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Climatologie
Volume 4, 2007
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Page(s) | 167 - 190 | |
DOI | https://doi.org/10.4267/climatologie.830 | |
Published online | 09 October 2015 |
Climat local, changements climatiques et impact économique : trente six ans d’observations météorologiques à Aire-sur-l’Adour
Climate, climate change and economic impact : Thirty six years observations weather at Aire-sur-l’Adour
Docteur en géographie
La région d’Aire-sur-l’Adour dite aussi région aturine (« atura » est le nom antique d’Aire-sur-l’Adour) est une région rurale située au cœur de la Gascogne, dans le Sud-Ouest de la France, à 100 km de l’Atlantique et des Pyrénées. C’est une région de collines, bas plateaux et vallées alluviales aux sols limoneux, souvent hydromorphes. Le climat océanique méridional (même latitude que la Côte d’Azur), doux en hiver, chaud en été, pluvieux en toute saison, est un des attraits essentiels d’une région réputée pour sa douceur de vivre. Mais les moyennes masquent les situations extrêmes et la grande variabilité des types de temps (sécheresse, pluies excessives, orages violents, canicules, coups de froid). L’installation du centre de lâcher de ballons stratosphériques du CNES à Aire-sur-l’Adour et l’existence d’une importante Cité Scolaire (Collège, Lycée et étudiants « Techniciens supérieurs») est à l’origine de l’étude de la climatologie dans cette petite agglomération rurale. Le climat local « aturin » est maintenant bien connu grâce à trente six années de relevés et d’observations par les quatre postes climatologiques à Aire/Adour. À partir des archives de stations climatiques et des observations quotidiennes du temps, nous avons calculé des normales (moyennes sur trente ans), décrit un climat « moyen », analysé les phénomènes remarquables éloignés de la norme et qui font souvent la « une » des médias. Il est possible de voir si le climat change et de quelle manière il se transforme. Climat et sol de la région conviennent bien au maïs (grain et semence) devenu une « quasi monoculture » à laquelle s’ajoutent l’élevage bovin et des palmipèdes, ainsi que des vignobles réputés (Saint-Mont, Madiran, Tursan et Armagnac). La période fraîche et pluvieuse des années 1970 a laissé place à un climat plus chaud et plus sec depuis 1982; or, le maïs (grain ou semence) consomme beaucoup d’eau, ce qui pose le problème de la gestion de l’eau dans une région rurale dominée par la maïsiculture irriguée intensive.
Abstract
The rural « aturine » area (Atura was the ancient name of Aire-sur-l’Adour) is located in Gascogne, in the South-west of France, at about 100km from Atlantic Ocean and Pyrenees. The southern and eastern parts of this area is a zone of rolling hills, low plateaus not exceeding 200m in altitude cut by the Adour valley and its tributaries. These areas are made up of soils of fine texture, mostly loams where the dominant crop is maize mixed with pastures and locally vineyards. This domain consists of small regions called “Armagnac”, Tursan, Chalosse and Madiran. In the middle of the area, the wide Adour valley (and tributaries) has loamy soils with mixed vegetations : pastures with hedges and trees, maize and soya. Loamy grounds and southern oceanic climate (same latitude that the Riviera) with hot temperatures and heavy rainfall in summer are appropriate for maize. The agricultural revolution in the years 1960-80 with mechanization, clearing of woods and moors, regrouping of compartmental agrarian, the irrigation in summer, the drainage of the grounds and the introduction of the hybrids drove to a highly productive agriculture. The local agriculture is based on intensive maize culture (grains and seeds), the bovine, geese and ducks breeding and some well-known vineyards (Madiran, Tursan and Armagnac). Thirty six years of meteorological observations and the existence of four stations in Aire/Adour make it possible to draw the features of the local climate and to highlight the actual mutations of climate. The CNES (Centre National des Expériences Spatiales) was specialised in the launching of stratospheric balloons in Aire-sur-l’Adour. The CNES was the origin of Aire-sur-l’Adour. Huge balloons are launched to stratosphere with “scientific experiments” in a gondola as telescope, radiometers, spectrometers for stars observations, variations of ozone layer. Later, three others stations were created which allow a fine study of the topoclimates. But local climate like world climate is changing, temperature is increasing, droughts become more frequent, average precipitation is lowering. Maize monoculture uses a big lot of water, but water deficit in summer (irrigation), shortage of water will become a big problem in future.
Mots clés : Aire-sur-l’Adour / climat local / changement climatique / gestion ressources en eau
Key words: Aire-sur-l’Adour / Local climate / Climate change / water budget
© Association internationale de climatologie 2007
This is an Open Access article distributed under the terms of the Creative Commons Attribution License CC-BY-NC (http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0), which permits unrestricted use, distribution, and reproduction in any medium, except for commercial purposes, provided the original work is properly cited.
Introduction
De part et d’autre de la vallée de l’Adour s’étendent des paysages de collines et de plateaux, constituant le secteur nord-occidental du piémont pyrénéen. Le relief est constitué du plateau du Tursan et de coteaux alignés sud-est-nord-ouest en Madiran, Armagnac et Chalosse (photo 1). La vallée de l’Adour (photo 2), à Aire-sur-l’Adour, est large et nettement dissymétrique (figures 1 et 2). Elle est dominée au sud, de 60 à 70 m, par le versant boisé qui délimite le bas plateau du Tursan, vaste plan incliné du sud au nord, passant de 200 m vers Garlin à 150 m au quartier du Mas à Aire-sur-l’Adour. La vallée s’élève au nord et à l’est par une succession de terrasses alluviales vers les collines du Bas-Armagnac.
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Photo 1 Collines de Chalosse. Chalosse hills. |
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Photo 2 Aire/Adour et l’Adour. Adour river. |
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Photo 3 Gonflage ballon stratosphérique (CNES Aire/Adour). Inflation stratospheric balloon (CNES Aire/Adour). |
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Photo 4 L’Adour en crue (Aire, 18/03/1988). Adour flood (Aire, 18/03/1988). |
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Figure 1 Carte de situation d’Aire-sur-l’Adour, Sud-Ouest de la France. Localisation map of Aire-sur-l’Adour in Southwest of France. |
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Figure 2 Bloc diagramme et postes climatologiques d’Aire-sur-l’Adour. Diagram-block and weather stations of Aire-sur-l’Adour. |
Sur la rive gauche, les petits cours d’eau sont encaissés dans le plateau. Les alluvions qui tapissent la vallée, les collines et le plateau du Tursan sont de nature limoneuse. Ces coteaux dominent des vallées dissymétriques; le versant ouest, à forte pente, est abandonné aux broussailles, le versant est, en pente beaucoup plus douce, porte cultures et vignobles. La culture dominante est le maïs associé au soja, à la production de légumes pour une usine de conserve, aux pâturages et à l’élevage (bovins, oies, canards - foies gras). La région porte aussi des vignobles réputés (Saint-Mont, Madiran, Tursan et Armagnac).
Avant 1985, aucune étude du climat aturin n’avait été réalisée; depuis lors, des travaux de recherche ont été effectués par l’auteur (DEA, thèse, articles, colloques) et concernent l’étude du climat local et la traduction au niveau local des situations synoptiques, ainsi que l’influence de la topographie selon les types de temps. Des publications sont aussi consacrées à l’histoire locale du climat, au rapport entre climat et économie locale (maïsiculture et vignoble). L’article présenté analyse le changement climatique et sa traduction locale dans le Sud-Ouest sur une période courte de 36 ans. L’étude s’appuie sur les observations quotidiennes réalisées par l’auteur qui montrent des changements réellement rapides et importants du climat.
Il y a quelques années, les panneaux routiers proclamaient aux entrées de la ville : « Aire-sur-l’Adour, son foie gras, son climat », mettant en symbiose un art de vivre et la douceur du climat. Il est vrai que les normales décrivent un climat « modéré » à la fois doux et pluvieux. Ce n’est pas faux, mais cela masque les situations extrêmes et la grande variabilité des types de temps.
Trente six années d’observation sont-elles une durée suffisante pour mettre en évidence des mutations importantes ? Comment s’exprime à l’échelle fine du climat local le changement climatique global ? Comment réagissent au plan local les élus, responsables, simples citoyens et agriculteurs que l’on sait de plus en plus sensibilisés par les médias aux changements climatiques en cours, en particulier au déficit croissant en précipitations ?
