Open Access
Issue
Ann. de l’Associat. Internat. de Climatologie
Volume 1, 2004
Page(s) 65 - 84
DOI https://doi.org/10.4267/climatologie.1004
Published online 09 October 2015

© Association internationale de climatologie 2004

Licence Creative CommonsThis is an Open Access article distributed under the terms of the Creative Commons Attribution License CC-BY-NC (http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0), which permits unrestricted use, distribution, and reproduction in any medium, except for commercial purposes, provided the original work is properly cited.

Introduction

Bien que soumises à une forte variabilité, les précipitations associées aux divers types de régimes perturbés révèlent, d’un type à l’autre, des différences significatives d’intensité et de répartition spatiale. L’analyse quantitative de ces différences constitue un objet de recherche de grand intérêt pour la connaissance des climats. Elle peut en outre s’avérer utile comme aide à la décision face aux risques liés aux excès climatiques.

On sait que l’impact pluviométrique de tel ou tel type de régime perturbé ne dépend pas seulement des caractères dynamiques du système météorologique concerné, mais aussi, pour une région ou une station donnée, d’un certain nombre de facteurs géographiques d’échelles diverses : situation en latitude, distance par rapport aux sources d’humidité : mers et océans surtout, position par rapport aux grandes unités de relief, configuration topographique locale et orientation des pentes, altitude. Notre objectif est de prendre la mesure exacte de ces influences dans un espace régional représentatif, en rapportant systématiquement les précipitations journalières aux différents types de régimes qui en sont responsables, pour un certain nombre de stations judicieusement réparties et une période d’analyse de durée significative.

Une étude antérieure (Blanchet et Suchel 2003), portant sur un transect NW- SE de Vichy à Valence, a montré la pertinence de cette démarche, dans un espace géographique où l’influence du relief est très discriminante. Nous avons choisi cette fois une unité régionale plus classique et densément peuplée : le Couloir Saône-Rhône de la Bourgogne à la Méditerranée, vaste sillon méridien où se succèdent plaines et rétrécissements, auquel son environnement confère un caractère assez continental, mais qui s’ouvre largement sur la mer.

1. Les fondements de l’étude

1.1. Le relief et la pluviométrie de la région étudiée

La figure 1 associe les grands traits du relief du Couloir séquano-rhodanien et la répartition des précipitations moyennes annuelles (période 1961-90). Le long des 500 kilomètres qui séparent la Saône supérieure de la Méditerranée, le relief est disparate : les plaines les plus vastes sont au nord et au sud, occupant principalement le bassin moyen de la Saône et celui du Rhône inférieur, du Comtat Venaissin à la Camargue, tandis que la partie médiane, de Lyon à Montélimar, est la plus resserrée, si l’on excepte la modeste plaine de Valence, entre le rebord du Massif Central, à l’ouest, et les Préalpes, à l’est.

thumbnail Figure 1

Le Couloir Saône-Rhône, configuration générale et pluviométrie moyenne annuelle. The Saône-Rhône Valley : outlook and mean rainfall.

La pluviométrie moyenne annuelle reflète assez fidèlement ces contrastes de relief. Les précipitations restent inférieures à 850 mm dans les plaines de la Saône (Mâcon : 841,4 mm), alors que les plateaux qui les encadrent reçoivent plus d’1 mètre d’eau. Elles s’abaissent à des valeurs nettement plus faibles, au- dessous de 700, voire 600 mm (Marseille-Marignane : 544,4 mm) dans les plaines du bas Rhône, marqué par le climat méditerranéen, avec un nombre moyen de jours de précipitations qui ne fait plus que la moitié de celui observé dans le bassin de la Saône (de l’ordre de 55 au lieu de 110 mm). En revanche, la pluviométrie moyenne dépasse 900 mm dans la partie la plus étroite du Couloir rhodanien (Montélimar : 913,3 mm), bien que le nombre de jours pluvieux y soit déjà inférieur à celui relevé à Mâcon ou Lyon.

