent de valider l’évènement 1906. Le document fait mention de calamités agricoles de type sécheresse cette année. Les années 1908, 1915, 1928, 1934, 1960 et 1961 n’ont pu être confirmées à partir des sources accessibles librement. Si des calamités agricoles sont identifiées ces années dans le document d’administration générale du département (1761-1961), l’origine sécheresse n’a pu être identifiée précisément.

3.2.2. Probabilités d’occurrence des LMM (1 mm) entre 1900 et 2019 en fonction de leur intensité au cours d’une année

La loi Log-Normale a été déterminée comme la plus adaptée pour modéliser la fonction de probabilité des distributions des LMM de chaque mois de l’année (tableau 2). La loi Log-Normale, aussi appelé loi de Galton, noté Log-N(μ, ϭ) est défini par deux paramètres : μ le mode et ϭ la dispersion. Sa densité de probabilité est définie par l’équation suivante : fy ( x ; μ , , ϭ ) =   1 x ϭ 2 π exp ( - ( ln x - μ ) 2 2 ϭ 2 ) = 1 x   fx ( ln ( x ) ; μ , ϭ ) $$ {fy}\left(x;\mathrm{\mu },,\mathrm{{6} }\right)=\enspace \frac{1}{x\mathrm{6}\sqrt{2\pi }}\mathrm{exp}\left(-\frac{{(\mathrm{ln}x-\mathrm{\mu })}^2}{{2\mathrm{6}}^2}\right)=\frac{1}{x}\enspace {fx}\left(\mathrm{ln}(x);\mathrm{\mu },\mathrm{6}\right) $$

Tableau 2

Paramètres des lois Log-Normales retenus pour les distributions des LMM de chaque mois du sous-échantillon retenu entre 1900 et 2019 : μ la valeur modale de la distribution, ϭ la dispersion de la distribution (plus ϭ est grand, plus les queues de distribution sont longues) et R les indicateurs relatifs aux contrôles de la normalité des résidus d’ajustement de la loi. Les paramètres des lois retenus sont validés à partir d’un intervalle de confiance de 0,05. Parameters of the Log-Normal distributions selected for the MMLs distributions of each month of the retained subsample between 1900 and 2019: μ the modal value of the distribution, ϭ the dispersion of the distribution (higher is ϭ and longer is the tail of the distribution) and R the indicators related to the controls of residual normality fitting. The parameters of the selected laws are validated with a confidence interval of 0.05.

Les tests de Shapiro valident la normalité des résidus des lois log Normale utilisées à l’exception du mois de novembre (tableau 2). Un examen plus détaillé des résidus de ce mois montre la présence d’un second mode pour les intensités d’environ 20 jours. La présence de ce mode n’a pas pu être expliquée. L’examen graphique ne remet cependant pas en cause la forme générale de la distribution.

A intensité égale, les mois d’hiver et d’été ont une probabilité plus grande de générer des LMM intenses par rapport aux mois de printemps et d’automne, généralement plus pluvieux en climat méditerranéen (figure 4).

thumbnail Figure 4

Fonctions de répartitions des longueurs maximales mensuelles (LMM) du sous-échantillon utilisé pour décrire la variabilité temporelle entre 1900 et 2019 des sécheresses atmosphériques (seuil de 1 mm). Une fonction de répartition est représentée pour chaque mois de l’année. Distribution functions of the maximum monthly lengths (MML) of the subsample used to describe the temporal variability between 1900 and 2019 of atmospheric droughts (1mm threshold). One distribution function is shown for each month of the year.

Les mois d’été sont propices à la génération de séquences sèches intenses. En juillet, la probabilité de produire des évènements de faible intensité est moins importante que les autres mois de l’année : Pjuillet(LMM≥15) = 0,62; Pjuin(LMM≥15) = 0,48 et Paoût(LMM≥15) = 0,45. Juin est le mois d’été ayant la probabilité la plus importante de générer des évènements de très forte intensité Pjuin(LMM≥50) = 0,005; Pjuillet(LMM≥50) = 0,001 et Paoût(LMM≥50) = 0,002.

Cependant en hiver, les mois de décembre, janvier et février ont une plus grande probabilité de générer des évènements de très forte intensité par rapport aux mois d’été : Pdécembre(LMM≥50) = 0,008; Pjanvier(LMM≥50) = 0,008 et Pfévrier(LMM≥50) = 0,012). Les probabilités d’apparition d’évènements de moyenne intensité Pdécembre(LMM≥30) = 0,07; Pjanvier(LMM≥30) = 0,06 et Pfévrier(LMM≥30) = 0,08 sont relativement proches de celles des mois d’été (Pjuin(LMM≥30) = 0,07; Pjuillet(LMM≥30) = 0,06 et Paoût(LMM≥30) = 0,04. Elles sont cependant plus fortes en hiver pour les petites intensités : Pdécembre(LMM≥15) = 0,43; Pjanvier(LMM≥15) = 0,39 et Pfévrier(LMM≥15) = 0,44.