Le développement qui suit est une courte monographie présentant les traits principaux du climat (des climats en fait) local et les aléas climatiques d’un climat moins « modéré » que ne le laissent penser les normales. Il met en valeur les changements climatiques tels qu’ils se manifestent au cœur du Sud-Ouest de la France et souligne l’impact de la diminution des précipitations dans le « royaume de la maïsiculture irriguée intensive».
1. Le climat local « aturin »
1. 1. Quatre postes climatologiques à Aire-sur-l’Adour
L’installation en 1964 d’une antenne du CNES à Aire-sur-l’Adour, spécialisée dans les lâchers de ballons stratosphériques (photo 3) gonflés à l’hydrogène et emportant des « expériences scientifiques » dans la stratosphère est l’origine du premier poste climatologique (« Aire/CNES », altitude 80 m, dans la vallée) à Aire-sur-l’Adour et des études climatologiques locales. Le CNES dispose, à Aire, d’un météorologue et d’un équipement météorologique performant. Car, pour fixer les « fenêtres » de vols, il faut connaître le climat local, faire des prévisions des conditions aérologiques à tous les niveaux (vent très faible au sol, pas de pluie, ni d’orage au moment du « décollage », connaissance des vents stratosphériques). La région a été choisie parce que l’atmosphère y est généralement calme, peu urbanisée et dépourvue de trafic aérien (proximité de la base militaire aérienne de Mont-de-Marsan).
L’auteur et son épouse, professeurs à la Cité Scolaire Gaston Crampe, ont créé deux postes climatologiques : le poste de « Aire/G.Crampe » et le poste de « Aire/Bellevue » équipés de stations automatiques. La Cité Scolaire Gaston Crampe (altitude 150 m), sur le plateau du Tursan, domine de 70 m la vallée. Les données fournies par le poste météo permettent de mieux connaître les particularités du climat du plateau. Un club météo, constitué de professeurs et de lycéens, a mené de nombreuses études (une trentaine de brochures) depuis 1986.
Ce poste, créé en octobre 1985, a été mis hors d’usage en juillet 2003 par une machine de chantier. Reconstruit, il fonctionne à nouveau depuis janvier 2005. Dans la vallée, le poste du CNES a fait des relevés et des observations de septembre 1970 à septembre 1991, puis le poste de «Aire/Bellevue », créé en avril 1981, a pris la succession. La normale 1971/2000 (du poste dénommé dans cet article « Aire-sur-l’Adour », situé dans la vallée à une altitude de 80 m) est la combinaison des données fournies (températures en degrés Celsius et précipitations en mm) par le poste du CNES et celui de Bellevue qui sont implantés dans des sites comparables et distants de quelques centaines de mètres seulement. Lorsqu’il s’agit du poste sur le plateau, c’est « Aire/G.Crampe ». Il y a aussi un quatrième poste dans l’agglomération (« Aire/Mestade »).
1.2. Le climat aturin est une variante du climat océanique aquitain
Le climat du sud de l’Aquitaine a une réputation de grande douceur et de modération grâce à sa position méridionale (comparable à celle de la Côte d’Azur) et à la proximité de l’Océan et des Pyrénées. J.-P. Vigneau (1990) parle de climat « océanisé » plutôt qu’océanique pour le Sud-Ouest. Á 100 km de l’océan, protégée des vents d’ouest qui sont freinés par la grande forêt de pins des landes, la région aturine subit un effet « terrien » (Vigneau, 1990) que l’on peut aussi appeler « continental » : les masses d’air froid et d’air chaud y stagnent, donnant du froid rigoureux ou des périodes de forte chaleur. La latitude méridionale (43°42’ à Aire/Adour/CNES) lui vaut de fréquentes incursions de l’anticyclone des Açores, ce qui assure de longues périodes de sécheresse en toutes saisons (y compris en hiver) et des épisodes de chaleur (figure 3).
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Figure 3 Graphique ombrothermique d’Aire-sur-l’Adour (1971-2000). Ombrothermic graphic of Aire-sur-l’Adour (1971-2000). |
Mais, différence significative avec les régions méditerranéennes situées à la même latitude, l’ensoleillement est modeste. Mont-de-Marsan (normale 1961-90) n’a que 1954 h/an contre 2686 h/an à Montpellier; c’est moins qu’à Bordeaux, car la nébulosité et le volume des précipitations vont croissant au fur et à mesure que l’on se rapproche des Pyrénées. En février-mars, lorsque la circulation atmosphérique s’établit au nord-ouest et au nord, les traînes actives « s’empilent » au pied des Pyrénées, les grains se succèdent sans interruption pendant 2, 3, 4 ou 5 jours. La région reçoit beaucoup de pluie : par exemple 209 mm du 22 au 28 février 1989, 146 mm du 4 au 9 mars ou 87 mm les 27 et 28 février 2001, avec des pluies puis de grosses averses de neige lourde accompagnées d’orages (10 cm d’épaisseur). Au contraire, le vent de sud ou « vent d’Espagne » est un véritable fœhn responsable de températures étonnantes au pays basque mais aussi jusque dans la région aturine pourtant éloignée de la crête des Pyrénées. On relève par exemple à Aire (cité Gaston Crampe), le 16 décembre 1989, une température de 22°C à 20h, 20°C à minuit avec une humidité relative de 50%, le 9 janvier 1992, la température est de 19°C vers une heure du matin et dans la nuit du 24 au 25 novembre 2006, la température est de 19,5°C à 22h45 (humidité relative 48%) et de 20,3°C à 7h15 (humidité relative : 38%). Dans ces trois cas, il s’agit de fœhn cyclonique de sud-ouest sur le versant nord des Pyrénées, à l’avant d’un front froid.
En saison chaude, des systèmes orageux naissent entre les descentes froides à parcours atlantique et l’air chaud venu d’Espagne (Vigneau, 1990), l’efficacité est encore renforcée quand il y a présence d’une « goutte froide » en altitude : orages violents, grêle, coup de vent (galerna) frappent alors la région (exemple du 7 juin 1987 ou du 14 mai 2002).
Malgré la douceur des hivers, le froid, le gel voire la neige ne sont pas inconnus. Le froid est souvent radiatif (nuit claire et calme), mais peut être aussi advectif quand un anticyclone sur l’Europe occidentale génère sur sa face est et sud un flux continental de nord-est. L’air froid stagne alors sur la vaste étendue de plaine du Bassin Aquitain (Le Gall, 1933), donnant des températures très basses.
1.3. Un climat humide et doux
1.3.1. Des précipitations abondantes et fréquentes
Les pluies sont fréquentes (158 jours par an), moins abondantes toutefois que dans le Bas-Adour (Dax : 1233 mm/an) et le piedmont pyrénéen (Pau : 1120 mm/an). Le total annuel de 938,5 mm est une quantité importante, équitablement répartie au cours de l’année, avec 70 à 95 mm tous les mois sauf juillet, moins arrosé (tableau 1).
Précipitations moyennes et annuelles (1971-2000; en mm) à Aire-sur-l’Adour. Average annual and monthly precipitation statistics for Aire-sur-l’Adour (1971-2000; in mm).
Selon les critères fixés (P > 2T) par Gaussen, il n’y a pas, en moyenne, de mois secs (figure 3). Mais, en dehors de quelques orages (78 mm le 30/08/1971, 76 à 125 mm suivant les quartiers le 27/07/2006), ce sont des pluies de type océanique, durables mais peu intenses. La neige est un phénomène marginal : plusieurs hivers n’ont pas la moindre chute, et le plus souvent, la couche fond dans les heures qui suivent la chute. Seules les grandes vagues de froid assurent un enneigement durable (7 à 14 jours).
1.3.2. Une grande modération des températures
L’amplitude thermique hiver-été est modeste, 15°C entre les moyennes de janvier et juillet (tableau 2). Le climat d’Aire/Adour se différencie de celui des régions voisines, plus froid l’hiver et plus chaud l’été que la côte atlantique. Il est moins excessif que le climat de la zone sableuse toute proche qui porte forêt de pins des landes (gelées plus fortes et plus nombreuses, chaleur estivale plus intense, davantage de brouillard) car le sable ayant une texture grossière contient beaucoup d’air, ce qui réduit l’inertie thermique du sol (tableau 3).
Normales thermiques (en °C) d’Aire-sur-l’Adour (1971-2000). Monthly temperature statistics (in °C) for Aire-sur-l’Adour (1971-2000).
