Issue |
Climatologie
Volume 19, 2022
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Article Number | 2 | |
Number of page(s) | 8 | |
DOI | https://doi.org/10.1051/climat/202219002 | |
Published online | 31 January 2023 |
Titre de la thèse : Prévisibilité des fortes précipitations aux échéances infra-saisonnières sur le Pacifique Sud-Ouest tropical
Article de synthèse publié dans le cadre de l’obtention du Prix Gérard Beltrando 2021 attribué par l’AIC et récompensant la meilleure thèse de climatologie
Predictability of heavy precipitation at the subseasonal timescales in the southwest tropical Pacific
CNRM, Université de Toulouse, Météo-France, CNRS, Toulouse, France
* Auteur de correspondance : damien.specq@meteo.fr
Cet article est un condensé de la thèse soutenue par l’auteur le 6 novembre 2020 et récompensée par le prix Gérard Beltrando de l’Association Internationale de Climatologie au titre de l’année 2021. Cette thèse a été préparée au Centre National de Recherches Météorologiques (UMR 3589, Météo-France & CNRS) entre 2017 et 2020 sous la direction de Lauriane Batté et Michel Déqué.
Abstract
This article is a short version of the author’s PhD thesis that was defended on November 6 2020 and was awarded the 2021 Gérard Beltrando prize from the Association Internationale de Climatologie. This thesis was prepared in the Centre National de Recherches Météorologiques (Météo-France & CNRS) in Toulouse, France between 2017 and 2020 under the supervision of Lauriane Batté and Michel Déqué.
Mots clés : prévision climatique infra-saisonnière / pluies extrêmes / Pacifique Sud / Oscillation Australe El Niño / Oscillation de Madden-Julian
Key words: subseasonal forecasting / extreme rainfall / South Pacific / El Niño Southern Oscillation / Madden-Julian Oscillation
© D. Specq, hosted by EDP Sciences 2022
This is an Open Access article distributed under the terms of the Creative Commons Attribution License CC-BY-NC (https://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0), which permits unrestricted use, distribution, and reproduction in any medium, except for commercial purposes, provided the original work is properly cited.
Introduction
Bien que l’échéance de validité des prévisions météorologiques communément admise par le grand public soit de quelques jours, certaines conditions climatiques peuvent être anticipées à horizon plus lointain en considérant des échelles spatiales et/ou temporelles suffisamment grandes. Il est ainsi possible de faire une prévision de statistiques climatiques, par exemple des anomalies moyennes ou la probabilité d’occurrence d’événements particuliers, sur des fenêtres hebdomadaires ou mensuelles à venir. Pour cela, une approche consiste à intégrer jusqu’à la période ciblée des modèles de climat globaux initialisés de manière réaliste. Plus précisément, afin d’échantillonner la distribution des futures conditions climatiques, on a recours à une approche ensembliste où chaque prévision est en réalité constituée de plusieurs intégrations appelées membres, qui diffèrent par de petites perturbations (Batté, 2013). Dans ce cadre, ma thèse est une étude sur la possibilité de prévoir des périodes de fortes pluies aux échéances de quelques semaines (échéance infra-saisonnière) en utilisant pour outil la modélisation climatique globale.
Faire des prévisions aux échéances infra-saisonnières, malgré le chaos qui régit la dynamique de l’atmosphère, repose sur deux éléments : une certaine proximité des conditions initiales, ainsi que l’influence d’autres composantes du système climatique faisant office pour l’atmosphère de conditions aux limites variant lentement (Merryfield, 2020). Ces autres composantes (océan, surfaces continentales, cryosphère, etc.) sont capables de contraindre, par couplage, l’étendue des possibles climatiques. Pour cette raison, les modèles globaux utilisés en prévision infra-saisonnière sont le plus souvent des modèles de climat couplés faisant explicitement interagir l’atmosphère avec ces différentes composantes.
L’un des exemples les plus emblématiques de ce couplage est le phénomène El Niño Oscillation Australe (ENSO) entre l’atmosphère et l’océan Pacifique tropical (Bjerknes, 1969). Bien que l’influence de ce phénomène sur les températures et les précipitations globales concerne principalement l’échelle de temps de la saison, ses contraintes sur le climat s’appliquent aussi aux échelles de temps plus courtes infra-saisonnières. En outre, les échéances infra-saisonnières bénéficient de signaux atmosphériques propagatifs plus rapides, dont l’évolution peut-être prévue à un horizon plus lointain que les échéances météorologiques court terme. Parmi ces signaux, l’oscillation de Madden-Julian (MJO; Zhang, 2005) occupe une place centrale. En effet, cette oscillation, qui se propage d’ouest en est dans la bande équatoriale sur des périodes typiquement infra-saisonnières, a un fort impact sur le temps sensible, et notamment sur les précipitations tropicales, tout en étant assez prévisible entre 2 et 3 semaines (Vitart, 2017).