3.3. Effet de la définition du jour sec sur la distribution statistique des LMM (2000-2019)

3.3.1. Probabilité d’occurrence des LMM en fonction du seuil (1 mm, ETP, ETR) sur l’ensemble de la période 2000-2019

Sur la période de mesure du satellite, 44 stations sont disponibles pour calculer les séquences sèches entre 2000 et 2019 (figure 2a). Comme pour les distributions de l’échantillon séculaire des LMM (seuil 1 mm), les fonctions de répartition pour les seuils 1 mm, ETP et ETR entre 2000 et 2019 sont bien ajustées avec une loi Log-Normale (tableau 3). Le choix de la définition du jour sec n’implique pas de modification de la loi statistique. On distingue une fonction de répartition pour les LMM ETP qui se démarque des LMM 1 mm et LMM ETR (figure 5a). Un seuil d’ETP implique une probabilité d’occurrence d’évènement plus forte à intensité égale pour des évènements de faible ([0-15[jours), moyenne ([15-30[jours), forte ([30-40[jours) et très forte intensité ([40-70] jours). Pour les évènements ayant une probabilité inférieure à 0,01 (évènement centennal), l’intensité pour le seuil 1 mm est supérieure à 40 jours, 44 jours avec le seuil d’ETR et 64 jours avec le seuil d’ETP (figure 5a). Un seuil d’ETP augmente de 0,04 la probabilité d’occurrence d’une LMM de 45 jours (maximum mesuré) calculée à partir d’un seuil de 1 mm. Des LMM de plus de 70 jours peuvent être observées avec un seuil d’ETP contre 40 pour un seuil 1 mm et un seuil d’ETR.

thumbnail Figure 5

Fonctions de répartition des LMM calculées à partir d’un seuil de 1 mm, ETP et ETR entre 2000 et 2019 (a) et comparaisons pour chaque mois de l’année des distributions des différences de moyennes spatiales entre 2000 et 2019 pour les LMM 1mm avec LMM ETP et les LMM 1mm avec LMM ETR (b). La significativité des écarts des distributions de moyennes est vérifiée par un test de Wilcoxon. La P-value du test est indiquée sur le graphique lorsque des écarts n’ont pas été identifiés significatifs. Distribution functions of LMMs calculated from a threshold of 1 mm, ETP and ETR (a) and comparison for each month of the year of the distributions of spatial mean differences between 2000 and 2019 for 1mm LMMs with ETP LMMs and 1mm LMMs with ETR LMMs (b). The significance of the differences of the means between distributions is checked by a Wilcoxon test. The P-value of the test is indicated on the graph when differences have not been identified as significant.

Tableau 3

Paramètres des lois Log-Normales retenus pour les LMM en fonction des différentes définitions du jour sec (1 mm, ETP, ETR) pour les 44 stations disponibles entre 2000 et 2019. Avec μ le mode de la distribution, ϭ la dispersion de la distribution (plus ϭ est grand, plus les queues de distribution sont longues) et R les indicateurs relatifs aux contrôles de la normalité des résidus d’ajustement de la loi. Les paramètres des lois retenus sont validés à partir d’un intervalle de confiance de 0,05. Parameters of the Log-Normal distributions retained for the MMLs according to the different definitions of dry days (1mm, ETP, ETR) for the 44 stations available between 2000 and 2019. With μ the mode of the distribution, ϭ the dispersion of the distribution (higher is ϭ and longer is the tail of the distribution) and R the indicators related to the controls of residual normality fitting. The parameters of the selected laws are validated with a confidence interval of 0.05.

Les fonctions de répartition pour le seuil ETR et celui d’1 mm sont relativement similaires (figure 5a). La fonction de répartition du seuil ETR montre à probabilité égale une intensité plus importante pour les longueurs faibles : P1mm(LMM≥15) = 0,375; PETR(LMM≥15) = 0,444), moyennes : P1mm(LMM≥30) = 0,042; PETR(LMM≥30) = 0,061 et les fortes : P1mm(LMM≥40) = 0,010; PETR(LMM≥40) = 0,016 par rapport au seuil de 1 mm.

3.3.2. Variation saisonnière des LMM en fonction du seuil retenu (1 mm, ETP, ETR)

Le nombre d’individus par mois (20) est trop faible pour ajuster une loi statistique à partir des moyennes des intensités des LMM du secteur. De ce fait, nous limitons cette analyse aux différences de moyennes entre les LMM calculées à partir du seuil 1 mm et celles produites à partir des seuils d’ETP et d’ETR sur les 44 stations du secteur mesurant les précipitations entre 2000 et 2019 (figure 5b). Les écarts de moyennes dont la significativité est déterminée à partir d’un test de Wilcoxon sont plus importants avec un seuil d’ETP (entre 0 et -15 jours environ) qu’avec un seuil d’ETR (entre 2 et -7 jours environ). Ils sont majoritairement négatifs (98% pour l’ETP et 92% pour l’ETR) à l’exception de janvier (0,75 jour pour la valeur médiane), février (0,38 jour), octobre (0,15 jour), novembre (0,65), décembre (1,70 jours) pour le seuil ETR. C’est en juin que les écarts négatifs avec l’ETR (-5 jours pour la valeur médiane) et l’ETP (-15 jours pour la valeur médiane) sont les plus importants. Les écarts sont très faibles et non significatifs pour les mois de janvier et novembre avec l’ETP. Les écarts sont significatifs quel que soit le mois pour l’ETR. A partir des valeurs moyennes du secteur, la détermination des PU avec un seuil d’ETP ou d’ETR montre une sous-estimation de l’intensité des LMM avec un seuil 1 mm durant la période printanière et estivale (d’avril à août). On remarque aussi une légère surestimation des LMM en janvier, février, octobre, novembre et décembre avec un seuil 1 mm par rapport au seuil d’ETR.

