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Climatologie
Volume 20, 2023
Changement climatique : les territoires acteurs des trajectoires d’adaptation et de transition écologique
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Article Number | 11 | |
Number of page(s) | 13 | |
DOI | https://doi.org/10.1051/climat/202320011 | |
Published online | 24 October 2023 |
Dynamique partenariale autour de l’adaptation à la surchauffe urbaine dans l’agglomération messine (France) : un retour d’expérience
On the partnership dynamics around the adaptation to urban overheating in the Metz conurbation area (France): a feedback
1
Université de Lorraine, LOTERR, F-57000 Metz, France
2
Cerema, Équipe de recherche TEAM, F-54000 Nancy Tomblaine, France
3
Eurométropole et Ville de Metz, Direction mutualisée de la Transition écologique, F-57000 Metz, France
4
Pôle Environnement, Énergie et Climat, Agence d’Urbanisme d’Agglomérations de Moselle, F-57000 Metz, France
* Auteur de correspondance : gilles.drogue@univ-lorraine.fr
Cet article dresse un retour d’expérience d’une collaboration entre les territoires et la recherche publique pour la mise en place d’actions face à l’enjeu d’adaptation à la surchauffe urbaine dans l’agglomération messine. L’objectif est de décrire le dispositif partenarial qui s’est noué sur ce territoire urbain entre les acteurs publics et les climatologues; puis de discuter de façon distanciée sur les avantages et limites de ce dispositif afin d’identifier des critères de réussite pour engager localement des démarches et projets d’adaptation à la surchauffe urbaine. On se propose, en fin d’article, de discuter les stratégies d’adaptation déployées sur ce territoire afin de qualifier la portée de ces actions collectives.
Abstract
This article provides feedback on the collaboration between territories and public research for the implementation of actions to address the issue of adaptation to urban overheating in the Metropolitan area. The objective is to describe the partnership mechanism that has been set up in this urban area between public actors and climatologists, and then to discuss the advantages and limitations of this mechanism in order to identify the criteria for success in initiating local approaches and projects for adaptation to urban overheating. At the end of the article, we propose to discuss the adaptation strategies deployed in this territory in order to qualify the scope of these collective actions.
Mots clés : adaptation / surchauffe urbaine / ICU / partenariat / processus
Key words: adaptation / urban overheating / UHI / partnership / process
© G. Drogue et al., hosted by EDP Sciences 2023
This is an Open Access article distributed under the terms of the Creative Commons Attribution License CC-BY-NC (https://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0), which permits unrestricted use, distribution, and reproduction in any medium, except for commercial purposes, provided the original work is properly cited.
Introduction
L’étude de la surchauffe urbaine (liée en ville au phénomène d’îlot de chaleur urbain ou ICU) est un enjeu de plus en plus prégnant dans le contexte de réchauffement climatique rapide que connaît la France (Ribes, 2022). Or de nombreuses agglomérations françaises de taille moyenne sont encore dépourvues de moyens pour diagnostiquer quantitativement le climat local. C’était le cas de l’agglomération messine jusqu’en 2019 où les premières recherches académiques ont contribué à mieux connaître les spécificités locales du risque de surchauffe urbaine, notamment en période caniculaire (Hassani et Drogue, 2020). Cet article se propose de retracer les phases du dispositif partenarial qui s’est noué entre climatologues et acteurs publics territoriaux depuis lors, puis d’interroger cette dynamique collaborative afin d’identifier des critères de réussite et d’évaluer localement son rôle dans la réponse de l’action publique territoriale à l’adaptation au changement climatique.
1. Acteurs locaux et politiques d’adaptation au changement climatique
Le territoire de l’Eurométropole de Metz fait partie de la région Grand Est (France) (figure 1). Il compte 224 863 habitants (2019) répartis dans 45 communes dont celle de Metz. D’une étendue de 306 km2, il est traversé par deux cours d’eau principaux : la Moselle et la Seille. Selon la classification de Koppen-Geiger, ce territoire connaît un climat tempéré chaud de type Cfb, avec des hivers relativement froids (moyenne de 2,7°C en janvier sur la normale 1991-2020) et des étés relativement chauds (moyenne de 20,1°C en juillet sur la normale 1991-2020). La multiplication des injonctions nationales incitant à inscrire des actions d’adaptation dans les politiques publiques locales (e.g. loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte ou LTECV de 2015) a conduit la métropole et la Ville de Metz, à mettre à l’agenda des plans d’action pour répondre aux enjeux du défi climatique.
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Figure 1 Limites des mailles administratives de l’agglomération messine et réseau de mesure REMTHAM. GE : Grand Est. EMM : Eurométropole de Metz. Administrative boundaries of the Metz conurbation and REMTHAM measurement network. GE : Grand Est. EMM : Eurométropole de Metz. |
La Ville de Metz (42 km2 et 118 489 habitants), qui constitue la partie la plus densément urbanisée de l’agglomération messine (figure 1), publie son premier Plan Climat en 2019, dans le cadre de son Agenda 21-3e génération; il s’intitule « Ambition Climat 20301 » (figure 2). Ce Plan, qui couvre la période 2019-2030, identifie huit domaines d’intervention dont celui de l’aménagement du territoire, où la Ville de Metz affiche l’ambition d’engager l’adaptation aux risques liés au dérèglement climatique en ciblant en particulier les îlots de chaleur. Le Plan décline cet enjeu en termes d’objectif d’apport de connaissance, de cartographie de zones vulnérables, de lutte contre les îlots de chaleur et d’intégration de ce risque dans les documents d’urbanisme. La construction « d’Ambition Climat 2030 » a été réalisée en synergie avec de nombreux acteurs locaux dont l’Agence d’Urbanisme d’Agglomérations de Moselle (AGURAM) et la métropole de Metz.