Comparaison météorologique entre la zone des sables (Mont de Marsan) et la zone des limons (Aire/Adour). Meteorological comparison between two areas : sandy area (Landes) and loomy area (Adour valley).
Au sud, le piedmont pyrénéen, plus élevé, enregistre moins de brouillard mais reçoit davantage de précipitations. A l’est, la rugosité des collines du Gers et l’éloignement de l’océan donnent un climat plus sec, mais des orages plus violents, l’Autan toulousain l’atteint parfois.
1.3.3. Les quatre saisons
La saison froide (l’hiver au sens large) est plutôt douce, il y a certes 41 gelées par an mais il s’agit de gelées faibles. Les fortes gelées (≤-5°C) sont peu nombreuses (2 ou 3 par hiver et pas tous les hivers). Si on prend l’exemple de l’hiver 2004-2005 (hiver froid avec 72 gelées), 65 gelées sont comprises entre 0°C et -4,9°C, il n’y a que 7 fortes gelées avec comme minimum absolu -9,9°C le 1er mars. Au cœur de l’hiver, il y a souvent des « périodes printanières », la première semaine de février 2004 a ainsi des maxima se situant entre 19°C et 25°C; en février 1990, la moyenne mensuelle atteint 11,6°C et le maximum absolu 26,2°C. Mais, à intervalles irréguliers, de grands froids peuvent survenir (janvier 1985 et 1987, décembre 2001, janvier 2007).
Le printemps est généralement pluvieux (surtout en mai grâce aux orages), des gelées tardives dévastatrices pour les vignobles se produisent en moyenne une année sur deux, fin mars (1977, 1995) et en avril (1991, 1996 et 1997). Les pluies excessives de printemps (228 mm en avril 1989, 220 mm en mai 1980) avec les sols limoneux, asphyxient les semis de maïs (semis à refaire) et entraînent le développement de nombreuses maladies cryptogamiques dans les vignobles.
La chaleur est loin d’être constante en saison chaude (avril-octobre). Généralement, la forte chaleur (quelques jours supérieurs à 30°C) est vite interrompue par un passage orageux. La saison chaude 2004 a connu de fortes chaleurs : 31 jours de forte chaleur ont été relevés entre mai et octobre; fin juillet, la vague de chaleur qui culmine à 39,8°C le 1er août 2004 est suivie d’un violent orage le soir du 1er août. Certains étés sont frais, orageux (grêle) et très pluvieux (pourrissement des récoltes) comme 1971 (les orages de juin et août dévastent les cultures), 1977 (« l’année sans été », le maximum absolu n’étant que de 29,3°C »), 1980, 1992 et 1999. Depuis 1982, les vagues de chaleur estivales se multiplient (2003, 2006) et la période chaude dure plus longtemps d’avril à octobre.
L’automne est souvent en septembre et octobre un prolongement de l’été avec forte chaleur et temps sec favorisant la maturation des récoltes et les vendanges. Mais il existe aussi des automnes pluvieux rendant les récoltes quasi impossibles (1974, 1982, 2000), les machines ne pouvant pénétrer dans les champs.
Il faut aussi prendre en compte la très grande variabilité des types de temps en cours de saison comme d’une année à l’autre (par exemple, le 18 janvier 2007, avec un temps chaud et un maximum de 20,2°C et un minimum la nuit suivante de 14,3°C, record de douceur; le 24 janvier, le vent tourne au NE, avec une vague de froid, une forte chute de neige le 25, et en une semaine, la température a baissé de plus de 32°C !).
1.3.4. Topographie et inversions thermiques nocturnes
Il n’y a pas un climat mais en fait des climats dans la région aturine, car il faut tenir compte de la topographie. Les vallées ont beaucoup plus de brouillard et de gelées que les hauteurs environnantes (Avila, 1999, 2003 et 2004), aux nuits plus douces lorsque le ciel est clair et le vent faible. Dans ce cas, l’inversion thermique est la règle en toute saison « la vieille règle demeure, la nuit les surfaces concaves sont froides et les surfaces convexes sont chaudes» (Geiger, 1966). En effet, le sol perd sa chaleur par rayonnement, le refroidissement par la base stabilise la masse d’air. « La nuit, le champ thermique épouse les configurations du relief et dépend étroitement des formes topographiques donc de la morphométrie » (Carrega, 1994). L’air froid qui se forme sur les hauteurs et les pentes s’écoule par saccades vers les vallées, formant des nappes surmontées par une couche d’air tiède.
Les nuits claires et calmes sont toujours plus froides, la moyenne des minima plus basses, les gelées plus nombreuses et plus intenses, le brouillard plus fréquent et plus tenace dans la vallée que sur les collines et plateaux environnants. C’est à prendre en compte car une nuit sur deux connaît des inversions thermiques (Avila, 1999). Les différences sont sensibles (tableau 4), alors que la différence d’altitude n’est que de 70 m. Les écarts concernant les minima avec ciels clairs sont de 1,8°C (période 1993-97; Avila, 1999), mais l’écart peut atteindre 5 à 7°C, lorsque l’air à une humidité relative très basse (1985 et 1987).
Minima moyens mensuels et nombre de gelées à Aire-sur-l’Adour (Aire/G. Crampe; 1985-2003). Monthly average temperature and frost statistics for Aire-sur-l’Adour (Aire/G. Crampe; 1985-2003).
Il gèle près deux fois plus dans la vallée que sur le plateau, il s’agit de gelées plus fortes dans la vallée qui est souvent noyée dans le brouillard (70 j/an) le matin en hiver, alors que le plateau (35 j /an) émerge dans le soleil (tableau 5).
Ecarts thermiques remarquables entre le plateau et la vallée. Major thermal differences between the plateau and the valley.
Il gèle bien plus longtemps dans la vallée que sur les hauteurs, comme le montrent les relevés de la vague de froid de décembre 2001 (tableau 6). En conséquence, les viticulteurs évitent de planter en fonds de vallée.
Durée du gel en décembre 2001. Unequal duration of frost (December 2001).
2. Types de temps remarquables et situations extrêmes
Parce que c’est un climat tempéré, on pourrait croire qu’il est toujours agréable et favorable. Ce n’est, bien entendu, pas le cas. Les moyennes masquent les excès et on doit tenir compte des situations extrêmes toujours responsables de situations difficiles. Le 28 juin 2005, à 20h30, une tornade se forme à proximité du lotissement Bellevue, avec les vents qui soufflent alternativement de toutes les directions, sur la bordure sud d’une muraille de cumulo-nimbus qui défilent d’ouest en est, précédés d’un arcus, formation du cône de nuages et de la trombe. Puis l’ensemble aborde à l’est les collines du bas-Armagnac, une zone presque inhabitée, et frôle le petit village du Houga (7 km à l’est d’Aire-sur-L’Adour) et y déverse un déluge de pluie et de grêle, avec des rafales de vents violents, avant de se dissiper. Ce sont ces situations qui posent problèmes et qui marquent les mémoires. À Aire/Adour, on se souvient de la tempête de décembre 1976, du froid de janvier 1985, de la canicule de juin et août 2003; on se souviendra aussi de l’orage du 27 juillet 2006 (100 mm de pluie) ainsi que des 30 à 40 cm de neige de la fin janvier 2007.
2.1. La sécheresse est un aléa climatique fréquent
La variabilité des précipitations est très grande (relevés d’Aire-sur-l’Adour). En janvier et février 1993, le total pluviométrique n’est que de 14,1 mm alors qu’en janvier et février 1978, le total atteint 297mm. On relève 2 mm en avril 1982 et 228 mm en avril 1999, 7 mm en juin 2005 et 196 mm en juin 1992, 5 mm en juillet 1986 et 125 mm en juillet 1973, 7 mm en août 1995 et 176 mm en août 1971. En moyenne, tous les mois paraissent bien arrosés et, selon les critères de Gaussen, il n’y a pas de mois secs. La sécheresse estivale est cependant présente une année sur deux et impose l’usage de l’irrigation pour la maïsiculture, grosse consommatrice d’eau. L’hiver connaît aussi plusieurs mois secs.
La faible pluviosité est un phénomène fréquent puisque près d’un mois sur 10 reçoit moins du quart de la normale, et près d’un mois sur trois reçoit moins de 50% de la normale (tableau 7). C’est plus fréquent en hiver (car l’anticyclone donne une situation stable grâce à la mise en place d’une inversion thermique avec brouillard) tandis qu’en été, la forte chaleur conduit les situations anticycloniques à évoluer en marais barométriques orageux, surtout lorsque se produisent des advections froides sur le golfe de Gascogne (Vigneau, 1990). La sécheresse est habituellement d’origine subtropicale (Vigneau, 1990), liée à l’extension vers le nord de l’anticyclone dynamique des Açores, extension plus fréquente depuis les années 1980 en hiver et au printemps. La sécheresse estivale est relativement fréquente (tableau 8).
