Open Access
Issue
Climatologie
Volume 19, 2022
Article Number 1
Number of page(s) 6
DOI https://doi.org/10.1051/climat/202219001
Published online 31 January 2023

Introduction

Les précipitations peuvent se distinguer en deux types : les précipitations stratiformes résultant des nuages stables de la famille des stratus et les précipitations convectives résultant des nuages instables de la famille des cumulus (Houze, 2014). Généralement, les précipitations stratiformes se produisent de manière homogène sur un vaste territoire, elles sont composées de gouttelettes de petites tailles et l’intensité des précipitations stratiformes arrivant au sol est faible (rarement supérieures à 10 mm/h) (Hong et al., 1999). Quant aux précipitations convectives, elles possèdent une couverture spatiale très limitée et elles sont issues de nuages aux seins desquels les vitesses verticales sont importantes (entre 3 et 10 m/s ou plus). Ces vitesses verticales importantes maintiennent plus longtemps les particules d’eau (liquides ou solides) en suspension leur permettant de grossir davantage que dans un nuage stratiforme. Il en résulte que les précipitations qui arrivent au sol possèdent une taille supérieure à celles issues d’un nuage stratiforme (soit de 1 mm à plusieurs centimètres pour la grêle). De plus, les précipitations issues de nuages cumuliformes ont une intensité généralement élevée (Houze, 2014).

Dans les modèles de circulation générale (GCM pour ‘General Circulation Model’) ou dans les modèles climatiques régionaux (RCM pour ‘Regional Climate Model’), la représentation de la convection est un véritable défi étant donné que les dimensions spatiales des systèmes convectifs sont inférieures à la résolution spatiale des modèles. Pour cette raison, contrairement aux précipitations stratiformes qui sont explicitement représentées par les modèles, les précipitations convectives doivent être paramétrisées, excepté dans les RCM à résolution très fine (résolution spatiale de l’ordre du kilomètre) qui permettent de résoudre explicitement la plupart des processus convectifs. Cependant, comme ces modèles à résolution très fine consomment énormément de ressources informatiques, ils ne sont pas adaptés pour simuler le climat sur plusieurs dizaines d’années (Kendon et al., 2017). La paramétrisation des précipitations convectives se réalise grâce à des schémas convectifs. Le rôle de ces schémas convectifs est de paramétriser les effets produits par un ensemble de nuages convectifs à l’intérieur d’une colonne verticale du modèle (Bechtold, 2009). La performance des schémas convectifs est fortement dépendante des biais internes du modèle, tout comme de la résolution spatiale qu’ils utilisent. Réaliser des simulations cohérentes, qui reproduisent le plus exactement possible les quantités de précipitations convectives et leurs répartitions spatiales observées, demeure un énorme défi pour les modèles, aussi bien pour les GCM que pour les RCM. D’ailleurs, il existe de nombreux schémas convectifs différents, chacun ayant sa spécificité, mais aucun n’est plus performant qu’un autre. Comme ont conclu Ishak et al. (2012), les résultats des schémas convectifs dépendent de la région sur laquelle ils sont appliqués, de la saison et de la configuration du modèle lui-même.

Le premier objectif de cette thèse est donc d’évaluer la sensibilité des précipitations simulées par le modèle MAR face à des changements de schémas convectifs en Belgique. Une question découle directement du premier objectif : les répartitions et les quantités de précipitations en Belgique seront-elles affectées dans un climat plus chaud ? En effet, avec le réchauffement de la troposphère résultant du réchauffement global, la quantité de vapeur d’eau devrait augmenter entraînant des changements dans la quantité et la qualité des nuages ainsi que dans les quantités de précipitations (Trenberth, 2011). Ainsi, le deuxième objectif de cette thèse est l’évaluation de la sensibilité des précipitations simulées par le modèle MAR face à des changements de schémas convectifs dans un climat plus chaud en Belgique.

Enfin, comme un même schéma convectif donne des résultats très différents en fonction de la région géographique sur laquelle il est appliqué, afin de caractériser cette sensibilité géographique des schémas convectifs, la troisième étape de cette thèse consiste toujours à utiliser le modèle MAR avec les mêmes cinq schémas convectifs, mais cette fois-ci, sur un domaine centré sur le Lac Victoria (Afrique équatoriale de l’Est) pour évaluer la sensibilité des précipitations simulées.

1. Méthodologie

Pour la Belgique, les données d’observation sont les données provenant du réseau SYNOP et les données maillées provenant de la base de données E-OBS pour European daily high-resolution gridded OBServations database (Haylock et al., 2008). Pour le Lac Victoria, les données pluviométriques du Climate Prediction Center (CPC; Chen et al., 2008) et du Climatic Research Unit (CRU; Harris et al., 2014) sont utilisées.