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Figure 2 Agenda des politiques publiques locales sur la question de l’adaptation à la surchauffe urbaine et au changement climatique et étapes du dispositif partenarial entre acteurs et climatologues. Local public policy agenda on the issue of adaptation to urban overheating and climate change and stages of the partnership between actors and climate scientists. |
L’agenda politique de la Métropole sur les enjeux Climat-Air-Energie débute en 2015, année du 1er PCAET (figure 2). Le 2e PCAET a été arrêté par le Conseil métropolitain en novembre 2022. Parmi les différents thèmes structurant le plan d’action, figure un enjeu intitulé « Planification écologique de l’aménagement »2 dont l’ambition est de limiter l’impact de la surchauffe urbaine sur le cadre de vie et le bien-être des habitants de ce territoire. Depuis plus de sept ans, la Métropole s’est également engagée dans un processus volontariste d’amélioration continue Cit’ergie, devenu en 2021 « Territoire engagé climat air énergie » (appellation française du label européen European Energy Award). Ce processus est mené conjointement avec la ville allemande de Worms dans un objectif de parangonnage.
2. De la phase de problématisation à l’épreuve de la représentation
2.1. Objet de recherche partagé et formalisation du partenariat
La première phase de notre dynamique partenariale a commencé au début de l’année 2018 (figure 2). Rétrospectivement, nous l’analysons comme une phase de problématisation, selon la terminologie de l’approche interactionniste proposée par les sociologues Audoux et Gillet (2011). Cette phase a servi à énoncer une question, et à forger l’objet établissant explicitement des intérêts communs entre les partenaires. Au cours du dialogue entre partenaires locaux, l’objet de la surchauffe urbaine perçue à travers le prisme de l’ICU, a été identifié comme un angle-mort des savoirs sur les risques climatiques et comme un enjeu d’adaptation majeur pour l’agglomération messine. Les climatologues du laboratoire LOTERR ont élaboré une stratégie de recherche s’inspirant de celles déployées sur des territoires-pilotes géographiquement proches comme celui du Grand Nancy (Leconte et al., 2015), de Dijon Métropole (Ademe, 2020) ou encore de l’Eurométropole de Strasbourg (Philipps et al., 2020). Les retombées locales de projets de recherche nationaux comme l’ANR-MApUCE3 ont également alimenté leurs réflexions. Enfin, une thèse au LOTERR sur le sujet, commencée en octobre 20184 (figure 2) et en voie d’achèvement, a accéléré le rapprochement institutionnel entre la sphère territoriale et le monde de la recherche et donné corps et sens à cette phase de problématisation.
La signature en mars 2019 d’une première convention triannuelle de partenariat entre la Métropole de Metz et l’université de Lorraine (laboratoire LOTERR) inaugurait une nouvelle phase du partenariat entre chercheurs et territoires : Audoux et Gillet (2011) la qualifient de ‘phase d’intéressement’ (figure 2); processus au cours duquel ‘il est décidé de qui et de quoi l’association doit être faite à partir de ce qui importe plus ou moins à chacun’. Côté recherche, l’enjeu était de mettre en œuvre des outils et méthodes géographiques pour détecter et mesurer localement l’ICU (phénomène nocturne) et les îlots de chaleur diurnes. La Métropole pour sa part, souhaitait s’impliquer techniquement à la thèse dès son lancement (mise à disposition de ressources documentaires, de contacts privilégiés au sein de ses services et auprès de ses communes-membres, etc.) et être pleinement intégrée à ce travail de recherche; celui-ci apportait en effet des éléments de connaissances et d’expertise (données, préconisations) sur le territoire métropolitain, pouvant appuyer de nombreuses politiques publiques de la Métropole et des communes-membres. Cette première convention a été renouvelée en mars 2022 (figure 2) avec le souhait de poursuivre le travail conjoint sur les enjeux d’adaptation au changement climatique et les politiques de développement.
2.2. Le niveau régional comme catalyseur du partenariat local
Le partenariat institutionnel entre la Métropole de Metz et l’ADEME Grand Est a donné naissance en novembre 2021 à l’opération IATUS (Îlots de chaleur, Adaptation, Territoires Urbains) soutenue financièrement par l’ADEME Grand Est (figure 2). Cette opération est le fruit d’une réflexion engagée conjointement par la Métropole et les climatologues du LOTERR en mars 2020 autour de la recherche de crédits pour financer les recherches de la thèse. L’ambition de l’opération IATUS était de mener en parallèle et de manière intriquée, l’acquisition de connaissances scientifiques sur la surchauffe urbaine et des actions concrètes et transformatrices sur le terrain. Il fallait démontrer son caractère réplicable à d’autres territoires en Grand Est.
L’opération IATUS concrétise une phase d’enrôlement (figure 2). Selon Audoux and Gillet (2011), lors de cette phase, les partenaires ‘s’attribuent des rôles de pilotage, d’analyse et de communication ancrés dans leur arène de légitimité propre : analyser, conceptualiser et publier les résultats pour les uns, communiquer et fédérer autour des résultats pour les autres. L’accord sur ces légitimités se scelle donc autour de la délégation du travail d’enquête et de l’organisation du travail à une personne dédiée. Cet accord fait alors l’objet d’une traduction du processus de production scientifique en processus de gestion de projet sous la houlette de cet ingénieur ‘ (Audoux et Gillet, 2011). Ainsi, la gestion de l’opération a été confiée à Nassima Hassani, doctorante chargée de documenter le climat urbain avec une approche multi- critère et multi-échelle. Les savoirs scientifiques ont été disséminés dans des colloques scientifiques (e.g. Lebaut et al., 2021; Hassani et al., 2022) mais aussi dans d’autres arènes comme celle du webinaire destiné au réseau Climat Air Energie porté régionalement par l’ADEME, la DREAL et la Région Grand Est5. Grâce à IATUS, le périmètre du partenariat de recherche s’est élargi en intégrant l’expertise et la force de recherche du Cerema. Des expérimentations scientifiques partagées ont contribué à territorialiser la recherche en ciblant des espaces publics de la Ville de Metz6,7 (voir aussi la section 2.3).