Les prévisions numériques infra-saisonnières ont ainsi connu un intérêt croissant depuis plus d’une dizaine d’années. Cet intérêt s’explique par les progrès scientifiques réalisés dans la compréhension et la modélisation des phénomènes sources de prévisibilité comme l’ENSO et la MJO. Il s’explique aussi par une forte demande d’utilisateurs potentiels. En effet, dans des secteurs socio-économiques aussi divers que l’aide humanitaire, la production d’énergie ou l’agriculture, c’est à échéance de quelques semaines que se prennent bon nombre de décisions importantes (White et al., 2017).
Malgré cet engouement, les performances des systèmes de prévision infra-saisonnière actuels restent modestes (e.g. de Andrade et al., 2019). Le développement de leur utilisation à des fins opérationnelles nécessite encore des efforts de recherche, d’une part dans l’amélioration des modèles numériques et d’autre part dans leur exploitation après intégration. Mes travaux de thèse se situent sur ce second volet, avec une focalisation sur la prévision des précipitations dans le domaine Pacifique Sud-Ouest tropical (110°E-200°E, 30°S-0°). Ce domaine englobe la partie sud du Continent Maritime, la partie tropicale de l’Australie et de nombreux territoires insulaires (Nouvelle-Calédonie, Vanuatu, Fidji, Salomon). Le choix de ce domaine et de la variable d’étude précipitation a été motivé par une prévisibilité escomptée assez forte par rapport à de nombreuses autres régions du globe (Moron et Robertson, 2020), en particulier grâce aux phénomènes ENSO et MJO mentionnés ci-dessus (Pariyar et al., 2020). Une motivation additionnelle repose sur les enjeux pour les territoires concernés, vulnérables à des épisodes de pluies intenses (Cowan et al., 2019) comme à des périodes de sécheresse (McGree et al., 2014).
Mes travaux proposent de répondre à quatre questions scientifiques :
- 1)
Quelles sont les capacités des systèmes de prévision numérique infra-saisonnière actuels à prévoir les précipitations sur le Pacifique Sud-Ouest tropical ?
- 2)
Comment les capacités de ces systèmes peuvent-elles être améliorées a posteriori ?
- 3)
Les modèles tirent-ils parti de manière optimale des sources de prévisibilité sur le domaine que sont l’ENSO et la MJO ?
- 4)
Les systèmes de prévision numérique actuels auraient-ils permis d’anticiper des événements de fortes pluies passées dans la région (illustration sur la Nouvelle-Calédonie) ?
Les réponses apportées à ces questions durant ma thèse figurent dans les sections qui suivent. Les résultats ont été obtenus à partir des données de re-prévisions infra-saisonnière (i.e. prévisions initialisées avec des conditions passées sur plusieurs années) disponibles dans la base de données du projet international S2S (Subseasonal-to-seasonal, Vitart, 2017) qui fédère les efforts sur ces échéances sous l’égide de l’Organisation Météorologique Mondiale.
1. Quelles sont les performances des systèmes de prévision infra-saisonnière ?
Caractériser les performances des systèmes de prévision infra-saisonnière actuels est une étape indispensable pour la mise en place d’utilisations opérationnelles et pour orienter les développements futurs. Dans ma thèse, le processus d’évaluation privilégié est celui d’une vérification des prévisions probabilistes d’occurrence de fortes précipitations. Ces fortes précipitations sont définies de manière binaire par un seuil, selon que le cumul de pluies hebdomadaire en un point donné excède ou non le quintile supérieur (80%) de sa distribution climatologique. La nature ensembliste des prévisions fournit assez naturellement une probabilité d’occurrence pour les différentes échéances, de la semaine 1 (cumul jours 5-11) à 4 (cumuls jours 26-32), en prenant la proportion de membres prévoyant un dépassement du quintile supérieur. Ces prévisions probabilistes issues de la base du projet S2S sont comparées à l’occurrence d’un tel dépassement dans des données de référence, à savoir les précipitations MSWEP (Beck et al., 2017). Une telle évaluation est effectuée pour la période d’été austral (Décembre-Janvier-Février) qui correspond au maximum de précipitations dans le Pacifique Sud-Ouest.