Le modèle régional MAR (pour Modèle Atmosphérique Régional) est un modèle tridimensionnel atmosphérique couplé à un schéma unidimensionnel de transfert entre la surface, la végétation et l’atmosphère (SISVAT pour Soil Ice Snow Vegetation Atmosphere Transfer; De Ridder & Gallée, 1998). Dans le cadre de cette thèse, la version 3.9. du MAR est utilisée à la résolution spatiale de 10 km pour le domaine belge et de 15 km pour le domaine africain. À ces résolutions spatiales, les processus convectifs ne sont pas explicitement résolus par le modèle et l’utilisation d’un schéma convectif pour les représenter est indispensable.

En plus du schéma convectif standard déjà présent dans le modèle MAR, les schémas convectifs utilisés sont ceux de Bechtold (Bechtold et al., 2001), de Betts-Miller-Janjic (Janjić, 1994), de Kain-Fritsch (Kain, 2004) ainsi que la version modifiée de Tiedtke (Zhang et al., 2011). Le modèle MAR est forcé sur la période présente par les réanalyses « ERA-Interim » (Hersbach et al., 2018) aussi bien sur la Belgique que sur la région du Lac Victoria. Pour simuler le climat futur, le modèle MAR est forcé par les modèles de circulation générale « MIROC5 » et « NorESM 1 M » sur la période future en utilisant le scénario RCP8.5.

2. Résultats

Le premier objectif de cette thèse montre que l’évaluation de la sensibilité des précipitations face aux changements de schémas convectifs sur la Belgique indique qu’aucun schéma n’est plus performant qu’un autre par rapport aux observations (Figure 1). De plus, toutes les simulations suggèrent des tendances similaires, à savoir une augmentation des précipitations dans les régions proches de la Mer du Nord, ainsi qu’une diminution des précipitations en Ardenne sur la période 1987-2017.

thumbnail Figure 1

Tendance des précipitations moyennes annuelles sur la période 1987-2017 simulées par les différentes versions du MAR et fournies par les données E-OBS en mm/31 années. Trends in annual precipitation simulated by MAR for each experiment and provided by E-OBS over 1987–2017 in mm/decade. Crosshatched pixels indicate statistically non-significant trends.

En revanche, le deuxième objectif de cette thèse montre que l’évaluation de la sensibilité des précipitations face aux changements de schémas convectifs sur la Belgique dans un climat futur plus chaud révèle des différences notables entre les schémas (Figure 2). Cependant, les changements simulés pour le futur ne sont pas significatifs étant donné qu’ils sont inférieurs aux biais, ainsi qu’à la variabilité interannuelle, sur le climat présent.

thumbnail Figure 2

(1ère ligne) ERA-Interim : Précipitations moyennes annuelles (en mm/an) sur la période 1987-2017 simulées par le modèle MAR forcé par les réanalyses ERA-Interim avec les 5 schémas convectifs différents. (2ème et 3ème lignes) PRESENT : Anomalies (en mm/an) entre les précipitations moyennes annuelles sur 1987-2017 simulées par MAR respectivement forcé par les GCMs MIROC5 et NorESM1-M et par MAR forcées par les réanalyses ERA-Interim avec les 5 schémas convectifs. (4ème et 5ème lignes) FUTURE : Changements futurs (en mm/an) entre les précipitations moyennes annuelles simulées par MAR forcées par MIROC5 et NorESM1-M sur la période 2070-2100 et par MAR forcée par ces mêmes GCMs mais sur la période 1987-2017 avec les 5 schémas convectifs. Les pixels hachurés indiquent que les anomalies sont statistiquement significatives vis-à vis de la variabilité interannuelle des simulations de référence. MAR-STD représente les simulations MAR utilisant le schéma convectif standard. MAR-MES représente les simulations MAR utilisant la version optimisée du schéma convectif standard. MAR-BMJ utilise le schéma convectif de Betts-Miller-Janjic, MAR-KFS utilise le schéma convectif de Kain-Fritsch et enfin MAR-NTK utilise le schéma convectif modifié de Tiedtke.