3.3.3. Distribution spatiale des paramètres de forme (μ et ϭ) des lois de distribution des LMM retenues pour chaque station en fonction du seuil (1 mm, ETP, ETR)

L’utilisation d’une loi Log-Normale est toujours pertinente pour déterminer la probabilité d’occurrence des LMM sur chacune des 44 stations du secteur. Deux paramètres définissent la forme de la distribution des lois Log-Normale : μ fixe le mode et ϭ la dispersion de la distribution. Plus ϭ est grand et plus les queues de distribution sont longues. Les tests de Shapiro-Wilk ne valident pas la normalité des résidus sur 8 stations pour l’ETP, 7 pour l’ETR et 11 pour 1 mm. L’examen détaillé de ces résidus a montré la présence d’un deuxième mode pour les valeurs (ETP, ETR, 1 mm) dans la gamme des intensités moyennes ([15-30] jours). Il est probablement lié à un effet de taille des échantillons, plus petite que pour ceux utilisés dans le cadre de l’analyse effectuée entre 1900 et 2019. Pour ces stations problématiques, nous avons recherché si les résidus de ces modes pouvaient avoir un effet levier sur la droite d’Henry des résidus de l’ajustement de la loi Log-Normale. Dans ce cas de figure, les résidus peuvent remettre en cause la qualité d’ajustement de la loi et induire des biais dans l’estimation des paramètres. Deux stations sur 8 sont impactées par des résidus problématiques pour l’ETP, 4 sur 7 pour l’ETR et 4 sur 11 pour 1 mm (figure 6). Entre 2 et 4 stations par carte restent problématiques pour la détermination correcte des paramètres des lois.

thumbnail Figure 6

Cartographie des paramètres de distribution des lois Log-Normales. μ correspond à la longueur modale de la distribution des séquences sèches et ϭ au paramètre de dispersion de la loi statistique log normale retenue. Plus la valeur du paramètre ϭ est grande, plus les queues de distribution sont longues et plus les probabilités d’occurrence des évènements de forte et très forte intensité sont élevées. Les cartes sont reproduites pour les trois définitions du jour sec retenues (ETP, ETR et 1 mm). Une interpolation IDW a été utilisée pour mieux identifier les structures spatiales. Un paramètre de friction égale à 1,5 a été retenu pour mieux dégager les structures spatiales dominantes et limiter, sans pour autant faire disparaître l’impact des effets locaux de certaines stations. La qualité des interpolations a été contrôlée par validation croisée. Les isolignes de cette interpolation permettent de dégager la structure spatiale de chaque variable. Les stations dont l’estimation des paramètres de la loi pourrait être problématique sont figurées par un triangle. Mapping of the distribution parameters of Log-Normal distributions. μ corresponds to the average length of the distribution of dry sequences and ϭ the dispersion parameter of the distribution. Higher are the parameter ϭ, longer the distribution tails are and higher the probability of occurrence of high and extreme intensity events. The maps are reproduced for the three dry day definitions used (PET, ET and 1 mm). An IDW interpolation was used to better identify the spatial structures. A friction parameter equal to 1.5 was used to better identify the dominant spatial structures and to limit the impact of local effects of some stations without making them disappear. The quality of the interpolations was checked by cross-validation. The isolines of this interpolation improve the visibility of the spatial structure of each variable. Stations for which the estimation of the parameters of the law could be problematic are represented by a triangle.

Le choix du seuil implique une augmentation de μ (μETP compris entre 12 et 18 jours; μETR entre 9 et 15 jours et μ1mm entre 9 et 15 jours) mais n’induit pas de modifications importantes de sa répartition spatiale (figure 6). L’ensemble du bassin est touché par des évènements d’intensité de moyennes ampleurs (μETP compris entre 12 et 15 jours; μETR entre 9 et 13 jours et μ1mm entre 9 et 12 jours) relativement plus faible que les secteurs au nord de celui-ci, à l’exception de la partie amont du sous-bassin du Gardon d’Ales (sous-bassin en amont de la station de la Grand- Combes), du sous-bassin de la Salindrenque (sous-bassin en amont de la station Lassale) de plus forte intensité (figures 1 et 6). L’intensité moyenne est la plus forte en aval du bassin du Gardon (μETP, μETR, μ1mm entre 15 et 19 jours environ).