Pour évaluer les prévisions probabilistes, j’ai entre autres recours à un score appelé ROC skill score (Hogan et Mason, 2012) dont le but est de quantifier la capacité à discriminer entre la survenue et la non-survenue de l’événement considéré. Ce type d’évaluation est illustré sur la Figure 1, avec des valeurs de ROC skill score comprises entre 0 et 1, qui sont d’autant plus élevées que la capacité à discriminer l’est. À gauche, le ROC skill score apparaît à l’échelle de tout le bassin Pacifique Sud-Ouest, à la fois pour 6 modèles du projet S2S et pour toutes les échéances de la semaine 1 à 4. On constate ainsi une diminution des performances des prévisions avec l’échéance, qui est attendue compte tenu de l’éloignement progressif des conditions initiales. On constate aussi une hiérarchie entre les modèles, avec notamment de meilleures performances pour ECMWF par rapport aux autres. À droite, on retrouve ces performances à une granularité spatiale plus fine puisque le score est indiqué en chaque point de grille du domaine, pour deux modèles sélectionnés (Météo-France et ECMWF) et une échéance fixée (semaine 3). Cela permet de constater qu’il est plus facile pour les modèles de prévoir correctement les fortes précipitations à échéance infra-saisonnière dans certaines régions que dans d’autres, avec un maximum dans le Pacifique équatorial (en partie attribuable au phénomène ENSO) et une diminution du score en s’éloignant de l’équateur, ainsi qu’un contraste entre points de grille terrestres et océaniques.
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Figure 1 Gauche : ROC skill score de la prévision du quintile supérieur des précipitations hebdomadaires par 6 systèmes S2S, à l’échelle du domaine Pacifique Sud-Ouest tropical. Droite : ROC skill score en chaque point de grille pour les prévisions Météo-France et ECMWF. Référence MSWEP, période d’évaluation Décembre-Janvier-Février 1996-2013. Left: ROC skill score of the upper quintile of weekly precipitation in six S2S forecast systems over the full southwest tropical Pacific domain. Right: ROC skill score at grid point level for the Météo-France and ECMWF forecasts. Verification period: December-January-February 1996-2013. Verification reference: MSWEP. |
Il ressort de ce cadre d’évaluation que la qualité des prévisions est assez limitée aux échéances infra-saisonnières. Par exemple, en semaine 3, l’ordre de grandeur de 0,3 pour le ROC skill score correspond à une probabilité de bonne discrimination entre une occurrence et une non-occurrence de l’événement valant 0,65 : cela indique une capacité de détection occasionnelle plutôt que régulière. Ainsi, j’analyse à l’aune de ces résultats l’intérêt de deux méthodes d’amélioration des prévisions a posteriori : la prévision multi-modèle (Section 2) et la prévision statistico-dynamique (Section 3).
2. La prévision multi-modèle : combiner une information de même nature en provenance de plusieurs modèles différents
Une partie des incertitudes d’une prévision provient de choix dans la modélisation physique du système climatique. Pour une situation donnée, il s’avère parfois que certains choix permettent de mieux prévoir l’évolution du climat que d’autres. Une technique possible d’amélioration des prévisions est donc de combiner les membres des prévisions issues de plusieurs centres modélisateurs de manière à former un nouvel ensemble qui échantillonne mieux la distribution climatique. Cette technique a fait ses preuves à l’échéance saisonnière (trimestre à venir) en permettant une augmentation des scores de prévision (e.g. Hagedorn et al., 2005). Ma thèse présente quant à elle l’une des premières implémentations de cette approche pour les échéances infra-saisonnières (Specq et al., 2020), en tirant parti de la richesse de la base de prévisions S2S à travers les 6 modèles listés en Figure 1.