Nombre de mois déficitaires en précipitation à Aire-sur-l’Adour (1971-2006). Number of months with deficit of precipitations for Aire-sur-l’Adour (1971-2006).
Séquences sans pluie significative à Aire-sur-l’Adour (1971-2006). Longest rainless periods for Aire-sur-l’Adour (1971-2006).
Nombre de mois pluvieux et records mensuels en mm à Aire-sur-l’Adour (1971-2006). Number of rainy months and records for Aire-sur-l’Adour (1971-2006).
plus de 50 mm en 24h (1971 à 2006). More than 50 mm rainfalls in 24h (1971-2006).
Pour l’hiver, deux épisodes durables sont à souligner : les hivers 1988-89 à 1992-93 et les hivers 2001-2002 à 2006-2007 ont connu un déficit pluviométrique important (pas de recharge des nappes et remplissage insuffisant des lacs collinaires, avec une pénurie d’eau en été pour l’irrigation du maïs).
L’Adour a vu son débit s’abaisser à moins d’un m3/s en juillet-août 1990 et ensuite chaque été depuis août 2003 (selon l’Agence de l’eau Adour-Garonne), malgré le déversement d’eau des lacs destinés au soutien du débit d’étiage. La sécheresse est donc devenue un problème important.
2.2. Les pluies prolongées perturbent les travaux agricoles
Les différences sont énormes entre les mois les plus secs (quelques mm) et les mois les plus arrosés (plus de 200 mm/mois). Le total des précipitations de 1971 est le double de celle de 2005. Les périodes pluvieuses peuvent se prolonger durant des semaines. Mais les averses très violentes sont rares à Aire-sur-l’Adour en 36 ans, avec seulement 5 averses supérieures à 50 mm (tableaux 9 et 10).
La pluie est une gêne majeure pour l’agriculture; longtemps, on a cultivé des céréales d’hiver (blé, orge, avoine, seigle), pour lutter contre les excès d’eau dans ces sols hydromorphes. Les champs étaient labourés de façons à avoir une surface constituée d’alignements de creux et de bosses (on parle de champs ‘en ados’ dans la région) pour faciliter l’évacuation de l’eau vers les fossés ceinturant les champs. Malgré cela, les semis pourrissaient en hiver, au printemps et en été, la pluie et le vent provoquaient la verse des céréales; s’il pleuvait trop au moment des moissons, le grain contenait beaucoup d’humidité. On a remplacé les céréales par le maïs, et installé des drains pour évacuer les excès d’eau. Néanmoins, les pluies abondantes gâchent souvent les semis et rendent parfois impossible la récolte, surtout lorsqu’elle est tardive (plus de 200 mm du 2 au 6 novembre 2000, et des parcelles ne sont pas récoltées).
Si la région n’est pas affectée par des pluies diluviennes type cévenol (l’intensité journalière est très loin des pluies orageuses qui frappent les régions méditerranéennes), le fait remarquable est la longue durée des épisodes pluvieux (14 épisodes majeurs en 36 ans, soit 1 tous les 30 mois), souvent accompagnés de crue des rivières et de tempêtes (tableau 11).
Longues et fortes précipitations à Aire-sur-l’Adour (1971-2006). Heavy and long rainfalls for Aire-sur-l’Adour (1971-2006).
Les longues périodes de précipitations sont dues soit à un train de dépressions océaniques (janvier-février 1978), au passage d’un front ondulant dans un flux de sud-ouest qui déverse en 2 ou 3 jours une pluie ininterrompue (12-13 mars 1988; photo 4). Mais, le plus souvent, c’est une succession de traînes actives dans un vigoureux flux de nord-ouest, dont l’instabilité est accrue par l’ascendance créée par la proximité des Pyrénées. Dans ce cas, pendant 2 à 6 jours, des grains parfois orageux, accompagnés de violentes bourrasques, avec arrivée d’air de plus en plus froid, déversent des quantités considérables d’eau sous forme de pluie, de grêle et de neige, comme par exemple l’évènement du 4 au 9 mars 1999 et du 27-28 février 2001, où le phénomène est limité au sud du bassin aquitain.
Depuis 1988, il semble qu’il y ait de plus en plus alternance entre longues périodes sèches et épisodes pluvieux intenses, comme le montre la longue sécheresse qui a duré d’août 1988 à février 1989, se terminant le 22 février par un déluge (209,8 mm en 7 jours). La sécheresse reprend en mars, suivie d’une pluviosité record en avril, puis d’une nouvelle sécheresse et canicule de mai à octobre 1989.
2.3. Les manifestations violentes du climat : orages, grêle et tempêtes
Aire-sur-l’Adour est relativement épargnée, les orages étant plus violents sur les secteurs de collines et plateaux (l’air accroît son instabilité en s’élevant au-dessus de ces reliefs). Une trentaine d’orages par an sont observés, mais Aire/Adour dans la large vallée de l’Adour est souvent épargnée par les manifestations orageuses les plus violentes qui touchent soit la forêt landaise au nord, soit les collines de l’Armagnac, du Madiran et de Chalosse (tableau 12).
Principaux orages et tempêtes (1971-2006). Main thunderstorms and windstorms (1971-2006).
Les violentes tempêtes sont rares, le vent maximum relevé est de 135 km/h au CNES, le 2 décembre 1976. La fameuse tempête de décembre 1999 n’a atteint localement que 104 km/h.
2.4. Le grand froid, plus fréquent qu’on l’imagine
Le climat n’est pas aussi modéré que ne l’indiquent les offices du tourisme : à Aire-sur-l’Adour, le minimum absolu est de -21,7°C le 8 janvier 1985 (tableau 13). La douceur des moyennes hivernales masque des périodes de froid et de neige (Avila et Avila, 1987), certes moins durables et moins fréquentes que dans la moitié nord de la France, mais dans une région qui n’est y pas habituée, ne possède pas de matériel de déneigement, et où la couche de macadam des chaussées est mince.
Froids rigoureux à Aire-sur-l’Adour (1970-71 à 2006-2007). Severe cold waves at Aire-sur-l’Adour (1970-71 to 2006-2007).
Les particuliers ne sont pas équipés pour le froid. D’où de réels problèmes liés à la circulation, au gel des canalisations d’eau, à la destruction des essences fragiles des parcs et forêts. En janvier 1985 et 1987, la neige paralyse la circulation pendant deux semaines, auxquelles il faut ajouter la pose de barrière de dégel pendant une semaine. Le verglas est meurtrier en décembre 2001; la circulation est paralysée par la neige à nouveau en janvier 1997 et fin janvier 2007. L’Adour a connu un début d’embâcle à deux reprises en 36 ans à Aire (janvier 1985 et décembre 2001). Ces périodes de froid rigoureux sont finalement assez fréquentes puisque 13 hivers sur 36, soit environ 1 année sur 3, ont eu au moins un minimum inférieur à -8°C; 9 hivers ont franchi la barre des -9°C, et 5 celle des -10°C (7 si on y incorpore les deux périodes de froid qui ont atteint -9,9°C en 1993 et 2005, le poste de Mestade relevant d’ailleurs -11°C le 1er mars 2005). Enfin, quatre vagues de froid ont été particulièrement intenses (une tous les 9 ans). Le risque du froid doit donc être pris en compte. Le tableau 13 ne recense que les périodes avec températures inférieures à -8°C, il ne prend pas en compte des hivers longs comme celui de 2005-2006 (période du 17 novembre au début mars, avec 65 gelées, plusieurs journées de gel et un minimum absolu de -7,7°C).
2.5. Episodes de froid rigoureux remarquable (relevés d’Aire-sur-l’Adour)
Du 3 au 17 janvier 1985, tous les records précédents (depuis 1880 à Bordeaux) ont été battus à de nombreuses reprises : -21,7°C le 8, -19°C le 9 et -17,1°C le 17 janvier, le nombre de jours sans dégel (10 contre 6 en février 1956 à Mont-de-Marsan), la durée d’enneigement, le gel des lacs et des cours d’eau, la profondeur du sol gelé (22 cm à Aire/Bellevue). On enregistre des dégâts impressionnants aux chaussées (barrières de dégel pendant 8 jours), à la végétation (des millions de pins gelés dans la forêt landaise, des essences délicates détruites comme le mimosas et les pins insigni, les kiwis en pleins champs), aux canalisations d’eau et de chauffage. Phénomène de retour plus que centennal, peut-être faut-il remonter jusqu’à 1709 pour trouver un froid plus rigoureux !