Comme pour le paramètre μ, le choix du seuil implique une augmentation de ϭ (ϭETP compris entre 0,578 et 0,707; ϭETR compris entre 0,519 et 0,642; ϭ1mm compris entre 0,460 et 0,585). Cependant, le seuil à un impact beaucoup plus marqué sur la distribution spatiale du paramètre ϭ (figure 6). La partie la plus en aval du bassin est concernée par des fortes valeurs pour le seuil ETP et 1 mm (ϭETP compris entre 0,578 et 0,707; ϭ1mm compris entre 0,460 et 0,585). Le seuil 1 mm implique des valeurs de ϭ relativement faibles sur la grande majorité du bassin et donc peu de variabilité spatiale contrairement aux autres seuils. Le seuil d’ETR permet quant à lui de mettre en évidence une opposition entre secteurs amont (Cévennes) concernés par des valeurs relativement plus fortes de ϭ (comprises entre 0,561 et 0,642) que la plaine (comprises entre 0,519 et 0,558). A l’inverse, le seuil d’ETP implique des valeurs de sigma plus faibles en amont (comprises entre 0,578 et 0,633) que sur le reste du bassin, à l’exception du secteur amont du sous-bassin de la Salindrenques (sous-bassin en amont de la station Lassale). On ne retrouve pas de gradient altitudinal, contrairement aux cumuls annuels moyens de précipitation, pour les évènements de moyenne intensité. Une légère relation statistiquement significative (P < 0,05) d’après un test de Bravais-Pearson est identifiée entre la valeur du paramètre ϭETR et l’altitude (R2 = 0,34). L’altitude semble être un facteur qui accentue la probabilité d’occurrence des évènements les plus intenses pour les LMM calculées avec un seuil ETR. Elle n’est cependant pas suffisante pour bien expliquer la géographie de ϭ.

Discussion

La comparaison des estimations in situ et par satellite permet de vérifier la cohérence entre les deux méthodes mais ne renseigne pas sur la meilleure façon d’estimer l’ETP ou l’ETR. Si les comparaisons montrent une bonne similitude, celles avec l’ETR le sont un peu moins. Des comparaisons à partir d’autres stations in situ et d’autres approches méthodologiques de l’estimation de l’ETR doivent être mises en œuvre pour préciser la validité des mesures MODIS.

Nous n’avons pas détecté d’assèchement séculaire significatif à partir des LMM (seuil 1 mm) sur le secteur du Gardon. Si la diminution, relativement faible, des pluies est constatée pour quelques mois de l’année dans le sud-est de la France (Norrant et Douguedroit, 2004), elle n’est pas reliée à une tendance d’intensification des LMM. Ces résultats rejoignent ceux de Raymond et Ullmann (2021) qui n’ont pas identifié une augmentation générale statistiquement significative de la longueur moyenne des séquences sèches dans le sud-est de la France entre 1950 et 2019. Dans ce même travail, ce constat est également fait pour les séquences sèches les plus longues. Cependant, quelques secteurs locaux sont identifiés comme significatifs par les auteurs. A proximité de notre zone d’étude (piémont de la façade sud-est du Massif central), durant l’hiver, une hausse statistiquement significative de l’augmentation de la longueur moyenne est détectée. Plus située au niveau de la vallée du Rhône, toujours en hiver, une augmentation significative des séquences sèches les plus longues est également détectée. Dans notre cas, nous n’avons pas pu confirmer ces tendances entre 1900 et 2019 à partir des LMM (seuil 1 mm) de notre sous-échantillon. A l’exception du mois de janvier durant lequel la P-value ne permet pas d’affirmer avec certitude la non significativité (faiblesse de la significativité au seuil de 0,05 du test de Mann-Kendall).

La confirmation des années touchées par des évènements très intenses à partir d’impact de sécheresse identifié par d’autres sources est un résultat encourageant afin de valider l’intérêt des LMM pour le suivi des sécheresses sur le bassin du Gardon. On observe parfois un décalage d’un an entre l’évènement de très forte intensité identifiée et les impacts. Ce décalage entre l’évènement et l’impact est typique de la lenteur du processus de sécheresse (Senaut, 2015; Wilhite, 2000). L’extension spatiale d’une sécheresse est généralement de grande envergure (d’une centaine à plusieurs milliers de kilomètres) (Senaut, 2015; Van Loon, 2015). Valider ces mesures avec des évènements régionaux, pas strictement localisés sur notre secteur d’étude, reste acceptable. Certains évènements de la première moitié du XXe siècle n’ont pas pu être validés faute de sources, comme 1928 et 1934, touchées l’une et l’autre par un évènement très intense. La sécheresse 1906, pourtant de moindre intensité, est à l’inverse référencée. Des recherches en archives plus approfondies sont nécessaires pour confirmer ou infirmer ces évènements. Il est possible que leurs impacts aient été plus faibles. Un biais de sous-échantillonnage est aussi possible.