(Top) ERA-Interim: Mean annual precipitation (in mm/year) over 1987–2017 simulated by Modèle Atmosphérique Régional (MAR) forced by ERA-Interim for the five convective schemes. (Middle) PRESENT: Anomalies (in mm/year) between the mean annual precipitation over 1987–2017 simulated by MAR forced by MIROC5 and NorESM1-M compared to MAR-ERA for the five convective schemes. (Bottom) FUTURE: Future changes (in mm/year) between the mean annual precipitation over 2070–2100 simulated by MAR forced by MIROC5 and by NorESM1-M compared to MAR forced by MIROC5 and by NorESM1-M over 1987–2017 for the five convective schemes. Cross-hatched pixels indicate that anomalies are statistically insignificant with respect to the interannual variability of the reference field. MAR-STD represents the results of MAR using the standard version of the convective scheme (based on the former version of the MESO-NH model); MAR-MES uses a new version of the convective scheme from the MESO-NH model; MAR-BMJ uses the Betts–Miller–Janjić convective scheme; MAR-KFS uses the Kain–Fritsch convective scheme while MAR-NTK uses the modified Tiedtke convective scheme.

Enfin, le troisième objectif de cette thèse montre que, malgré les difficultés de comparer les précipitations simulées et leur sensibilité au schéma convectif utilisé avec les précipitations observées dans la région du Lac Victoria, les variabilités saisonnières et journalières sont assez bien représentées par toutes les simulations MAR dans cette région (Figure 3). Finalement, peu de changements sont détectés dans la région du Lac Victoria sur le climat présent (1987-2017), aussi bien dans les simulations MAR que dans les observations.

thumbnail Figure 3

Moyennes des cumuls mensuels de précipitations (en mm/mois) simulées par MAR avec chaque schéma convectif (lignes continues en couleurs) et fournies par les données CPC (lignes noires continues) et CRU (lignes noires discontinues) sur la période 1987-2017 pour quatre villes situées sur les rives du Lac Victoria (Afrique équatoriale de l’Est) et pointées sur la carte avec les flèches noires. La simulation MAR-BMJ (ligne pointillée bleue) a été normalisée afin que la moyenne annuelle des précipitations corresponde à la moyenne annuelle des précipitations dans les données CPC. Attention : l’axe des ordonnées pour la ville de Bukoba est différent des autres villes.

Mean monthly rainfall (in mm/month) simulated by MAR with each convective scheme (solid colored lines) and provided by CPC (solid black lines) and CRU (dashed black lines) data over the period 1987-2017 for four cities located on the shores of Lake Victoria (Eastern Equatorial Africa) and pointed on the map with the black arrows. The MAR-BMJ simulation (blue dashed line) has been normalized so that the annual mean rainfall matches the annual mean rainfall in the CPC data. Note: the y-axis for Bukoba City is different from the other cities.

Conclusions et perspectives

Sur la période 1987-2017, l’ensemble des simulations MAR sont en accord avec les observations, aussi bien concernant la répartition spatiale que les tendances des précipitations moyennes annuelles, extrêmes et convectives sur la Belgique; à savoir qu’elles suggèrent une augmentation des précipitations moyennes annuelles sur la Mer du Nord et dans les régions côtières et une diminution des précipitations extrêmes sur l’Ardenne.

L’évaluation des simulations MAR forcées par les deux GCMs (MIROC5 et NorESM1-M) sur la période récente 1987-2017 indique une surestimation des moyennes annuelles et estivales des précipitations totales et des précipitations extrêmes par rapport à MAR forcé par les réanalyses ERA-Interim. Sous un climat futur plus chaud, les simulations MAR forcées par les deux GCMs suggèrent une augmentation des précipitations (moyennes annuelles et extrêmes), mais la valeur de ce changement simulé est plus faible que l’anomalie des simulations MAR sur la période récente traduisant ainsi l’incertitude énorme des changements de précipitations dans le futur.

Malgré cette incertitude des observations, au regard de la littérature et des résultats obtenus par MAR, il y a peu, voire pas du tout, d’évolution significative des précipitations sur la région du Lac Victoria durant la période 1987-2017. En revanche, les variations saisonnières et journalières de toutes les simulations MAR sont en accord respectivement avec celles des deux bases de données d’observations maillées et celles présentes dans d’autres recherches parues dans la littérature.

Malgré l’ajout de quatre nouveaux schémas convectifs dans le modèle MAR, la convection ainsi que ses précipitations associées ne sont pas significativement améliorées. Des recherches ultérieures devront être menées pour tenter de diminuer les biais des précipitations estivales en Belgique, notamment par l’amélioration des propriétés de rétention d’eau dans le sol du modèle MAR, par l’ajout d’un schéma permettant de représenter les courants thermiques de la couche limite, ou encore par la paramétrisation des courants de densité ou le couplage à la température de surface des lacs.