Parmi les actions IATUS ayant renforcé le système d’alliance entre les partenaires, citons également l’atelier participatif scientifiques-élus du 2 juillet 2021 sur le thème de l’adaptation au risque caniculaire8. Il traduit la quatrième et dernière phase du partenariat de recherche selon Audoux et Gillet (2011), ‘l’épreuve de la représentation’ (figure 2). Celle-ci vise ‘ à ancrer la recherche dans une plus grande légitimité sociale […] en mettant en discussion des résultats de recherche. Elle se déroule au travers de la mobilisation d’autres acteurs alliés et de la création d’espaces et d’arènes de représentation qui servent de révélateur ou d’amplificateur au partenariat de recherche ‘. Ainsi, lors de l’atelier, différents porte-paroles représentant une vingtaine de personnes (chercheurs du LOTERR et du Cerema, élus métropolitains, agents des services techniques de la Métropole, représentants de l’Agence de l’Eau Rhin-Meuse et de l’AGURAM) ont exprimé leur vision sur les questions de changement climatique et d’adaptation à la surchauffe urbaine. Des présentations scientifiques ont alterné avec des sessions d’échange fondées sur des techniques d’intelligence collective (photo-langage, quiz, etc.). Outre la transmission directe des résultats de recherche et le questionnement de la recherche par les acteurs, ces échanges constituent un autre format de valorisation de la recherche qui semble intéressant et complémentaire pour une bonne appropriation par les acteurs.
2.3. L’observation de l’ICU et l’analyse thermique d’espaces publics par drone comme points d’ancrage de l’enrôlement
L’observation de l’ICU a débuté en juin 2019 sur le territoire messin par la mise en place d’un suivi autonome de la température de l’air et de l’humidité relative à l’échelle de l’agglomération messine (réseau REMTHAM; voir figure 1; Hassani et Drogue, 2020). Pour des raisons de contrainte budgétaire, celui-ci s’est étendu progressivement, en trois phases (figure 2). Rétrospectivement, force est de constater que cette phase d’observation joue un rôle d’accélérateur dans la dynamique partenariale. Nous l’identifions comme un actant majeur de l’opération d’association entre climatologues et acteurs ‘par sa faculté à avoir un poids, une intensité dans le déroulement de l’action et des interactions ‘ (Audoux et Gillet, 2011).
L’observation a en effet permis la production de données et de cartes climatiques inédites, servant à documenter les variations de températures locales et permettant aux chercheurs d’entrer en contact avec les communes membres de la Métropole les plus exposées (11 communes sur 45 ont été équipées de sondes HOBO). En outre, elle a permis aux élus, citoyens et agents des services techniques de s’approprier le défi climatique lors d’opérations de pose de capteurs par exemple ou de présentations en collectivité de résultats d’exploitation des données par les climatologues. Des cartes d’ICU en contexte caniculaire ont été générées à partir des données REMTHAM tout au long de la thèse démontrant aux acteurs locaux, le caractère dynamique de ce phénomène (Hassani et al., 2022). Ces différentes cartes ont été mobilisées par exemple lors de la coconstruction en 2021 (figure 2) du diagnostic de vulnérabilité du 2e PCAET élaboré par l’AGURAM, intervenant dans le cadre de son programme partenarial avec la Métropole (AGURAM, 2022). Un exemple de carte d’analyse publiée dans ce diagnostic est présenté sur la figure 3.
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Figure 3 Carte d’analyse croisant la carte de l’îlot de chaleur urbain (ICU) de référence (Hassani et Drogue, 2019) et l’implantation des établissements recevant du public sensible dans l’agglomération messine. Document tiré du diagnostic de vulnérabilité du 2e PCAET volet « cadre de vie des habitants dans les villes et villages » (AGURAM, 2022).Analysis map crossing the reference urban heat island (UHI) map and the location of establishments receiving a sensitive public on the Metz metropolitan territory. Document taken from the vulnerability diagnosis of the 2nd PCAET “living conditions in towns and villages” section ( AGURAM, 2022 ). |
Ce type de cartographie permet de connaître les zones urbaines sensibles à la surchauffe et d’engager l’action (par exemple par l’aménagement d’une pièce rafraîchie dans une maison de retraite particulièrement exposée à ce phénomène ou par la végétalisation d’une cour d’école).