La situation est comparable du 11 au 26 janvier 1987 : verglas et chutes de neige du 12 au 16 puis, après une journée claire le 17, la température atteint -14,7°C le 18 vers 0 heure car l’établissement d’une couche de stratus et brouillard givrant a entraîné ensuite une lente remontée de la température; les prévisions météo annonçaient une gelée de -17 à -20°C en cas de nuit claire. Le froid brumeux givrant persiste encore une semaine.
Du 8 au 27 décembre 2001, le froid est intense; l’air très sec (quasi absence de gelée blanche et de givre sur les voitures durant la première moitié de la vague de froid), les amplitudes diurnes sont parfois considérables (le 19, minimum de -9,2°C, maximum de 11,3°C, soit une amplitude de 20,5°C). La deuxième partie de la vague de froide est plus humide (brouillard givrant, un peu de neige), avec -12,5°C le 25. L’Adour gèle partiellement, phénomène extrêmement rare. Le redoux s’accompagne de pluies verglaçantes les 26 et 27, avec la circulation paralysée et des accidents mortels. Phénomène centennal, décembre 2001 est encore plus froid dans la région que décembre 1879 (Avila, 1987).
Du 24 au 31 janvier 2007, l’enneigement est très important avec de très fortes gelées (deux nuits en dessous de -12°C à Aire, dans la zone très enneigée du Moyen-Adour). Les minima vont de -9,7°C à Gaston Crampe (sur le plateau) à -13,8°C à Riscle et même -14,5°C à Maubourguet dans la vallée de l’Adour, en Amont d’Aire-sur-l’Adour.
Des gelées précoces et tardives surviennent assez souvent en automne et au printemps. En automne, on relève par exemple -3,5°C le 25 octobre 2003, -2,8°C le 29 octobre 1997 et -1,8°C le 22 octobre 1991, -9,9°C le 22 novembre, -10,5°C le 23 novembre 1988, -8,2°C le 21 novembre 1998 (six minima en dessous de -5°C); le maïs non récolté gèle sur pied.
Deux épisodes de froid tardif rigoureux sont gardés en mémoire. La deuxième quinzaine d’avril 1991, après une période de grande douceur du 15 février au 15 avril (la végétation est très en avance par rapport à la période), une puissante descente d’air arctique entraîne de fortes gelées accompagnées de givre. Le poste de Bellevue relève -1,1°C le 17, -2,8°C le 21 (indice actinothermique de -5,0°C à 10 cm au-dessus du sol) et -1,8°C le 22. Les dégâts sont considérables, la vendange de 1991 est compromise, celle de 1992 s’annonce médiocre et des cultures délicates comme les fraisiers et les arbres fruitiers sont fortement touchées. Début avril 1996, il y a également des dégâts considérables (-5,4°C à Mont-de-Marsan, record absolu depuis l’ouverture de la station en 1945). En contre-partie, il y a aussi des périodes de douceur hivernale étonnantes comme en février 1990 avec des maxima de 25,2°C le 24 et de 26,2°C le 25.
2.6. Vagues de chaleur : un été sur deux connaît des épisodes caniculaires
Le tableau 14 présente les principaux étés caniculaires, presque tous situés entre 1982 et 2006.
Les étés les plus chauds à Aire-sur-l’Adour (1971-2006). Hottest summers (1971-2006) for Aire-sur-l’Adour.
Toujours dans les mémoires, la canicule de 2003 (phénomène centennal) est causée par une vaste dorsale d’altitude positionnée sur l’Europe occidentale du 1er au 13 août : les conditions anticycloniques existent à tous les niveaux. La subsidence de l’air réchauffe et assèche l’air (l’humidité relative s’abaisse à 13% le 4 août) qui devient très chaud en basses couches. Il y a donc un dôme d’air chaud qui s’étire de l’Afrique du Nord à l’Europe (les 10 et 11 août, la dorsale s’étend jusqu’en Norvège). Cette vague de chaleur est plus intense (2°C de plus pour la moyenne des maxima) que celle d’août 1947 qui avait sévi pendant la même durée fin juillet-début août 1947 (d’après la comparaison des relevés de Mont-de-Marsan pour 1947 et 2003).
3. Changements climatiques
3.1. Les phases principales
La courbe de tendance des moyennes annuelles à Aire-sur-l’Adour et à Mont-de-Marsan montre la hausse des températures depuis le début des années quatre-vingt (figures 4 et 5). Le graphique de Mont-de-Marsan montre une succession de séquences chaudes et fraîches : 1945-1950 avec des canicules records suivies d’une période plus contrastée de 1951 à 1964, quelques épisodes de froid exceptionnel (février 1956, tout l’hiver 1962-63) et des années chaudes comme 1961, deux étés exceptionnels (1962 et 1964) tant par le niveau de la température mais aussi par quatre mois consécutifs (juin-septembre) très secs.
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Figure 4 Température moyenne annuelle à Mont-de-Marsan (1945-2006). Annual temperature averages for Mont-de-Marsan (1945-2006). |
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Figure 5 Températures moyennes annuelles à Aire-sur-l’Adour (1971-2006). Annual temperatures averages for Aire-sur-l’Adour (1971-2006). |
Ensuite, la période 1965-81 montre des températures plus basses, avec des moyennes records pour juin, juillet et septembre 1972, et peu de différences d’une année à l’autre (temps estival souvent maussade, hivers doux). La séquence suivante ressemble à la période 1945-64 en plus chaud, avec de grands contrastes d’une année à l’autre, comme le montre le niveau des températures en 1982 (hiver très doux et été chaud) et en 1985, avec un froid exceptionnellement intense en janvier et novembre.
Habituellement, l’été en Aquitaine est une succession de vagues de chaleur interrompues par l’arrivée de front orageux entraînant une baisse sensible de la température (Avila et Dartigues, 2006). Mais il y aussi des canicules prolongées, en particulier 1976, 1989, 1990, 2003 et 2006. Très schématiquement, on peut discerner quatre périodes climatiques depuis 1971 (tableau 15). La période 1971-81 avec un flux zonal d’ouest dominant, des pluies abondantes avec des amplitudes thermiques modestes.
Les étapes du changement climatique à Aire-sur-l’Adour (1971-2006). Climate change phases for Aire-sur-l’Adour (1971-2006)
Les années 1981-91 marquent le retour des grandes canicules et l’allongement de la saison « estivale ». À partir de 1988, on enregistre une tendance forte à la baisse des précipitations en saison froide. Les années 1992-2000 forment une pause du réchauffement estival et montrent le début d’un réchauffement hivernal en 1992-93. Enfin, depuis 2001, le réchauffement estival s’accentue et l’allongement de la saison chaude fait quasiment disparaître l’automne et le printemps (la pluviosité diminue fortement).
3.2. Des précipitations moins abondantes
Il y a une nette baisse des précipitations en saison froide, « inaugurée » par la sécheresse remarquable qui dure du 3 août 1988 au 22 février 1989 et qui se poursuit durant cinq hivers consécutifs (figure 6). Une nouvelle séquence sèche est ensuite enregistrée depuis mai 2001, déficit cumulé encore plus important (figure 7). Alors que l’hiver 2006-07 et le printemps 2007 viennent de connaître à nouveau des mois déficitaires (décembre, janvier et avril), la baisse des précipitations entre 1971-81 et 2000-07 est de 32% pour l’hiver, 31% au printemps, 30% en été et 8% en automne (figure 8). Le déficit pluviométrique est particulièrement important en juin, avec six années consécutives (2001-2006) sèches, en mai et août (autrefois très pluvieux avec des orages) et pendant le trimestre hivernal. L’hiver jadis très arrosé, connaît souvent des situations anticycloniques, soit des dorsales de sud avec temps doux et sec, soit des anticyclones continentaux donnant un temps froid et brumeux. L’hiver 2006-2007 et le mois d’avril confirmant la tendance avec un déficit de 25% (de la normale) en décembre, 55% en janvier et 31% en avril (février et mars sont simplement conformes à la normale).