Confirmer des évènements passés à partir d’indicateurs reste un exercice difficile. Il n’existe pas encore de réel consensus sur le terme sécheresse, à cause de la diversité des indicateurs et des impacts (Charre, 1977; Dorize, 1990; Mishra et Singh, 2010; Martin et al., 2020). Parfois, l’argument de période chaude rentre en compte pour désigner la sécheresse. L’une est souvent associée à l’autre, mais la chaleur amplifie surtout l’intensité de la sécheresse par augmentation de l’évapotranspiration (Vicente-Serrano et al., 2020; Vicente-Serrano et al., 2014). Le facteur déterminant reste l’impluviosité. Quelquefois, la sécheresse est observée à partir d’impacts sociétaux marquants (pertes agricoles, famines, feux de forêt, etc.). La présence d’impacts est un marqueur d’une sécheresse. Une concordance entre un aléa de forte intensité et des impacts permet de conforter notre confiance sur la pertinence de l’indicateur. Cependant, il ne permet pas à lui seul de dicter avec précision la gravité des impacts, car elle est dépendante de la vulnérabilité de chaque territoire (non constant dans le temps et l’espace) (Stahl et al., 2016; Wilhite et al., 2007; Ault et al., 2016; Birkmann et al., 2007; Blauhut et al., 2016).

La longueur des séquences sèches les plus longues et la saisonnalité des intensités (seuil 1 mm) observées sur le secteur du bassin du Gardon rejoignent les observations déjà produites dans le sud-est de la France à partir d’autres jeux de données (Douguedroit, 1980, 1990; Raymond et Ullmann, 2021). Les fonctions de répartition pour les différents mois de l’année des LMM (1 mm) entre 1900 et 2019 montrent des intensités moyennes plus élevées pour les mois d’été et d’hiver. Les longs épisodes estivaux signalent une absence d’épisodes orageux pouvant ralentir le tarissement des cours d’eau. Les LMM d’hiver sont à probabilité égale encore plus intenses que celles d’été (parmi les 16 épisodes les plus intenses du siècle 10 sont hivernaux). Celles-ci sont problématiques pour la recharge des grands aquifères.

Un jour sec fondé sur l’ETR augmente la probabilité d’occurrence des faibles et moyennes LMM par rapport au seuil de 1 mm. L’utilisation d’un seuil ETR donne à probabilité égale des intensités relativement similaires à un seuil 1 mm. Les LMM des mois de printemps et début d’été sont plus intenses avec un seuil ETR. Le mois de juin est particulièrement sous-estimé avec le seuil 1 mm. Or, il s’agit du mois d’été qui a la plus grande probabilité de générer des épisodes de très fortes intensités avec un seuil de 1 mm. Des évènements printaniers intenses peuvent limiter la période de recharge des aquifères. Pour des secteurs où les aquifères sont peu capacitifs (amont du bassin du Gardon par exemple), leur alimentation pendant le printemps est cruciale pour maintenir un débit de rivière suffisant pour l’irrigation alimentée par les écoulements de surface. Ces évènements sont mieux identifiables avec un seuil d’ETR. Il est également possible que l’intensité des évènements hivernaux soit légèrement surestimée par le seuil de 1 mm. De plus, les différences entre ETR et 1 mm pourraient être encore plus fortes s’il existe bien un biais d’estimation des plus faibles et plus fortes valeurs d’ETR par MODIS pour les mois d’hiver (surestimation des faibles valeurs par rapport aux mesures de la tour de flux de turbulence) et de fin de printemps (sous-estimation des pics annuels d’ETR par rapport à la tour de flux de turbulence Fluxnet).

L’utilisation d’un seuil d’ETP semble surestimer, quel que soit la probabilité d’occurrence, l’intensité des LMM par rapport à un seuil d’ETR et de 1 mm. S’il permet de prendre en compte l’effet saisonnier de l’évapotranspiration, contrairement au seuil de 1 mm, celui-ci surestime fortement à probabilité d’occurrence égale l’intensité d’une séquence sèche (pour un seuil 1 mm entre +50 et +90% pour les faibles intensités, entre +15 et +60% pour les moyennes intensités, entre +4 et +14% pour les fortes intensités). Selon nous, le seuil d’ETR permet de mieux considérer le stress de la végétation du bassin. En cas d’indisponibilité d’information pour l’ETR, le seuil de 1 mm nous semble plus réaliste car celui-ci exagère beaucoup moins l’intensité des séquences sèches.

L’effet du seuil sur la distribution spatiale des paramètres des distributions Log-Normales des stations est faible pour le paramètre μ (intensités ayant une probabilité d’occurrence de 0,5). L’intensité augmente en fonction du seuil mais la distribution spatiale reste relativement identique. A l’inverse, on observe beaucoup plus de variabilité avec la distribution spatiale du paramètre ϭ lorsqu’on change la définition du jour sec. Par exemple, à partir du seuil d’ETR, on constate que la tête de bassin du Gardon est concernée par des valeurs plus élevées de ϭ par rapport à la partie plaine. La probabilité des très fortes valeurs d’intensités est donc plus élevée en amont qu’en aval. Ce qui peut sembler contre-intuitif de prime à bord si l’on cherche à faire le lien avec la distribution spatiale des cumuls annuels climatiques de précipitation.