A une échelle plus locale, celle de l’espace public (place, parking, cour d’école), les thermographies aéroportées par drone (ou « focus drone ») ont été également très utiles pour discuter localement l’impact de bonnes ou de mauvaises pratiques d’adaptation fondées sur des projets d’aménagement. Un exemple de « focus drone » réalisé en deux phases (juillet 2021 et juin 2022) par les climatologues du LOTERR dans le cadre de IATUS est présenté sur la figure 4. L’espace ciblé est un parking utilisé par les agents de la Ville de Metz. Les orthophotos 4a et 4b montrent l’état initial très minéralisé et l’état post-travaux du parking, dans le domaine visible. Les orthoimages 4c et 4d présentent l’impact de cette rénovation (désimperméabilisation massive avec espaces verts, enrobé, pavés infiltrants et pavés blancs) sur la température de surface détectée par une caméra infrarouge (IR) embarquée sur un drone. Le mode opératoire suivi est décrit dans Drogue et al. (2020). La comparaison des thermographies IR met clairement en évidence la réduction des surfaces très collectrices de chaleur grâce à l’effet conjoint des espaces « verts » (ombrage) et des pavés réfléchissants. À l’échelle de la scène, les températures de surface sont beaucoup plus hétérogènes et baissent jusqu’à 15 degrés (figure 4d) par rapport à celles observées dans la rue adjacente au parking contre seulement 5 degrés dans l’état initial du parking (figure 4c) (voir aussi Hassani et al., 2023).
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Figure 4 Vue aérienne du réaménagement d’un parking (situé rue de Méric, 144 route de Thionville à Metz) par drone. a) ortho-photo du parking avant réaménagement (juillet 2021). b) ortho-photo du parking après réaménagement (juin 2022). c) ortho-mosaïque IR avant réaménagement (juillet 2021). d) ortho-mosaïque IR après travaux (juin 2022). Les images sont géoréférencées en L93. Aerial view of the redevelopment of a car park (located rue de Méric, 144 route de Thionville in Metz) by drone. a) ortho-photo of the car park before redevelopment (July 2021). b) ortho-photo of the car park after redevelopment (June 2022). c) IR ortho-mosaic before redevelopment (July 2021). d) IR ortho-mosaic after works (June 2022). The images are georeferenced in L93. |
Au total, notre dynamique partenariale s’est donc structurée autour de quatre grandes étapes situées au croisement entre les attentes des professionnels, des utilisateurs des données climatiques et les travaux des climatologues. Cette méthodologie est très proche de celle identifiée dans les retours d’expériences de cas exemplaires de villes ou métropoles européennes sur la gestion du confort climatique urbain (IUAR-LIEU-AMU, 2019). Elle n’a donc rien de particulièrement original tout en ayant valeur de référence par l’efficacité qu’elle a démontrée sur d’autres territoires.
Dans la section suivante, nous réalisons un retour réflexif pour tenter d’une part d’identifier les clés du succès d’une territorialisation locale de l’adaptation à la surchauffe urbaine et d’autre part, de qualifier les actions collectives déployées sur les territoires d’intérêt.
3. Évaluation qualitative de la dynamique partenariale et de son impact sur l’adaptation locale
3.1. Retour réflexif des acteurs opérationnels
Ce retour réflexif découle d’une enquête conduite autour de quatre questions (voir annexe 1) interrogeant les acteurs sur l’atelier scientifiques- élus, les apports de la thèse en appui à leurs missions et enfin les points forts/points faibles du processus collaboratif. Les questions ont été posées par écrit à un échantillon de personnes composé de 2 élus métropolitains, 1 conseiller municipal de la Ville de Metz et 5 chefs ou chargés de mission Transition écologique/environnement représentant l’AGURAM, la Métropole et la Ville de Metz. Le contenu des réponses aux questions est retranscrit dans l’annexe 1.
L’atelier scientifiques-élus a effectivement permis de confronter les savoirs (‘avoir une vision sous différents angles ‘), et d’apporter une pierre à la construction d’une communauté hybride grâce aux ‘formats d’intelligence collective appliqués aux sujets abordés’. Face à la seconde question portant sur la production de connaissances, les acteurs soulignent unanimement l’importance de ces nouvelles connaissances environnementales pour les pratiques opérationnelles. A partir d’un diagnostic microclimatique urbain objectif et quantitatif, elles contribuent à une réelle ‘prise de conscience des zones de surchauffe ‘. De plus, l’inflexion de l’action en faveur de certaines solutions de lutte contre la surchauffe urbaine (question 3), comme la ‘végétalisation’, semble ‘durable ‘, dans la mesure où elle peut impliquer des programmes (plantation d’arbres) répondant à la demande sociale et impliquant d’autres bénéfices. Pour les enquêtés, les données de la recherche contribuent ici à mieux ‘cibler’ les actions et les espaces où il ‘faut agir ‘. Le processus de déploiement semble encore rester pour l’instant au stade des ‘préconisations ‘ et il demande du ‘temps ‘ pour être mis en œuvre concrètement sur le territoire. Enfin, l’évaluation succincte du processus collaboratif débouche sur la formulation de trois attentes de la part des acteurs interrogés : une ‘collaboration intensive ‘ et ‘un projet-pilote’ (attentes de la Métropole); un ‘suivi scientifique à long terme ‘ (attente de la Ville de Metz).
Au total, ces réflexions et témoignages d’acteurs montrent que les outils et méthodes des climatologues (cartes des Local Climate Zones - LCZ, cartes des LandSurface Temperature - LST, cartes d’ICU, etc.) ont constitué, dans l’agglomération messine, à la fois des outils de diagnostic quantitatif du climat local, des supports de discussions et d’interactions et des leviers potentiels de traduction réglementaire ultérieure des enjeux identifiés. Cela recoupe le constat fait sur d’autres territoires comme celui de Toulouse Métropole par exemple (Bretagne et Mayis, 2021). La phase, souvent ‘peu aboutie’ (IUAR-LIEU-AMU, 2019), de mise en œuvre concrète (à travers la réglementation ou de simples prescriptions) puis d’évaluation des actions d’adaptation, vient d’être amorcée par les acteurs en partenariat avec les chercheurs (cf. section 3.3).