Il s’avère que les approches multi-modèles que j’applique permettent bel et bien un gain de score par rapport aux modèles individuels qui les constituent. J’explore deux causes possibles habituellement mise en avant dans les études multi-modèles pour expliquer ces gains : la diversité des modèles et la plus grande taille d’ensemble. Mes résultats montrent que c’est avant tout la plus grande taille d’ensemble qui améliore la capacité de discrimination des prévisions probabilistes de fortes pluies quantifiée par le ROC skill score. En outre, je propose une comparaison entre trois méthodes de combinaison multi-modèles dans le contexte des données S2S disponibles :
- 1)
le multi-modèle équilibré où chaque modèle contribue à hauteur du même nombre de membres;
- 2)
le multi-modèle tous membres où chaque modèle contribue à hauteur de sa taille d’ensemble (qui n’est pas la même pour tous, voir légende Figure 1 gauche);
- 3)
le multi-modèle pondéré où un poids est affecté à chaque modèle en fonction de ses performances sur les prévisions des autres années.
La comparaison entre ces approches est représentée sur la Figure 2.
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Figure 2 Comparaison du ROC skill score de la prévision du quintile supérieur des précipitations hebdomadaires sur tout le domaine Pacifique Sud-Ouest tropical entre différentes approches de combinaison multi-modèle des six systèmes indiqués en Figure 1. Référence : MSWEP. Période : Décembre-Janvier-Février 1996-2013. Comparison of the ROC skill scores, using different multimodel combination methods to forecasts of the upper quintile of weekly precipitation over the southwest tropical Pacific. The multimodels are built from the 6 models appearing in Figure 1. Verification period: December-January-February 1996-2013. Verification reference: MSWEP. |
On y constate que toutes les techniques multi-modèles sont effectivement plus performantes que le modèle ECMWF, indiqué en référence en tant que meilleur modèle individuel. On y remarque également que l’approche par pondération fournit les meilleurs scores, mais que le multi-modèle tous membres présente des performances approchantes dans les échéances les plus lointaines (semaines 3 et 4), ce qui pousse à le recommander eu égard à sa plus grande simplicité de mise en œuvre.
3. La prévision statistico-dynamique : combiner des informations de nature différente en provenance d’un même modèle
Une autre piste d’amélioration des prévisions infra-saisonnières des pluies consiste à tirer parti de variables physiques qui sont mieux prévues par les modèles que les pluies elles-mêmes, et qui influent dessus. Dans le Pacifique Sud-Ouest tropical, les phénomènes ENSO et MJO constituent de bons candidats car ils vérifient ces deux conditions. L’approche proposée consiste alors à utiliser un modèle statistique qui prend comme données d’entrée différentes variables prévues par la prévision infra-saisonnière numérique, pour fournir en sortie une nouvelle prévision de précipitations. Le principe de cette approche, appelée prévision statistico-dynamique, est illustré Figure 3. Le traitement statistique lui-même est un modèle linéaire bayésien dont les détails peuvent être consultés dans Specq et Batté (2020). On notera que parmi les prédicteurs considérés en entrée figurent tout de même les précipitations brutes issues du modèle numérique en plus des indices prévus représentant l’ENSO et la MJO. On parle alors respectivement de calibration (le prédicteur et le prédictand sont de même nature) et de bridging (le prédicteur et le prédictand sont de nature différente).
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Figure 3 Schéma représentant le principe de la prévision statistico-dynamique. Basic principles of the statistical-dynamical forecasting approach. |
La Figure 4 présente une comparaison du ROC skill score avant et après l’application de la méthode statistico-dynamique, pour les systèmes de prévision S2S Météo-France et ECMWF à l’échéance semaine 3. Les points de grille en rouge sur la colonne de droite sont ceux où l’on a des augmentations significatives de score lorsque la méthode est mise en œuvre. Les zones concernées sont principalement le Continent Maritime, la côte ouest de l’Australie et la partie océanique au sud du domaine (Vanuatu, Fidji, Nouvelle-Calédonie). Dans le même temps, il y a très peu de points de grille avec une dégradation du score local, ce qui permet également une augmentation du score calculé à l’échelle de tout le bassin (non montré). Une analyse plus poussée en séparant les effets de calibration et de bridging souligne que la calibration est essentielle dans ces améliorations, mais que l’information de grande échelle liée à l’ENSO et la MJO lors du bridging joue un rôle non négligeable et permet un surcroît de discrimination des événements de fortes pluies. Je démontre que cela est dû à la correction qu’apporte le bridging en améliorant fortement la représentation spatiale des impacts de l’ENSO et de la MJO sur les pluies, notamment dans la partie méridionale du domaine.