Ainsi, l’effet de la végétation et/ou la réserve utile joue un rôle non négligeable sur la distribution spatiale et la saisonnalité de l’intensité des LMM. Quel que soit le seuil, parmi les secteurs les plus touchés (valeurs de ϭ et μ), il existe un risque important pour le sous-bassin de la Salindrenque (686 ha de cultures correspondant à 15% des surfaces cultivées du secteur cévenol) et l’aval du bassin (quasi exclusivement cultivé). Douguedroit (1983) a montré que la quantité d’eau tombée est faiblement corrélée avec la longueur des séquences sèches dans le sud-est de la France. Nos résultats semblent rejoindre ce constat. Il est probable que les évènements intenses soient davantage liés à des phases anticycloniques de vaste extension spatiale.

Conclusion

Une analyse locale des séquences sèches a permis de caractériser l’aléa sécheresse atmosphérique sur le bassin du Gardon, avec une observation de l’évolution des sécheresses atmosphériques entre 1900 et 2019 à partir d’un seuil de pluie couramment utilisé : 1 mm. Aucune tendance significative n’a été détectée. A l’exception de 1908, 1915, 1928, 1934, 1961 et 1962, nous n’avons pas pu confirmer des impacts témoignant de sécheresse à proximité et dans le secteur du bassin du Gardon. A notre connaissance, une analyse de la sécheresse atmosphérique à partir de données locales n’a pas encore été proposée pour ce bassin.

Ensuite, cette étude a permis de vérifier la pertinence d’utilisation de l’imagerie satellite MODIS pour la mesure de l’ETR et l’ETP sur le bassin du Gardon. Elle s’est avérée de bonne qualité à une échelle hebdomadaire pour le suivi de l’ETP et de qualité correcte pour l’ETR à une échelle saisonnière. Ces données pourraient être utiles dans des secteurs où la couverture spatiale des mesures in situ pour l’ETP et l’ETR (beaucoup plus rarement mesurée) est insuffisante. La plus grande incertitude sur les mesures d’ETR appelle à réaliser des analyses plus approfondies (nature des biais et validité des mesures quotidiennes) à partir d’autres stations et dans d’autres secteurs méditerranéens.

Puis, nous avons soulevé l’importance de l’effet du choix de la définition du jour sec sur l’intensité des séquences sèches. Le seuil ETP surestime considérablement l’intensité des séquences sèches à probabilité d’occurrence égale alors qu’elles sont relativement proches du seuil 1 mm pour les intensités de faibles, moyennes, fortes et quasiment identiques pour les plus fortes. Au risque de surestimer l’intensité de la sécheresse atmosphérique sur le bassin du Gardon, il nous semble plus judicieux d’utiliser un seuil 1 mm plutôt que celui de l’ETP à défaut d’avoir une mesure de l’ETR. Le seuil ETR a aussi montré que le mois de juin (plus grande probabilité de produire des évènements très intenses en été) est probablement sous-estimé avec un seuil 1 mm et les mois de décembre et janvier sont légèrement surestimés. La détermination des séquences sèches à partir de l’ETR permet un suivi plus réaliste des évènements impactant pour la végétation d’un bassin. Il pourrait être plus efficace pour établir le lien entre sécheresse hydrologique et édaphique. Des études complémentaires sont à mener à partir d’autres jeux de données (rendement agricole, humidité des sols et débit des rivières par exemple) pour le vérifier.

Enfin, l’analyse de la distribution spatiale des paramètres de formes des lois de distribution des longueurs des séquences sèches (2000-2019) a permis de montrer l’impact du choix du seuil du jour sec sur la distribution spatiale de la probabilité d’occurrence des séquences sèches les plus longues. Le seuil ETR a permis de montrer que le secteur cévenol à une probabilité plus élevée d’être touché par les évènements de sécheresse atmosphérique de très forte intensité que la partie plaine du bassin. Cette structure spatiale n’a pas été retrouvée avec les autres seuils. Nous avons aussi détecté que le sous-bassin de la Salindrenque en Cévennes et la partie la plus en aval du bassin étaient les plus à risque. La probabilité d’occurrence d’un évènement intense est plus forte dans ces deux secteurs à l’activité agricole importante.

L’analyse des facteurs explicatifs de la genèse des évènements les plus longs mérite d’être approfondie. Si nous avons constaté une faible relation avec l’altitude pour le seuil ETR, nous soupçonnons que des forçages anticycloniques longs permettent de mieux expliquer le maintien des longs épisodes sans pluie. Plusieurs auteurs ont montré un lien entre situation de blocage atmosphérique et période impluvieuse en secteur méditerranéen. L’impact de processus atmosphérique tel que l’Oscillation Nord-Atlantique (ONA) est connue pour induire un basculement récurrent entre période humide et sèche en secteur méditerranéen à une échelle régionale (Tramblay et Hertig, 2018; Raymond et al., 2018).