3.2. Réflexions et témoignages des chercheurs
Après avoir interrogé les acteurs sur la dynamique partenariale initiée depuis 2018, les climatologues s’interrogent eux-mêmes dans cette section. Qu’avons-nous bien fait et qu’aurions-nous pu mieux faire ? Quels bénéfices avons-nous tirés de la démarche partenariale ?
Si la production de données (acquises par capteur) et de cartes climatiques (cartes de LST, cartes d’ICU, thermographies par drone) semblent avoir facilité la sensibilisation des acteurs et le passage à l’action, la communication de ce corpus à ce public reste un défi permanent. Les élus et services techniques sont surtout intéressés par une représentation simple voire simpliste de l’ICU. Or, il est difficile de rendre compte d’un phénomène dynamique comme l’ICU sur la base d’une seule carte, encore plus s’il faut intégrer sur ces supports géographiques voire géomatiques la couche supplémentaire et souvent attendue des recommandations. Malgré des précautions oratoires, les cartes climatiques sont parfois mal interprétées avec une confusion fréquente entre températures de surface et température de l’air d’une part et phénomènes diurnes et nocturnes d’autre part.
De plus, un diagnostic de type « avant/après » action de réaménagement caractérisé uniquement, dans ces travaux, en thermographie de surface (cf. l’exemple du parking présenté en section 2.4) ne suffit pas à caractériser les bénéfices microclimatiques d’une solution « grise » ou « verte » en matière de réduction de la surchauffe urbaine. Selon nous, il faudrait être plus complet et l’accompagner d’une mesure ou simulation du stress thermique extérieur (diurne), en UTCI par exemple, pour qualifier localement le changement d’ambiance climatique perçue par les usagers. Ce constat souligne « en creux » l’intérêt pour les scientifiques de travailler en synergie avec les acteurs opérationnels : cela les oblige à reformuler des questions ou problématiques de recherche par rapport à une perspective d’aménagement opérationnel du territoire.
Nous observons également qu’en phase de restitution, les limites scientifiques de nos approches expérimentales et l’incertitude inhérente à nos mesures sont souvent évitées pour ne pas complexifier le message et la compréhension des résultats de recherche, et laisser les décisionnaires en contexte incertain.
S’agissant de l’atelier scientifiques-élus, toutes les parties prenantes ont pu échanger sur les enjeux et les objectifs de long terme. Grâce aux séquences scientifiques, cet atelier a permis d’insister sur les définitions (e.g. climat, confort, adaptation) et ainsi expliciter les réponses et les solutions d’adaptation possibles. Cette étape a été importante et pourrait être envisagée plus tôt dans le cycle du partenariat, voire être rejouée pendant le processus collaboratif pour introduire quelques jalons (e.g. cartographie de l’ICU, proposition de fiche-action).
Au total, ce retour d’expérience du partenariat ne fait que confirmer ce que des enquêtes ont déjà révélé : ‘le facteur humain est fondamental pour réussir la prise en compte des données climatiques dans l’urbanisme’ (IUAR-LIEU-AMU, 2019). Climatologues et chargés de mission des collectivités au plus proche de la thématique (localement « Transition écologique/Environnement ») jouent un rôle essentiel de ‘passeurs’ (IUAR-LIEU-AMU, 2019) entre la sphère scientifique et experte qui produit les connaissances climatiques, et celle des utilisateurs ou des praticiens de l’action publique territoriale. Une meilleure intrication de ces deux sphères permettrait assurément de positionner la recherche plus en amont de la phase d’ingénierie et de faire davantage profiter aux acteurs de l’expertise scientifique.
3.3. Portée des actions collectives d’adaptation sur le territoire messin
L’exercice réflexif prend ici la forme d’une analyse critique des actions collectives déployées face à l’enjeu de la surchauffe urbaine dans l’agglomération messine. Les leviers et types d’adaptation du Haut Conseil pour le Climat sont utilisés comme référentiel (HCC, 2021). Le tableau 1 reprend, en les complétant, des actions partenariales décrites dans la section 2 ainsi que des mesures « prospectives » liées au Plan Climat de la Ville de Metz et à l’enjeu îlot de chaleur urbain figurant dans les sept fiches structurant l’action « Planification écologique de l’aménagement » du nouveau plan d’action Climat Air Energie de la Métropole de Metz9.
Exemples de leviers et types d’adaptation à la surchauffe urbaine mis en œuvre dans l’agglomération messine et d’actions à planifier découlant d’un management de l’adaptation (en italique). Examples of levers and types of adaptation to urban overheating implemented in the Metz conurbation and actions to be planned as a result of adaptation management (in italics).
Ces mesures se rapportent aux fiches-actions A2 ‘Améliorer l’urbanisme en l’adaptant aux changements d’usages et aux changement climatiques’, A3 ‘ Considérer le PL Ui en appliquant de façon ambitieuse l’OAP énergie-climat ‘ et A6 ‘Limiter l’impact des îlots de chaleur urbains sur les villes et les villages’. La fiche-action A6 est illustrée sur la figure 5.
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Figure 5 Exemple de fiche-action tirée du plan d’action Climat Air Energie (2e PCAET) de l’Eurométropole de Metz arrêté le 14 novembre 2022 par le conseil métropolitain10.Example of an action sheet from the Climate Air and Energy Action Plan (2nd PCAET) of the Metz Eurometropole, adopted on 14 November 2022 by the Metropolitan Council. |
L’analyse du tableau 1 montre que les acteurs locaux associés à ce retour d’expérience ont bien engagé l’adaptation à la surchauffe sur leur territoire à travers une stratégie d’adaptation « multi-thématique » et « multi-acteur » en visant l’apport, par cette démarche, de nombreux co- bénéfices (bien être, paysage, gestion des eaux pluviales, ombrage, etc.). Les acteurs ont saisi la thèse et l’opération IATUS comme une réelle opportunité pour s’emparer du sujet de l’adaptation et l’appliquer concrètement à leur territoire en vue de renforcer son attractivité, la qualité de vie et la santé des habitants.