Références

Citation de l’article : Doutreloup S., 2022. Évolution actuelle et future des précipitations convectives sur la Belgique et la région du Lac Victoria (Afrique équatoriale de l’Est) à l’aide du modèle climatique régional MAR. Climatologie, 19, 1.


© S Doutreloup, hosted by EDP Sciences 2022

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Liste des figures

thumbnail Figure 1

Tendance des précipitations moyennes annuelles sur la période 1987-2017 simulées par les différentes versions du MAR et fournies par les données E-OBS en mm/31 années. Trends in annual precipitation simulated by MAR for each experiment and provided by E-OBS over 1987–2017 in mm/decade. Crosshatched pixels indicate statistically non-significant trends.

Dans le texte
thumbnail Figure 2

(1ère ligne) ERA-Interim : Précipitations moyennes annuelles (en mm/an) sur la période 1987-2017 simulées par le modèle MAR forcé par les réanalyses ERA-Interim avec les 5 schémas convectifs différents. (2ème et 3ème lignes) PRESENT : Anomalies (en mm/an) entre les précipitations moyennes annuelles sur 1987-2017 simulées par MAR respectivement forcé par les GCMs MIROC5 et NorESM1-M et par MAR forcées par les réanalyses ERA-Interim avec les 5 schémas convectifs. (4ème et 5ème lignes) FUTURE : Changements futurs (en mm/an) entre les précipitations moyennes annuelles simulées par MAR forcées par MIROC5 et NorESM1-M sur la période 2070-2100 et par MAR forcée par ces mêmes GCMs mais sur la période 1987-2017 avec les 5 schémas convectifs. Les pixels hachurés indiquent que les anomalies sont statistiquement significatives vis-à vis de la variabilité interannuelle des simulations de référence. MAR-STD représente les simulations MAR utilisant le schéma convectif standard. MAR-MES représente les simulations MAR utilisant la version optimisée du schéma convectif standard. MAR-BMJ utilise le schéma convectif de Betts-Miller-Janjic, MAR-KFS utilise le schéma convectif de Kain-Fritsch et enfin MAR-NTK utilise le schéma convectif modifié de Tiedtke.

(Top) ERA-Interim: Mean annual precipitation (in mm/year) over 1987–2017 simulated by Modèle Atmosphérique Régional (MAR) forced by ERA-Interim for the five convective schemes. (Middle) PRESENT: Anomalies (in mm/year) between the mean annual precipitation over 1987–2017 simulated by MAR forced by MIROC5 and NorESM1-M compared to MAR-ERA for the five convective schemes. (Bottom) FUTURE: Future changes (in mm/year) between the mean annual precipitation over 2070–2100 simulated by MAR forced by MIROC5 and by NorESM1-M compared to MAR forced by MIROC5 and by NorESM1-M over 1987–2017 for the five convective schemes. Cross-hatched pixels indicate that anomalies are statistically insignificant with respect to the interannual variability of the reference field. MAR-STD represents the results of MAR using the standard version of the convective scheme (based on the former version of the MESO-NH model); MAR-MES uses a new version of the convective scheme from the MESO-NH model; MAR-BMJ uses the Betts–Miller–Janjić convective scheme; MAR-KFS uses the Kain–Fritsch convective scheme while MAR-NTK uses the modified Tiedtke convective scheme.

Dans le texte
thumbnail Figure 3

Moyennes des cumuls mensuels de précipitations (en mm/mois) simulées par MAR avec chaque schéma convectif (lignes continues en couleurs) et fournies par les données CPC (lignes noires continues) et CRU (lignes noires discontinues) sur la période 1987-2017 pour quatre villes situées sur les rives du Lac Victoria (Afrique équatoriale de l’Est) et pointées sur la carte avec les flèches noires. La simulation MAR-BMJ (ligne pointillée bleue) a été normalisée afin que la moyenne annuelle des précipitations corresponde à la moyenne annuelle des précipitations dans les données CPC. Attention : l’axe des ordonnées pour la ville de Bukoba est différent des autres villes.

Mean monthly rainfall (in mm/month) simulated by MAR with each convective scheme (solid colored lines) and provided by CPC (solid black lines) and CRU (dashed black lines) data over the period 1987-2017 for four cities located on the shores of Lake Victoria (Eastern Equatorial Africa) and pointed on the map with the black arrows. The MAR-BMJ simulation (blue dashed line) has been normalized so that the annual mean rainfall matches the annual mean rainfall in the CPC data. Note: the y-axis for Bukoba City is different from the other cities.

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