Afin d’améliorer notre compréhension sur le maintien de longues périodes sans pluie dans le secteur du Gardon, une analyse corrélative entre l’intensité des évènements et la pression atmosphérique doit être entreprise.

Remerciements

Les données de stations météorologiques utilisées dans cet article ont été obtenues dans le cadre d’une convention recherche entre le laboratoire ESPACE et Météo France. D’autres données ont pu être téléchargées gratuitement depuis le site internet de la Nasa (modis.gsfc.nasa.gov/data/), EM-Dat (www.emdat.be/), de l’European Drougth Center (europeandroughtcentre.com/) et de FLUXNET (fluxnet.org/data/fluxnet2015-dataset/). Cette recherche a été possible grâce au financement d’une bourse doctorale attribué par la Fédération de Recherche Agorantic (agorantic.univ-avignon.fr/). Nous remercions les deux relecteurs anonymes pour leurs retours critiques sur le manuscrit de cet article qui ont permis l’amélioration de ce travail. De vifs remerciements sont également adressés aux professeurs D. Blanke et P. Martin pour leurs conseils et aides durant la réalisation de ce travail.

Références

Citation de l’article : Di Costanzo H., 2021. Probabilités d’occurrence des séquences sèches les plus longues sur le bassin versant du Gardon (sud-est de la France) – Quels impacts de la définition du jour sec sur les distributions statistiques des séquences sèches les plus longues en climat méditerranéen ? Climatologie, 18, 6.

Liste des tableaux

Tableau 1

Résultats du test de Mann et Kendall sur la moyenne du sous-échantillon des LMM (1900 à 2019) retenue pour le bassin versant du Gardon; avec S la pente de Sen dont le signe renseigne sur le sens de la pente et la valeur sa force; P, la P-value du test. Results of the Mann and Kendall test on the means of LMM (from 1900 to 2019) subsample for the Gardon Watershed; with S the slope of Sen where the sign indicates the direction of the slope and the value its strength and P, the P-value of the test.

Tableau 2

Paramètres des lois Log-Normales retenus pour les distributions des LMM de chaque mois du sous-échantillon retenu entre 1900 et 2019 : μ la valeur modale de la distribution, ϭ la dispersion de la distribution (plus ϭ est grand, plus les queues de distribution sont longues) et R les indicateurs relatifs aux contrôles de la normalité des résidus d’ajustement de la loi. Les paramètres des lois retenus sont validés à partir d’un intervalle de confiance de 0,05. Parameters of the Log-Normal distributions selected for the MMLs distributions of each month of the retained subsample between 1900 and 2019: μ the modal value of the distribution, ϭ the dispersion of the distribution (higher is ϭ and longer is the tail of the distribution) and R the indicators related to the controls of residual normality fitting. The parameters of the selected laws are validated with a confidence interval of 0.05.

Tableau 3

Paramètres des lois Log-Normales retenus pour les LMM en fonction des différentes définitions du jour sec (1 mm, ETP, ETR) pour les 44 stations disponibles entre 2000 et 2019. Avec μ le mode de la distribution, ϭ la dispersion de la distribution (plus ϭ est grand, plus les queues de distribution sont longues) et R les indicateurs relatifs aux contrôles de la normalité des résidus d’ajustement de la loi. Les paramètres des lois retenus sont validés à partir d’un intervalle de confiance de 0,05. Parameters of the Log-Normal distributions retained for the MMLs according to the different definitions of dry days (1mm, ETP, ETR) for the 44 stations available between 2000 and 2019. With μ the mode of the distribution, ϭ the dispersion of the distribution (higher is ϭ and longer is the tail of the distribution) and R the indicators related to the controls of residual normality fitting. The parameters of the selected laws are validated with a confidence interval of 0.05.

Liste des figures

thumbnail Figure 1

Carte du secteur du bassin versant du Gardon; 59 stations météorologiques disponibles sur plus de 30 ans sont recensées entre 1855 et 2019, et 44 entre 2000 et 2019. Les stations utilisées pour l’observation séculaire des sécheresses atmosphériques sont identifiées et leur fenêtre temporelle de mesure précisée sur la carte. Map of the Gardon watershed area. 59 meteorological stations available over 30 years are identified between 1855 and 2019 and 44 between 2000 and 2019. The stations used for the secular observation of atmospheric droughts are identified and their period measurement is specified on the map.