Cependant, cette stratégie d’adaptation prend le plus souvent la forme d’un ajustement ponctuel à finalité essentiellement protectrice : on cherche avant tout à réduire la vulnérabilité. L’adaptation à la surchauffe urbaine est donc plutôt vécue ou pensée par les acteurs comme une adaptation- état (Simonet, 2016), une solution curative dans laquelle l’idée d’ajustement prédomine : à un problème, l’excès de chaleur en ville, correspond une solution, si possible technique, avec l’espoir d’une amélioration (build back better). Cependant, la multiplicité et la complexité des risques socio- environnementaux induits par la chaleur et son exacerbation en ville (voir la carte mentale proposée par Klok et Kluck, 2018) exigent d’inscrire cette adaptation-état dans une approche plus globale, une adaptation réellement transformationnelle et proactive.
On agirait ainsi sur les causes structurelles de la vulnérabilité pour éviter que le « système » actuel ne se trouve dans un état de plus en plus inadapté au climat qui change.
Sur les territoires ciblés, cette adaptationprocessus est en marche et il existe une réelle volonté politique de déployer un urbanisme et un PLUi « bioclimatique » (voir tableau 1) et plus généralement, une planification de l’aménagement « bioclimatique » comme on a pu le voir ci-dessus avec le plan d’action du 2e PCAET. Cette acculturation progressive des acteurs à l’adaptation transformationnelle est encourageante. Mais les retours d’expérience comme par exemple, celui du projet AdaMont (Arlot, 2019), montre que seul un partenariat méthodologique fort des territoires et des chercheurs autour d’un management de l’adaptation contribuera à faire de ces territoires, des territoires à la fois « apprenants » et «compétents» pour s’adapter (Jonas, 2019). Quelques actions concrètes illustrant la façon d’outiller et de construire de tels territoires sont proposées d’un point de vue prospectif dans la dernière colonne du tableau 1 Leur réalisation à court terme suppose d’avoir la capacité de mobiliser des compétences humaines et des moyens financiers supplémentaires et si possible pérennes, dépassant le périmètre du partenariat actuel.
Conclusion
Au cours des années récentes, la gestion du défi climatique par l’ approche conjointe des acteurs opérationnels et de la recherche a donc bénéficié d’un coup d’accélérateur dans l’agglomération messine. Celui-ci résulte d’une collaboration locale dynamique, alimentée par des contextes opérationnels (acteurs locaux), réglementaires (LTECV) et de recherche (thèse de doctorat soutenu financièrement par le MESRI, soutien financier de l’ADEME Grand Est) favorables et incitatifs. Si la difficulté de mobiliser en temps voulu les acteurs pertinents a pu constituer un vrai frein à la sensibilisation notamment lors de l’atelier participatif scientifiques-élus, il nous semble que la première étape de la démarche d’adaptation que constitue l’articulation entre les politiques publiques locales et la recherche en climatologie urbaine est une réussite. La thèse et les travaux scientifiques publiés dans le cadre de l’opération IATUS, gage d’excellence et d’objectivité scientifique, ont facilité la volonté d’appropriation par les acteurs et leur engagement actif dans des démarches de recherche et d’innovation pouvant avoir des retombées sociétales fortes, comme par exemple, l’élaboration d’une trame rafraîchissante. Cette réussite doit beaucoup à la confiance et à la qualité du dialogue entre acteurs et climatologues et à la circulation des chercheurs et « agents- frontières » dans les services et les directions des EPCI et des municipalités. Nous sommes convaincus que cette première étape doit être suivie, dans les années futures, par une étape plus ambitieuse, structurée autour d’une plateforme de services climatiques ajustée au contexte local et élargie à d’autres risques climatiques pour dépasser les cas d’adaptation liés à la surchauffe urbaine. Les climatologues devront à cette occasion se pencher sur la question épineuse de l’évaluation scientifique du gain en matière d’adaptation au changement climatique généré par les actions planifiées par les acteurs.
Remerciements
À Luc Manceau, télépilote au LOTERR, pour l’acquisition et le traitement des données aéroportées, aux Maires et agents des services techniques des communes couvertes par REMTHAM et à l’ADEME Grand Est pour le financement de l’opération IATUS. L’acquisition du drone DJI Phantom 4 et de la caméra thermique FLIR ont bénéficié du soutien financier du CPER ARIANE.
Replay du webinaire de restitution sur https://dai.ly/x8bp56i
Références
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Annexe 1
Retranscription des réponses apportées au questionnaire d’évaluation du partenariat entre acteurs publics et recherche face à l’enjeu de l’adaptation à la surchauffe urbaine dans l’agglomération messine. L’échantillon de répondants est composé : pour l’AGURAM, de 2 chargés de mission environnement; pour la Métropole, de 1 chargé de mission Transition écologique; pour la Ville de Metz, de deux chargés de mission pilotant la mission Transition écologique et solidaire de la municipalité; pour le Cerema, de deux chercheurs en climatologie urbaine de l’équipe TEAM; pour le LOTERR, des 2 chercheurs engagées sur la thèse « ICU » et impliqués dans l’opération IATUS.