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Figure 6 Déficit cumulé des précipitations à Aire-sur-l’Adour (1988-1993). Total deficit of precipitations for Aire-sur-l’Adour (1988-1993). |
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Figure 7 Déficit cumulé des précipitations à Aire-sur-l’Adour (2001-2007). Total deficit of precipitations Aire-sur-l’Adour (2001-2007). |
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Figure 8 Evolution du régime des précipitations à Aire-sur-l’Adour (1971-2006). Precipitations mode change for Aire-sur-l’Adour (1971-2006). |
En conséquence, les nappes phréatiques ne se rechargent pas en saison froide, et le déficit pluviométrique atteint 1477 mm (par rapport à la normale) du 1er mai 2001 au 30 avril 2007. Quatre phases sont discernables : phase pluvieuse de (1971-82), phase plus sèche (1983-91), phase à nouveau pluvieuse (1992-2000) et la phase actuelle (2001-06) beaucoup moins arrosée (figure 9 et tableau 16).
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Figure 9 Précipitations annuelles Aire-sur-l’Adour (1971-2006). Annual precipitations (1971-2006) for Aire-sur-l’Adour. |
Baisse de la pluviométrie à Aire-sur-l’Adour (1971-2006). Rainfall decrease (1971-2006) for Aire-sur-l’Adour.
3.3. Réchauffement sensible : gain de 1°C en moyenne annuelle en trois décennies
La saison « estivale » empiète de plus en plus sur les saisons intermédiaires (tableau 17). La figure 10 montre bien l’augmentation spectaculaire du nombre de jours de chaleur et de forte chaleur en mai à partir de 1986. Ajoutons que les maxima ont tendance à s’élever, atteignant 34,2°C le 30 mai 2001 et 33,7°C le 17 mai 2006.
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Figure 10 Jours de chaleur (25°C) et de forte chaleur (30°C) en mai à Aire-sur-l’Adour (1971-2006). Days of heat and strong heat in May for Aire-sur-l’Adour (1971-2006). |
Moyennes thermiques mensuelles et annuelles à Aire-sur-l’Adour (1971-2006). Annual monthly temperatures (1971-2006) for Aire-sur-l’Adour.
Mars connaît la même évolution avec des maxima de 28,4°C en 1990, 27,5°C en 2005 et 28,1°C en 2007; des valeurs élevées sont également enregistrées en avril 2005 (avec 31,5°C) et avril 2007 (avec 30°C) qui établit un nouveau record pour la moyenne mensuelle, avec 14,9°C contre 14,1°C avec le précédent record de 1988.
Depuis six ans, le mois de juin est sec et très chaud; juin 2003 a largement battu les records de 1976. En juillet-août, les records de 1983 (juillet : 23,1°C) et de 1991 (août : 23,1°C) ont été balayés en 2003 pour le mois d’août (25,6°C) et en 2006 (24,6°C) pour juillet. La valeur de 40°C a été atteinte ou approchée en 1982 (39,8°C), 1989 (39°C), 2003 (4 maxima entre 39°C et 41,5°C) et 2004 (39,8°C).
L’évolution est identique en automne, avec septembre qui enregistre des maxima absolus depuis plusieurs années, de l’ordre de 34 à 36°C. Le mois d’octobre connaît un net réchauffement depuis 1983, et surtout depuis 1995, avec un maxima absolu de 34-35°C en 2004 (figure 11).
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Figure 11 Jours de chaleur (25°C) et de forte chaleur (30°C) en octobre à Aire-sur-l’Adour (1971-2006). Days of heat and strong heat in May for Aire-sur-l’Adour (1971-2006). |
La température moyenne augmente de plus de 2,5°C depuis la période 1971-81 (figure 12). Depuis 2001, cinq mois d’octobre sur six ont une moyenne très supérieure à la normale (13,9°C), comprise entre 16,2 et 17,6°C (17,6°C en 2006, soit presque la normale du mois de juin !).
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Figure 12 Jours de chaleur (valeurs positives) et de gelées (valeurs négatives) à Aire-sur-l’Adour (1971-2006). Days of heat (up) and days of frost (down) for Aire-sur-l’Adour (1971-2006). |
Le tableau 18 montre le réchauffement en cours (1992-2000). On observe aussi la persistance du froid en hiver. En décembre 2001, 2005, 2006 et fin janvier 2007, la région a fait partie des zones les plus froides de France. Mais dans la région du « maïs-roi », c’est le risque d’une pénurie d’eau qui inquiète.
Le nombre de jours de chaleur, de forte chaleur et de gelée à Aire-sur-l’Adour. Number of heat, strong heat and frost days for Aire-sur-l’Adour.
3.4. La culture irriguée intensive du maïs remise en cause ?
La révolution agricole des années 1960-80, grâce à la mécanisation, au défrichement des bois, taillis et landes, au remembrement du parcellaire agraire, à l’irrigation en été, au drainage des sols et à l’introduction des hybrides, a donné naissance à une agriculture hautement productive et performante, produisant des rendements records (120-130 quintaux de maïs grains à l’hectare en 1997, année excellente). Rendements remarquables qui ne sont possibles que grâce à un formidable développement de l’irrigation depuis les longues sécheresses de 1985 et 1986. Le maïs est très exigeant en eau; au cours de sa croissance, il a besoin d’un apport d’environ 500 mm d’eau. En moyenne, le climat régional fournit 360 mm de mai à septembre (figure 3), dont une partie est composée de faibles averses (moins de 5 mm), inutiles car vites évaporées (figure 13). Lors d’averses orageuses violentes (76,5 mm le 27 juillet à Aire-Bellevue, dont 53 mm en 30 minutes), l’eau ruisselle, lessive les sols en surface (coulée de boue sur les parcelles en pentes), mais pénètrent mal en profondeur.
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Figure 13 Intensité des pluies estivales à Aire-sur-l’Adour (1971-1995); d’après Avila M., 1998. Summer rainfalls intensity for Aire-sur-l’Adour (1971-1995); from Avila M., 1998. |
D’autre part, il faut tenir compte de la texture du sol (les limons fins retiennent mieux l’eau), de la structure du sol (façon dont les particules sont disposées entre elles) et de l’aptitude de ceux-ci à mobiliser les ressources en eau. Si le sol est compacté (violentes averses précédentes, longue sécheresse), l’eau ne pénètre pas. Dans la région, les sols sont à dominante limoneuse, tout en étant très variés dans le détail (Arrouays, 1990). Même les étés pluvieux peuvent comporter des périodes déficitaires en pluie à un moment critique. Le maïs est particulièrement sensible au manque d’eau au cours des 20 jours qui précèdent la floraison mâle (tableau 19). Le manque d’eau entraîne une baisse brutale de la fécondation, d’où une baisse des rendements.
Les phases de croissance du maïs. Maize growth phases.
En 36 ans, 25 saisons chaudes (1er mai-30 septembre) ont un total de précipitations inférieur à la normale (tableau 20), 18 ont subi sécheresse et forte chaleur, et toutes à partir de 1982 (à l’exception de 1976). L’année 1976 est présentée par les médias comme l’année de « la sécheresse ». Dans le sud de l’Aquitaine, la sécheresse ne dure que de la mi-mai à la mi-juillet. Dans la nuit du 15 au 16 juillet 1976, un front froid pluvio-orageux donne en quelques heures 40 à 50 mm de précipitations, inaugurant une longue période très pluvieuse. Pourtant, la sécheresse, accompagnée d’une très forte canicule en juin (16 journées à plus de 30°C) et en première quinzaine de juillet (9 journées entre 30 et 38°C), survient au pire moment pour le maïs (irrigation peu répandue en 1976) qui est, au sens littéral du terme, « calciné sur pied ».
Déficits de précipitations du 1er mai au 30 septembre pour 20 années à Aire-sur-l’Adour. Precipitations deficits from 1 May to 30 September for 20 years at Aire-sur-l’Adour.
Mais même un été nettement excédentaire peut nécessiter l’irrigation des champs, le cas de 1992 étant symptomatique. Il pleut énormément en juin (196 mm, le triple de la normale) et en août (169 mm dont 87 mm les 8 et 9 août avec un violent orage). Mais du 12 juillet au 7 août s’intercale une période chaude et sèche (2 mm, 22 jours de chaleur et 9 jours de forte chaleur) alors que le maïs est dans la phase critique de son développement et qu’un apport d’eau est indispensable. Les deux sécheresses consécutives de 1985 et 1986 (Avila et Dartigues, 2006) accélèrent la mise en place de l’irrigation intensive dans la région. Celle de 1985 est tardive (juillet-novembre) avec un mois de septembre torride et sans précipitations (seule Aire a bénéficié d’un orage avec 17 mm le 25) et celle de 1986 (mai-septembre) est précoce et survient alors que les réserves en eau ne se sont pas reconstituées durant l’hiver. À nouveau, les champs de maïs sont grillés sur pieds.