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thumbnail Figure 2

a) Nombre de postes disponibles et taux de lacune (nombre d’absences quotidiennes/poste/an) des pluviomètres Météo France de la Publithèque mesurant plus de trente années de mesure sur le secteur du bassin du Gardon (1855-2019). b) Variabilité temporelle des sécheresses atmosphériques mesurées à partir des longueurs maximales mensuelles (LMM) des séquences sèches (seuil de 1 mm) calculées sur les postes pluviométriques entre 1855 et 2019. La moyenne d’un sous échantillon représentatif du secteur déterminé à partir de tests de Monte-Carlo a été utilisée pour décrire l’évolution des évènements de sécheresse atmosphérique sur le secteur du bassin du Gardon entre 1900 et 2019. Les années précisées sur le graphique sont celles ayant une probabilité d’occurrence inférieure ou égale à 0,01. Lorsque des impacts de sécheresses ont été identifiés par d’autres sources, les références, le lieu et le type d’impact observé sont précisés. Les points interrogation signalent une absence de source pour la confirmation de l’évènement à partir d’impacts observés. a) Number of available stations and gap rate (number of daily absences/station/year) of the Publithèque Météo France rain gauges measuring more than 30 years over the Gardon basin area (1855-2019). b) Temporal variability of atmospheric droughts measured from the maximum monthly lengths (MML) of dry sequences (1 mm threshold) calculated on rain gauge stations between 1855 and 2019. The average of a representative subsample of the sector determined from Monte-Carlo tests was used to describe the evolution of atmospheric drought events over the Gardon basin sector between 1900 and 2019. The years specified on the graph represent events with a probability of occurrence inferior or equal to 0.01. When drought impacts have been identified by other sources, the references, location and type of impact observed are specified. Question marks indicate a lack of sources to confirm the event from observation impacts.

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a) Relation statistique sur la période 2000-2019 entre les estimations in situ d’ETP des cumuls hebdomadaires des stations Nîmes, Orange, Grande Combe, Pujaut et les cumuls hebdomadaires d’ETP du satellite MODIS. b) Relation statistique sur la période 2003-2014 entre les estimations in situ d’ETR des cumuls hebdomadaires de la station Puechabon du réseau Fluxnet et les cumuls hebdomadaires d’ETR du satellite MODIS. a) Statistical relationship over the period 2000-2019 between the in situ ETP estimates of the weekly totals of the stations Nîmes, Orange, Grande Combe, Pujaut and the weekly ETP totals of the MODIS satellite. b) Statistical relationship over the period 2003-2014 between the in situ ETP estimates of the weekly totals of the station Puechabon of the Fluxnet network and the weekly ETP totals of the MODIS satellite.

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thumbnail Figure 4

Fonctions de répartitions des longueurs maximales mensuelles (LMM) du sous-échantillon utilisé pour décrire la variabilité temporelle entre 1900 et 2019 des sécheresses atmosphériques (seuil de 1 mm). Une fonction de répartition est représentée pour chaque mois de l’année. Distribution functions of the maximum monthly lengths (MML) of the subsample used to describe the temporal variability between 1900 and 2019 of atmospheric droughts (1mm threshold). One distribution function is shown for each month of the year.

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Fonctions de répartition des LMM calculées à partir d’un seuil de 1 mm, ETP et ETR entre 2000 et 2019 (a) et comparaisons pour chaque mois de l’année des distributions des différences de moyennes spatiales entre 2000 et 2019 pour les LMM 1mm avec LMM ETP et les LMM 1mm avec LMM ETR (b). La significativité des écarts des distributions de moyennes est vérifiée par un test de Wilcoxon. La P-value du test est indiquée sur le graphique lorsque des écarts n’ont pas été identifiés significatifs. Distribution functions of LMMs calculated from a threshold of 1 mm, ETP and ETR (a) and comparison for each month of the year of the distributions of spatial mean differences between 2000 and 2019 for 1mm LMMs with ETP LMMs and 1mm LMMs with ETR LMMs (b). The significance of the differences of the means between distributions is checked by a Wilcoxon test. The P-value of the test is indicated on the graph when differences have not been identified as significant.

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thumbnail Figure 6

Cartographie des paramètres de distribution des lois Log-Normales. μ correspond à la longueur modale de la distribution des séquences sèches et ϭ au paramètre de dispersion de la loi statistique log normale retenue. Plus la valeur du paramètre ϭ est grande, plus les queues de distribution sont longues et plus les probabilités d’occurrence des évènements de forte et très forte intensité sont élevées. Les cartes sont reproduites pour les trois définitions du jour sec retenues (ETP, ETR et 1 mm). Une interpolation IDW a été utilisée pour mieux identifier les structures spatiales. Un paramètre de friction égale à 1,5 a été retenu pour mieux dégager les structures spatiales dominantes et limiter, sans pour autant faire disparaître l’impact des effets locaux de certaines stations. La qualité des interpolations a été contrôlée par validation croisée. Les isolignes de cette interpolation permettent de dégager la structure spatiale de chaque variable. Les stations dont l’estimation des paramètres de la loi pourrait être problématique sont figurées par un triangle. Mapping of the distribution parameters of Log-Normal distributions. μ corresponds to the average length of the distribution of dry sequences and ϭ the dispersion parameter of the distribution. Higher are the parameter ϭ, longer the distribution tails are and higher the probability of occurrence of high and extreme intensity events. The maps are reproduced for the three dry day definitions used (PET, ET and 1 mm). An IDW interpolation was used to better identify the spatial structures. A friction parameter equal to 1.5 was used to better identify the dominant spatial structures and to limit the impact of local effects of some stations without making them disappear. The quality of the interpolations was checked by cross-validation. The isolines of this interpolation improve the visibility of the spatial structure of each variable. Stations for which the estimation of the parameters of the law could be problematic are represented by a triangle.

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