Transcription of the answers given to the questionnaire on the evaluation of the partnership between public actors and research in the face of the challenge of adapting to urban overheating in the Metz conurbation. The answer given is an aggregated answer reflecting the opinion of one or more people. The sample of respondents is composed of: for AGURAM, 2 environmental officers; for the Metropole, 1 ecological transition officer; for the City of Metz, two project managers leading the municipality’s Ecological Transition and Solidarity mission; for Cerema, two researchers in urban climatology from the TEAM team; for the LOTERR of the 2 researchers engaged on the “ICU” thesis and involved in the IATUS operation.
Question 1 : en tant qu’élu, agent, qu’est-ce que l’atelier sur le risque caniculaire vous a apporté (sensibilisation, connaissances, base de discussion dans le cadre de votre délégation, etc.) ?
AGURAM : « L’atelier sur le risque caniculaire a permis de mettre autour d’une même table des élus, techniciens, chercheurs, permettant ainsi d’avoir des retours d’expériences et une vision du sujet sous différents angles. »
Métropole : « A l’occasion de cet atelier, comme pour l’ensemble du travail conjoint autour de la thèse « Ilot de chaleur urbain », les enjeux de l’adaptation au changement climatique ont pu être traités de façon très pragmatique. Durant l’atelier, l’alternance de 3 séquences scientifiques (recherche scientifique vulgarisée et appliquée au territoire) et de 3 séquences participatives (formats d’intelligence collective appliqués aux sujets abordés) a permis de traiter de façon très pratique de la problématique de la surchauffe urbaine et des différentes solutions concrètes qui s’offrent aux collectivités, de l’échelle de la métropole à celle de la rue ou du bâtiment. »
NB : la Ville de Metz n’a pas participé à l’atelier scientifiques-élus.
Question 2 : Qu’est-ce que la thèse sur l’îlot de chaleur urbain de Mme Hassani vous a apportée ? En termes de connaissance, de données, d’appui aux missions ? Quels sont les résultats les plus marquants ?
AGURAM : « Les données de la thèse de Mme Hassani sont régulièrement utilisées dans le cadre des différentes études menées par l’AGURAM au côté de ses partenaires comme le projet de transformation et de végétalisation des cours d’écoles messines, le renforcement de la trame verte de la ville de Metz, l’étude de vulnérabilité du territoire au changement climatique menée dans le cadre de la révision du plan climat de l’Eurométropole. Ces données scientifiques, récentes et territorialisées, permetten t de sensibiliser davantage et constituent un atout pour impulser une dynamique en faveur de l’atténuation et de l’adaptation au changement climatique. Le suivi avant/après travaux par passage de drone permet également d’appuyer, avec des résultats concrets, l’intérêt des actions de désimperméabilisation et de végétalisation entreprises sur le territoire de l’Eurométropole de Metz. »
Métropole : « en 2018, la Communauté d’Agglomération de Metz Métropole devenait l’Eurométropole de Metz. Le passage de Communauté d’Agglomération à Métropole implique une prise de compétences, essentielles en matière d’aménagement du territoire : planification urbaine, aménagement, mobilité, voirie, espaces publics, transition énergétique… Fin 2018, débutait la thèse sur l’îlot de chaleur urbain de Mme Hassani, pour laquelle l’Université de Lorraine a proposé à l’Eurométropole de Metz d’en devenir partenaire. Cela a immédiatement été considéré comme une opportunité : au moment d’exercer ses nouvelles compétences, la métropole aurait, grâce aux travaux de la thèse, la possibilité d’intégrer très concrètement les enjeux de l’adaptation au changement climatique dans ses politiques publiques, de mener ses nouveaux projets d’une façon plus intégrée, de concevoir ses espaces publics en prenant réellement en compte le risque de surchauffe urbaine… Plus de 10 Maires ont d’ailleurs accepté d’accueillir sur leur ban communal des capteurs de température et d’humidité de l’Université de Lorraine. Les résultats de la thèse, fréquemment présentés par Mme Hassani, ont permis une réelle prise de conscience des zones de surchauffe : centre-bourgs, quartiers à proximité des voies ferrées et des axes routiers, zones d’activités économiques. »
VDM : « Une confirmation scientifique i) de la présence d’îlots de chaleur plus marquée sur les secteurs de la Ville de Metz très denses et avec très peu d’espaces verts/de nature; ii) que la végétation constitue le meilleur levier de lutte contre les ICU. »
Question 3 : en quoi cela a-t-il infléchi/modifié votre façon d’agir et de concevoir votre territoire ? Quels apports concrets dans vos programmes et réalisations ?
AGURAM : « La thèse sur l’îlot de chaleur urbain permet à l’agence d’affiner ses préconisations, notamment pour les études opérationnelles tel que le renforcement de la trame verte messine. Les essences qui seront plantées sont choisies pour favoriser la biodiversité mais lorsque l’enjeu ICU est important, des essences permettant de réguler le climat local sont préconisées. Les résultats de la thèse constituent donc un outil d’aide à la décision dans le choix des sites à planter ou désimperméabiliser en priorité. »
Métropole : « La prise de conscience des enjeux d’adaptation au changement climatique a été rapide et dura7ble chez la plupart des élus, ainsi qu’au sein des principaux services métropolitains (planification, am8énagement, renouvellement urbain, eau et énergie, espaces publics, transition écologique.). Les élus communaux ont également eu l’opportunité d’appréhender cette problématique, de comprendre les bonnes pratiques (et les fausses bonnes idées) et de travailler eux-mêmes à la conception d’espaces publics (par exemple lors d’un atelier de 3 heures, avec 60 personnes, qui a permis de réfléchir à la requalification de 4 espaces publics de la Commune du Ban-Saint-Martin). Mais l’application concrète prend du temps. Même si la Métropole a déjà intégré des solutions vertes, bleues et/ou grises dans les projets de requalification de quelques rues, même si certaines communes ont déjà réaménagé et végétalisé leur cour d’école, beaucoup reste à faire. C’est l’ambition du nouveau programme que vient d’arrêter la métropole (14 novembre 2022), en lien avec ses communes membres : le nouveau Plan Climat Air Energie Territorial ambitionne d’agir de façon pragmatique pour préserver les ilots de fraicheur et pour lutter contre l’ilot de chaleur urbain, dans les 45 villes et villages du territoire. »
VDM : « Les apports concrets se situent dans la mise en place d’actions plus ciblées de végétalisation de la Ville et de désimperméabilisation sur les secteurs à forts enjeux en termes d’îlots de chaleur. Le choix d’essences adaptées est guidé par l’outil SESAME11».