Désormais, les revues météorologiques comme le Bulletin climatologique des Landes, la revue de Météo-France « Autan » dans le grand Sud-Ouest ou la revue « Adour-Garonne » donnent une large place à l’étude de la sécheresse, de l’évapotranspiration et des réserves du sol en eau (notamment la RFU). Météo-France-Landes, sur son répondeur automatique, a créé un service destiné à l’agriculture pour conseiller les agriculteurs. À partir de l’automne 1988, les hivers deviennent déficitaires en précipitations et les nappes se rechargent mal; les lacs de retenue (publics et privés) ont aussi du mal à se remplir. Trois étés successifs sont marqués par de fortes canicules : mai-septembre 1989, juillet-août 1990 (intensité comparable à juillet-août 1947) et août 1991 (le mois d’été le plus chaud du vingtième siècle). L’Adour est littéralement à sec en juillet-août 1990 avec un débit inférieur à 0,5 m3/s, et des touristes remontent l’Adour à pied de Saint-Sever à Aire, selon le journal Sud-Ouest. La situation est identique pendant l’hiver 1990-91 et l’hiver 1992-93 (pratiquement pas de précipitations du 9 décembre 1992 au 31 mars 1993), les lacs étendus comme le lac du Houga (7 km d’Aire) n’étant plus qu’une surface boueuse en février-mars 1993.
C’est le début de la prise de conscience de la fragilité des ressources en eau. Le bas niveau des cours d’eau est dû à la fois à la faible pluviosité mais aussi aux prélèvements par forages dans les nappes et aux pompages dans les cours d’eau. La forte pluviosité qui marque les années 1992-2000 (notamment l’été et l’automne 1992, les étés 1993, 1996, 1997 et 1999), et les pluies abondantes des hivers 1993-94, 1994-95, 1995-96 et 2000-01 apportent un répit. Mais, à partir de janvier 1997, le déficit hivernal réapparaît.
En onze années (1996-2007), 29 mois (décembre–mars) reçoivent moins de 75% de la normale, et 16 mois reçoivent moins de 50%. Avec 700 mm à Aire-sur-l’Adour en 2005 et 2006, années les plus sèches, le niveau des précipitations reste important et comparable à la normale à Toulouse (747 mm), Angers (727 mm), Paris-Orly (688 mm) et Reims (694 mm). Le déficit en eau est lié au type d’agriculture dominante, grosse consommatrice en eau. Des voix s’élèvent en faveur d’une remise en cause de la maïsiculture intensive, non seulement de la part des défenseurs de l’environnement et d’associations de consommateurs (comme l’indique le communiqué d’UFC-Que choisir du 7 juin 2006, paru dans le quotidien La dépêche du Midi : « C’est une hérésie d’avoir couvert les campagnes de maïs, une plante tropicale gourmande en eau »), mais aussi d’agriculteurs qui tiennent compte de la réalité et modifient leurs méthodes.
3.5. L’agriculture va devoir économiser l’eau et se diversifier
Il est nécessaire de privilégier un mode d’irrigation qui économise l’eau. Grâce à l’irrigation, les rendements peuvent dépasser 120 quintaux à l’hectare, mais un hectare de maïs consomme 1000 à 1500 m3 voire 1800 m3 d’eau.
La couverture intégrale, avec un réseau de tuyaux enterrés sous les cultures et de nombreux arroseurs, est bien adaptée aux petites parcelles. Les rampes mobiles tournantes, appelées pivots, installées sur de grandes parcelles, produisent une aspersion sous faible pression qui ne tasse pas le sol, sensible au vent (une partie de l’eau est perdue quand il y a du vent). Par contre, les canons automoteurs avec enrouleurs ont tendance à tasser les sols et à arroser les routes … surtout lorsqu’on irrigue deux parcelles par dessus une route. Il faut éviter d’irriguer pendant les heures les plus chaudes, des rampes fonctionnant par exemple sous des températures de 38°C à l’ombre le 18 juillet 2006 vers 18h. Mais il faut ajouter que la rampe doit passer au même endroit tous les cinq ou six jours. S’il y a plusieurs jours de vent ou de forte canicule (15 jours consécutifs en juillet 2006), la rotation prend du retard et le maïs souffre de stress hydrique en phase critique.
L’eau vient des lacs collinaires créés par la Compagnie d’Aménagement des Coteaux de Gascogne et par les particuliers, du pompage dans les cours d’eau, ainsi que des forages dans la nappe phréatique (figure 14).
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Figure 14 Bloc diagramme : l’eau pour l’irrigation- Water for irrigation (Avila M., 1998). |
Les agences départementales de l’eau fixent des quotas pour les agriculteurs, avec interdiction d’irriguer pendant les heures les plus chaudes (peu respectée); en cas de sécheresse sévère, des arrêtés préfectoraux limitent, voir interdisent l’irrigation. Pendant l’été 2005, faute d’eau, bon nombre de rampes restent inactives. Globalement, l’irrigation est mieux contrôlée, plus chère et les abus sont en régression. Elle est mieux adaptée depuis la sévère sécheresse qui a régné d’octobre 2004 à août 2005. On s’efforce d’économiser l’eau. Faudra-t-il passer à une étape supérieure, utiliser le goutte à goutte comme le fait déjà un maraîcher d’Aire-sur-l’Adour pour ses légumes de plein champ. Depuis 1998, il stocke dans une lagune imperméabilisée l’eau de pluie qui ruisselle sur ses serres. Il est également maïsiculteur, mais refuse d’irriguer le maïs, considérant que dans les sols limoneux, sous une croûte desséchée, le sol contient encore de l’eau en profondeur. Le maïs non irrigué est obligé de développer ses racines pour atteindre la couche humide. Il obtient en général des rendements satisfaisants et rentables puisqu’il économise les frais d’irrigation. Par ailleurs, la municipalité d’Aire-sur-l’Adour a créé en 2006 une lagune pour arroser ses pelouses (stades, espaces verts). Avec un nouveau lotissement qui sort de terre, la municipalité subventionnent les installations destinées à recueillir l’eau de pluie.
Schématiquement, un hectare de maïs grain est rentable avec une production de 80 quintaux. L’irrigation est donc un investissement lourd dont l’amortissement annuel est estimé par les agriculteurs interrogés à 40 quintaux à l’hectare. Le coût de revient d’un rendement de 120 quintaux de maïs à l’hectare en irriguant équivaut à 80 quintaux de maïs non irrigué. Bien entendu, c’est plus complexe, car s’il y des sols qui gardent bien l’humidité et permettent un bon enracinement et une bonne mobilisation des ressources en eau (comme les sols noirs de touya, lande en gascon, défrichés dans les années soixante; Arrouays, 1990 et 1995), d’autres sols plus sablo-limoneux ne peuvent se passer d’irrigation.
Plusieurs solutions sont en voie d’application. On peut semer des variétés de maïs mieux adaptées à une pluviométrie moindre (mais la sécheresse ne survient pas toujours au même moment). On peut avancer la date des semis (si le temps le permet : en 2007, l’épisode pluvieux de la fin avril et du début mai à rendu les semis précoces impossible) de façon à ce que la floraison ait lieu avant la sécheresse estivale (c’est l’esquive). Mais il est bien difficile « d’esquiver » le mois de juillet. On peut abandonner le « tout maïs ». Pour la seconde année consécutive, en 2007, des agriculteurs sèment quelques hectares de blé à l’automne car les hivers sont plus secs (mais cela va-t-il durer ?) et quelques hectares d’oléagineux (soja) tout en continuant à consacrer l’essentiel de leur terroir au maïs irrigué qui rapporte davantage. Dans les collines non irrigables, on peut estimer à 25% la surface en maïs grains remplacée par de nouvelles cultures et à 5% dans les secteurs irrigués comme sur le plateau du Tursan, le long de la route de Pau (d’après enquêtes menées auprès des maïsiculteurs).