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Figure 4 Gauche : ROC skill score des prévisions S2S du quintile supérieur des précipitations en semaine 3 pour Météo-France et ECMWF. Droite : Différence de ROC skill score entre avant et après application de l’approche statistico-dynamique (calibration + bridging). Référence : MSWEP. Période : Décembre-Janvier-Février 1996-2014. Left: ROC skill score of week-3 forecasts of the upper quintile of weekly precipitation in Météo-France and ECMWF models. Right: Difference of ROC skill score with vs without application of the statistical-dynamical approach (calibration + bridging). Verification period: December-January-February 1996-2013. Verification reference: MSWEP. |
4. Vers une démarche d’utilisation des prévisions infra-saisonnières en temps réel
Le cadre d’évaluation des prévisions développé jusqu’à présent repose sur un score qui ne fait sens que sur un échantillon conséquent de prévisions. Il donne une vision d’ensemble de la qualité d’un système de prévision et permet des comparaisons entre systèmes ou avec des techniques d’amélioration a posteriori. En revanche, il ne permet pas de dire si la prévision en temps réel produite un jour donné est suffisamment bonne ou non. La fin de mes travaux de thèse propose d’aborder cet angle complémentaire à travers des études de cas. Pour cela, j’adopte un focus temporellement plus spécifique et spatialement plus local avec la prévision d’événements de fortes pluies répertoriés par Météo-France et survenus en Nouvelle-Calédonie. L’objectif est d’analyser comment se sont comportés les systèmes de prévision infra-saisonnière dans ces différents cas. Par souci d’harmonisation avec ce qui précède, ces événements ont été rapportés sur une fenêtre hebdomadaire et l’on considère leur prévision environ 3 semaines à l’avance.
La Figure 5 illustre ainsi deux cas d’événements et leur prévision par le système S2S de Météo-France à trois semaines d’échéance environ, avant et après application de la méthode statistico-dynamique de la Section 3. Il s’agit de deux événements qui surviennent durant un contexte ENSO et MJO favorable à leur occurrence (La Niña et enveloppe convective MJO sur le Continent Maritime). On peut de surcroît vérifier dans chaque cas que ce contexte est bien prévu par le modèle à échéance semaine 3. Pourtant, les précipitations du 6 au 12 février 2001 sont raisonnablement bien anticipées par la prévision brute du modèle tandis que celles du 11 au 15 mars 2012 sont complètement manquées. La plus-value de l’approche statistico-dynamique est donc minime dans le premier cas pour une prévision déjà bonne, mais cruciale pour améliorer la prévision du second cas.
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Figure 5 Cas d’études de prévisions de semaines de fortes précipitations sur la Nouvelle-Calédonie (encadré noir) du 6 au 12 février 2021 (colonne de gauche) et du 10 au 16 mars 2012 (colonne de droite). Première ligne : observations MSWEP sur la semaine cible. Deuxième et troisième lignes : probabilités d’occurrence du quintile supérieur prévues par le système S2S de Météo-France trois semaines avant, sans et avec application de la méthode statistico-dynamique. Case studies of S2S forecasts for the weeks 6-12 February 2001 (left column) and 10-16 March 2012, related to observed events of heavy precipitation over New Caledonia (black box). 1st row: MSWEP observations during target week. 2nd and 3rd rows: Probability that precipitation on the target week exceeds the upper quintile, as forecast by the Météo-France S2S system three weeks before, without vs with the statistical-dynamical approach. |
Ces études de cas soulignent l’intermittence des performances de la prévision infra-saisonnière, dont il faut tenir compte en vue d’applications opérationnelles. Dans la lignée de mes travaux décrits dans les Sections 1, 2 et 3, elles me mènent à proposer une démarche empirique d’utilisation en temps réel de ces prévisions pour les fortes précipitations dans le Pacifique Sud-Ouest tropical.
Cette démarche se déroule comme suit :
- 1)
Identification des périodes de fortes pluies dans les premières échéances infra-saisonnières (à partir de semaine 3) dans plusieurs systèmes de prévision;
- 2)
Pour chaque période identifiée, comparaison entre les prévisions des différents systèmes;
- 3)
Pour chaque système, comparaison entre les prévisions sans et avec approche statistico-dynamique;
- 4)
Prise en compte des critères permettant de repérer les « fenêtres d’opportunité » (Merryfield et al., 2020) durant lesquelles les chances d’avoir une bonne prévision sont accrues. Ces critères sont les conditions ENSO et MJO à l’initialisation ainsi que l’état de la MJO prévu pendant l’événement.
