Editorial

Ce numéro thématique est publié à l’issue d’une journée table ronde qui a eu lieu à Dijon le 12 mai 2022 à la Maison des Sciences de l’Homme de l’Université de Bourgogne (Dijon), grâce au soutien financier de l’ADEME et au soutien logistique du Centre de Recherche de Climatologie (UMR Biogéosciences). Cet échange a permis la présentation orale de 10 synthèses scientifiques par des équipes pluridisciplinaires associant souvent chercheurs et acteurs opérationnels, autour des deux thèmes principaux : 1) Comment étudier les îlots de chaleur urbains (ICU) et leurs spécificités locales ? Comment les gérer et les atténuer, grâce aux approches conjointes de la recherche et des collectivités ? 2) Les conditions sanitaires resteront- elles supportables en milieux urbains face au changement climatique ? Quels moyens d’action pour aller vers une adaptation et un urbanisme tactique ? Cette journée a identifié des types d’actions efficaces et certaines qui le sont moins en matière d’amélioration du confort et de la qualité de vie en milieux urbains. Les débats ont mis en lumière les principaux verrous et freins. Un consensus simple mais crucial est qu’il est nécessaire d’identifier des objectifs communs entre la recherche académique et les milieux institutionnels, et surtout de se fédérer autour de cette problématique par nature multidisciplinaire.

L’adaptation des villes au changement climatique passe en particulier par la maîtrise de l’ICU. Dans le prolongement du Grenelle 2 de l’environnement de novembre 2010, la réglementation impose aux villes la prise en compte du phénomène dans leurs plans d’aménagements, ce qui conduit à des initiatives et à des méthodes d’observation et de « lutte » contre l’ICU variables d’une collectivité à une autre. En miroir, une attention est également portée sur la présence ou la nécessité de création d’îlots de fraîcheur urbains (IFU). La mise en œuvre de moyens d’atténuation suppose au préalable une connaissance fine d’un phénomène dont l’intensité, la durée et l’extension spatiale changent d’une ville à l’autre, en relation avec la fréquence des situations météorologiques les plus propices à sa formation et les spécificités géographiques de chaque site.

Aujourd’hui, et plus encore demain avec la croissance urbaine, le renforcement du phénomène d’ICU nécessite de développer des programmes d’aménagement privilégiant des formes de bâti plus écologiques et intégrant davantage d’espaces « naturels » (plans d’eau, parcs), ce qui contribue tout à la fois à rendre la vie des citadins plus agréable et à limiter le phénomène d’îlot de chaleur urbain grâce à la restitution d’humidité dans l’air asséché des villes (rôle de l’évapotranspiration dans la création d’îlot de fraîcheur urbain).

Face aux enjeux colossaux auxquels les territoires doivent répondre, tous les acteurs des territoires, de la recherche aux décideurs, en passant par ceux de l’ingénierie (monde académique, bureaux d’étude, collectivités, etc.) doivent impérativement converger vers un même objectif : élaborer des trajectoires d’adaptation et d’atténuation du changement climatique territorialisées, opérationnelles et portées par une gouvernance performante et répondant aux ambitions de la transition écologique. Dans cette perspective, la commission Changements Climatiques et Territoires du CNFG (Comité National Français de Géographie), la revue Climatologie de l’AIC (Association Internationale de Climatologie) et l’ADEME s’associent pour croiser ces regards portés sur l’adaptation au changement climatique.

Suite à l’appel à publication pour ce numéro thématique de la revue Climatologie, trois desorateurs de la table ronde ont proposé une synthèse développant leur propos et résultats (i.e. les trois premiers articles de ce numéro), manuscrits qui ont été validés par les coéditeurs. Les sept autres articles suivants sont des productions originales qui ont suivi toutes les étapes classiques de l’évaluation scientifique éditoriale en double aveugle avant publication. La contribution de ce numéro thématique de la revue Climatologie veut donc humblement permettre à toutes les communautés travaillant sur les impacts du changement climatique sur les territoires, de chercher à converger plus rapidement vers les mêmes objectifs de compréhension et d’adaptation, en optimisant leurs ressources, leurs outils et leurs programmations d’études.

La dernière décennie a été celle de la recherche et des études, notamment la mise en place de protocoles expérimentaux (réseaux de mesures et analyse de la donnée) ainsi que la construction des collaborations et partenariats institutionnels, en particulier pour les territoires urbains (Dodman et al., 2022). Ce temps a aussi permis de cerner des objectifs communs et des recommandations (Dantec et Roux, 2019). C’est aujourd’hui le temps des retours d’expériences et de l’action ! Mais le plus complexe demeure qu’il n’existe pas une seule solution pour répondre à ces enjeux sectoriels, variables d’une ville à l’autre selon ses caractéristiques, et imposant donc des stratégies multiples (ONERC, 2023). En outre, comme le rappelle les scénarios “Transition(s) 2050 - Choisir maintenant, agir pour le climat” de l’ADEME, les impacts du changement climatique sur les territoires suppose en parallèle des transformations profondes et systémiques des modes de production, de consommation et d’aménagement qui auront des effets dans bien d’autres dimensions que les émissions de gaz à effet de serre (ADEME, 2021).

Références

© S. Bigot et al., hosted by EDP Sciences 2023