Les élus et les préfets appellent de leurs vœux la création de nouveaux lacs de retenue. Le lac de retenue de Gardères-Eslourenties (20 millions de m3) sur le Gabas, qui avait pris du retard, vient d’être mis en eau (hiver 2006-2007). Il est désormais opérationnel, destiné à fournir de l’eau aux irriguants et à soutenir le débit de l’Adour pendant son étiage, comme celui de Gabaston qui a été mis en eau en 2003-2004.
Conclusion
L’article s’est efforcé de décrire les caractères principaux du climat, le rôle de la topographie locale pour l’analyser à échelle fine. Trente six années d’observation et de relevés suffisent à mettre en évidence de profonds changements : le régime des pluies qui n’est plus tout à fait de type « océanique » à cause de la baisse des précipitations de décembre à mars, mais semble être « plus continental ». Le réchauffement est spectaculaire, les étés caniculaires se succèdent et la forte chaleur tend à commencer dès avril et à se prolonger en septembre et octobre, les saisons intermédiaires tendant à s’effacer. Paradoxalement, après les hivers doux des années fraîches 1965-81, on observe des périodes de froid rigoureux en alternance avec des périodes très douces.
Le principal sujet d’inquiétude concerne la baisse des précipitations et la perspective d’une pénurie d’eau. Une timide évolution se fait jour dans le monde de la maïsiculture intensive, une irrigation mieux contrôlée et moins massive, avec le retour à des cultures ne nécessitant pas l’irrigation. L’opinion se divise entre ceux qui croient en une simple évolution cyclique du climat et ceux qui estiment que le réchauffement est dû principalement aux activités humaines. Les agriculteurs s’intéressent surtout au temps qu’il fait entre avril et octobre, le machinisme sophistiqué permet de profiter au maximum des périodes de temps favorable. Mais ça et là, les premières tensions se font jour entre rurbains (citadins installés à la campagne) et agriculteurs. Les agriculteurs redoutent surtout la pluie excessive particulièrement gênante pour le travail de machines, la trop grande humidité porteuse de maladies cryptogamiques. On peut remédier à la sécheresse. Un agriculteur, interrogé, répond sans détour : « quand il sèche, on arrose et c’est tout ! ». Un autre agriculteur raconte : « j’allais mettre en marche ma rampe d’arrosage quand une dame en voiture s’arrête et m’interpelle : vous gaspillez l’eau de nos petits enfants ! ». Les changements climatiques ne laissent donc pas indifférents ! Le simple citoyen dans sa vie quotidienne, l’agriculteur, le consommateur, l’industriel, le décideur, l’aménageur vont devoir tenir compte des mutations du climat.
Références
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Liste des tableaux
Précipitations moyennes et annuelles (1971-2000; en mm) à Aire-sur-l’Adour. Average annual and monthly precipitation statistics for Aire-sur-l’Adour (1971-2000; in mm).
Normales thermiques (en °C) d’Aire-sur-l’Adour (1971-2000). Monthly temperature statistics (in °C) for Aire-sur-l’Adour (1971-2000).
Comparaison météorologique entre la zone des sables (Mont de Marsan) et la zone des limons (Aire/Adour). Meteorological comparison between two areas : sandy area (Landes) and loomy area (Adour valley).
Minima moyens mensuels et nombre de gelées à Aire-sur-l’Adour (Aire/G. Crampe; 1985-2003). Monthly average temperature and frost statistics for Aire-sur-l’Adour (Aire/G. Crampe; 1985-2003).
Ecarts thermiques remarquables entre le plateau et la vallée. Major thermal differences between the plateau and the valley.
Nombre de mois déficitaires en précipitation à Aire-sur-l’Adour (1971-2006). Number of months with deficit of precipitations for Aire-sur-l’Adour (1971-2006).
Séquences sans pluie significative à Aire-sur-l’Adour (1971-2006). Longest rainless periods for Aire-sur-l’Adour (1971-2006).
Nombre de mois pluvieux et records mensuels en mm à Aire-sur-l’Adour (1971-2006). Number of rainy months and records for Aire-sur-l’Adour (1971-2006).
plus de 50 mm en 24h (1971 à 2006). More than 50 mm rainfalls in 24h (1971-2006).
Longues et fortes précipitations à Aire-sur-l’Adour (1971-2006). Heavy and long rainfalls for Aire-sur-l’Adour (1971-2006).
Principaux orages et tempêtes (1971-2006). Main thunderstorms and windstorms (1971-2006).
Froids rigoureux à Aire-sur-l’Adour (1970-71 à 2006-2007). Severe cold waves at Aire-sur-l’Adour (1970-71 to 2006-2007).
Les étés les plus chauds à Aire-sur-l’Adour (1971-2006). Hottest summers (1971-2006) for Aire-sur-l’Adour.
Les étapes du changement climatique à Aire-sur-l’Adour (1971-2006). Climate change phases for Aire-sur-l’Adour (1971-2006)
Baisse de la pluviométrie à Aire-sur-l’Adour (1971-2006). Rainfall decrease (1971-2006) for Aire-sur-l’Adour.
Moyennes thermiques mensuelles et annuelles à Aire-sur-l’Adour (1971-2006). Annual monthly temperatures (1971-2006) for Aire-sur-l’Adour.
Le nombre de jours de chaleur, de forte chaleur et de gelée à Aire-sur-l’Adour. Number of heat, strong heat and frost days for Aire-sur-l’Adour.
Déficits de précipitations du 1er mai au 30 septembre pour 20 années à Aire-sur-l’Adour. Precipitations deficits from 1 May to 30 September for 20 years at Aire-sur-l’Adour.
Liste des figures
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Photo 1 Collines de Chalosse. Chalosse hills. |
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Photo 2 Aire/Adour et l’Adour. Adour river. |
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Photo 3 Gonflage ballon stratosphérique (CNES Aire/Adour). Inflation stratospheric balloon (CNES Aire/Adour). |
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Photo 4 L’Adour en crue (Aire, 18/03/1988). Adour flood (Aire, 18/03/1988). |
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Figure 1 Carte de situation d’Aire-sur-l’Adour, Sud-Ouest de la France. Localisation map of Aire-sur-l’Adour in Southwest of France. |
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Figure 2 Bloc diagramme et postes climatologiques d’Aire-sur-l’Adour. Diagram-block and weather stations of Aire-sur-l’Adour. |
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Figure 3 Graphique ombrothermique d’Aire-sur-l’Adour (1971-2000). Ombrothermic graphic of Aire-sur-l’Adour (1971-2000). |
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Figure 4 Température moyenne annuelle à Mont-de-Marsan (1945-2006). Annual temperature averages for Mont-de-Marsan (1945-2006). |
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Figure 5 Températures moyennes annuelles à Aire-sur-l’Adour (1971-2006). Annual temperatures averages for Aire-sur-l’Adour (1971-2006). |
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Figure 6 Déficit cumulé des précipitations à Aire-sur-l’Adour (1988-1993). Total deficit of precipitations for Aire-sur-l’Adour (1988-1993). |
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Figure 7 Déficit cumulé des précipitations à Aire-sur-l’Adour (2001-2007). Total deficit of precipitations Aire-sur-l’Adour (2001-2007). |
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Figure 8 Evolution du régime des précipitations à Aire-sur-l’Adour (1971-2006). Precipitations mode change for Aire-sur-l’Adour (1971-2006). |
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Figure 9 Précipitations annuelles Aire-sur-l’Adour (1971-2006). Annual precipitations (1971-2006) for Aire-sur-l’Adour. |
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Figure 10 Jours de chaleur (25°C) et de forte chaleur (30°C) en mai à Aire-sur-l’Adour (1971-2006). Days of heat and strong heat in May for Aire-sur-l’Adour (1971-2006). |
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Figure 11 Jours de chaleur (25°C) et de forte chaleur (30°C) en octobre à Aire-sur-l’Adour (1971-2006). Days of heat and strong heat in May for Aire-sur-l’Adour (1971-2006). |
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Figure 12 Jours de chaleur (valeurs positives) et de gelées (valeurs négatives) à Aire-sur-l’Adour (1971-2006). Days of heat (up) and days of frost (down) for Aire-sur-l’Adour (1971-2006). |
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Figure 13 Intensité des pluies estivales à Aire-sur-l’Adour (1971-1995); d’après Avila M., 1998. Summer rainfalls intensity for Aire-sur-l’Adour (1971-1995); from Avila M., 1998. |
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Figure 14 Bloc diagramme : l’eau pour l’irrigation- Water for irrigation (Avila M., 1998). |
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