Conclusion
Ma thèse a évalué la capacité des systèmes de prévision numérique infra-saisonnière à prévoir les fortes précipitations dans le Pacifique Sud-Ouest tropical, puis elle a proposé deux démarches visant à les améliorer a posteriori. L’approche multi-modèle combine ensemble des informations de même nature issues de plusieurs modèles, à savoir les valeurs de précipitations que l’on cherche in fine à prévoir. L’approche statistico-dynamique combine quant à elle plusieurs informations de nature différente en provenance d’un même système de prévision : les précipitations que l’on veut prévoir pour la partie calibration, mais aussi des prédicteurs de grande échelle pour ce qui est du bridging. Les indéniables bénéfices que ces deux approches procurent, du point de vue d’une évaluation systématique sur un jeu de re-prévisions, sont cependant à mettre en perspective avec les performances contrastées réalisées par les prévisions infra-saisonnières lorsqu’il s’agit de prévoir des événements particuliers en temps réel. Pour pallier cette intermittence des performances, un enjeu majeur est de trouver des solutions pour identifier en temps réel les prévisions susceptibles de fournir une information pertinente. Ce travail autour des « fenêtres d’opportunité » (Merryfield et al., 2020), souvent résumé par l’expression « forecasting the forecast skill » (Kalnay et Dalcher, 1987), occupe une place importante dans les recherches que je continue à mener à la suite de cette thèse.
Références
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Citation de l’article : Specq D., 2022. Prévisibilité des fortes précipitations aux échéances infra-saisonnières sur le Pacifique Sud-Ouest tropical. Climatologie, 19, 2.
Liste des figures
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Figure 1 Gauche : ROC skill score de la prévision du quintile supérieur des précipitations hebdomadaires par 6 systèmes S2S, à l’échelle du domaine Pacifique Sud-Ouest tropical. Droite : ROC skill score en chaque point de grille pour les prévisions Météo-France et ECMWF. Référence MSWEP, période d’évaluation Décembre-Janvier-Février 1996-2013. Left: ROC skill score of the upper quintile of weekly precipitation in six S2S forecast systems over the full southwest tropical Pacific domain. Right: ROC skill score at grid point level for the Météo-France and ECMWF forecasts. Verification period: December-January-February 1996-2013. Verification reference: MSWEP. |
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Figure 2 Comparaison du ROC skill score de la prévision du quintile supérieur des précipitations hebdomadaires sur tout le domaine Pacifique Sud-Ouest tropical entre différentes approches de combinaison multi-modèle des six systèmes indiqués en Figure 1. Référence : MSWEP. Période : Décembre-Janvier-Février 1996-2013. Comparison of the ROC skill scores, using different multimodel combination methods to forecasts of the upper quintile of weekly precipitation over the southwest tropical Pacific. The multimodels are built from the 6 models appearing in Figure 1. Verification period: December-January-February 1996-2013. Verification reference: MSWEP. |
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Figure 3 Schéma représentant le principe de la prévision statistico-dynamique. Basic principles of the statistical-dynamical forecasting approach. |
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Figure 4 Gauche : ROC skill score des prévisions S2S du quintile supérieur des précipitations en semaine 3 pour Météo-France et ECMWF. Droite : Différence de ROC skill score entre avant et après application de l’approche statistico-dynamique (calibration + bridging). Référence : MSWEP. Période : Décembre-Janvier-Février 1996-2014. Left: ROC skill score of week-3 forecasts of the upper quintile of weekly precipitation in Météo-France and ECMWF models. Right: Difference of ROC skill score with vs without application of the statistical-dynamical approach (calibration + bridging). Verification period: December-January-February 1996-2013. Verification reference: MSWEP. |
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Figure 5 Cas d’études de prévisions de semaines de fortes précipitations sur la Nouvelle-Calédonie (encadré noir) du 6 au 12 février 2021 (colonne de gauche) et du 10 au 16 mars 2012 (colonne de droite). Première ligne : observations MSWEP sur la semaine cible. Deuxième et troisième lignes : probabilités d’occurrence du quintile supérieur prévues par le système S2S de Météo-France trois semaines avant, sans et avec application de la méthode statistico-dynamique. Case studies of S2S forecasts for the weeks 6-12 February 2001 (left column) and 10-16 March 2012, related to observed events of heavy precipitation over New Caledonia (black box). 1st row: MSWEP observations during target week. 2nd and 3rd rows: Probability that precipitation on the target week exceeds the upper quintile, as forecast by the Météo-France S2S system three weeks before, without vs with the statistical-dynamical approach. |
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