Question 4 : si l’expérience devait être reproduite (en repartant de zéro) qu’envisageriez (et changeriez-vous) vous en termes de collaboration (objectifs, moyens, articulation avec l’agenda de la métropole, etc.) ?
Métropole : « Cette collaboration entre sphère publique (métropole, communes membres.) et monde académique (université.) était une première. Elle va se poursuivre, puisque la métropole et l’université ont signé une nouvelle convention de partenariat de 3 ans, soit jusqu’en mai 2025. La démarche a été la bonne dès le départ : présenter l’objet de la thèse aux élus métropolitains, échanger avec les Maires de la partie centrale du territoire, impliquer régulièrement les agents et les élus à l’acquisition de données et à l’analyse des résultats, etc. Ainsi, si l’expérience devait être reproduite, la collaboration intensive des débuts serait sans doute réitérée. Un regret cependant est de ne pas avoir pu travailler conjointement (métropole et université) sur un projetpilote, reproductible par les communes, idéalement au milieu de la thèse (aux alentours de 2020-2021) : ce projet aurait eu les avantages de se concrétiser rapidement et d’essaimer sur le territoire et au-delà. Mais peut-être pourrons-nous coopérer sur ces sujets en 2023 ? »
VDM : « Un suivi plus fin et plus régulier des travaux de végétalisation et de désimperméabilisation par drone. Et sur du plus long terme. »
NB : L’AGURAM se sentant moins concernée par cette question, elle n’a pas souhaité y répondre.
Citation de l’article : Drogue G., Hassani N., Bouyer J., Claverie R., Douche S., Rogovitz F., Smaalah S., Brasseur L., Suaire M., 2023. Dynamique partenariale autour de l’adaptation à la surchauffe urbaine dans l’agglomération messine (France) : un retour d'expérience. Climatologie, 20, 11.
Liste des tableaux
Exemples de leviers et types d’adaptation à la surchauffe urbaine mis en œuvre dans l’agglomération messine et d’actions à planifier découlant d’un management de l’adaptation (en italique). Examples of levers and types of adaptation to urban overheating implemented in the Metz conurbation and actions to be planned as a result of adaptation management (in italics).
Liste des figures
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Figure 1 Limites des mailles administratives de l’agglomération messine et réseau de mesure REMTHAM. GE : Grand Est. EMM : Eurométropole de Metz. Administrative boundaries of the Metz conurbation and REMTHAM measurement network. GE : Grand Est. EMM : Eurométropole de Metz. |
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Figure 2 Agenda des politiques publiques locales sur la question de l’adaptation à la surchauffe urbaine et au changement climatique et étapes du dispositif partenarial entre acteurs et climatologues. Local public policy agenda on the issue of adaptation to urban overheating and climate change and stages of the partnership between actors and climate scientists. |
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Figure 3 Carte d’analyse croisant la carte de l’îlot de chaleur urbain (ICU) de référence (Hassani et Drogue, 2019) et l’implantation des établissements recevant du public sensible dans l’agglomération messine. Document tiré du diagnostic de vulnérabilité du 2e PCAET volet « cadre de vie des habitants dans les villes et villages » (AGURAM, 2022).Analysis map crossing the reference urban heat island (UHI) map and the location of establishments receiving a sensitive public on the Metz metropolitan territory. Document taken from the vulnerability diagnosis of the 2nd PCAET “living conditions in towns and villages” section ( AGURAM, 2022 ). |
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Figure 4 Vue aérienne du réaménagement d’un parking (situé rue de Méric, 144 route de Thionville à Metz) par drone. a) ortho-photo du parking avant réaménagement (juillet 2021). b) ortho-photo du parking après réaménagement (juin 2022). c) ortho-mosaïque IR avant réaménagement (juillet 2021). d) ortho-mosaïque IR après travaux (juin 2022). Les images sont géoréférencées en L93. Aerial view of the redevelopment of a car park (located rue de Méric, 144 route de Thionville in Metz) by drone. a) ortho-photo of the car park before redevelopment (July 2021). b) ortho-photo of the car park after redevelopment (June 2022). c) IR ortho-mosaic before redevelopment (July 2021). d) IR ortho-mosaic after works (June 2022). The images are georeferenced in L93. |
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Figure 5 Exemple de fiche-action tirée du plan d’action Climat Air Energie (2e PCAET) de l’Eurométropole de Metz arrêté le 14 novembre 2022 par le conseil métropolitain10.Example of an action sheet from the Climate Air and Energy Action Plan (2nd PCAET) of the Metz Eurometropole, adopted on 14 November 2022 by the Metropolitan Council. |
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