1.2. Les stations et la période représentative choisies

Le choix des stations répond au souci de disposer d’un échantillonnage de points représentatifs correctement échelonnés du nord au sud, tout en satisfaisant aux critères habituels de fiabilité des données.

Du nord au sud, nous avons retenu neuf stations (figure 1) :

  • Dijon-Ouges (altitude 222 m), au pied est des plateaux de la Côte d’Or, dans la partie amont des plaines de la Saône, zone sensible aux régimes perturbés d’origine atlantique, du fait de la médiocrité des reliefs qui la bordent à l’ouest et au nord-ouest,

  • Chalon-sur-Saône-Champforgeuil (180 m), au cœur du bassin séquanien, dans la partie la moins arrosée des plaines de la Saône,

  • Mâcon-Charnay (216 m), également au bord de la Saône, à une latitude où commencent à se renforcer l’altitude et la largeur des unités montagneuses susceptibles de faire écran aux courants perturbés du côté de l’ouest,

  • Lyon-Bron (200 m), au confluent du Rhône et de la Saône, dans une partie du Couloir déjà plus resserrée et davantage ouverte au sud qu’au nord,

  • Sablons (134 m), à mi-chemin entre Lyon et Valence, sur la rive gauche du Rhône, station dominée à l’ouest par le Massif du Pilat, dont les sommets dépassent 1400 m,

  • Valence-Saint-Marcel-les-Valence (120 m), à la latitude où le Massif Central est le plus large et où son rebord, tout proche, s’élève jusqu’à plus de 1700 m,

  • Montélimar-Ancône (73 m), dans la section la plus étroite du Sillon rhodanien, où l’effet de canalisation méridienne est maximal entre les contreforts du Massif Central et la bordure des Préalpes du sud toute proche,

  • Orange-Caritat (53 m), où le grand corridor débouche sur les plaines méditerranéennes, avec une meilleure ouverture au sud-ouest qu’à l’est et au sud- est,

  • Marignane (4 m), enfin, site de l’aéroport de Marseille, sur la rive orientale de l’Etang de Berre, à l’est de la grande plaine deltaïque du Rhône (Camargue), où l’accessibilité par l’ouest se dégage complètement et où surtout s’affirme pleinement le climat méditerranéen.

La période sélectionnée pour l’étude est la décennie 1991-2000, qui est sans lacunes pour les neuf stations. Sa pluviométrie moyenne annuelle présente des écarts positifs plutôt modestes par rapport à celle de la période de référence 1961-90, qui vont de 1 % à Marignane à 15,7 % à Sablons. L’ordre des valeurs est le même que celui donné par les normales trentenaires : les 762,0 mm de Dijon sont suivis d’une légère diminution (Chalon : 752,0 mm), puis d’une augmentation continue jusqu’à Montélimar (Mâcon : 864,5 mm, Lyon : 874,9 mm, Sablons : 883,6 mm, Valence : 919,2 mm, Montélimar : 945,5 mm) et enfin d’une régression d’abord modérée (Orange : 759,0 mm), puis très marquée (Marignane : 549,6 mm). La répartition mensuelle pour cette décennie avantage relativement les mois d’automne (septembre, octobre, novembre), par rapport surtout à février-mars et août. Cela ne remet pas en cause le schéma général de répartition des précipitations sur l’espace régional et n’a pas d’inconvénient eu égard aux objectifs de l’étude. La prise en compte d’une période plus longue, souhaitable dans le principe, s’avérait peu réalisable en pratique.

1.3. La méthode de classification des régimes météorologiques

La qualité de l’étude réalisée est directement conditionnée par la pertinence de la méthode de classification des régimes météorologiques. Les nouvelles exigences scientifiques auraient pu nous conduire à rechercher les meilleurs critères pour une classification automatique ou à nous rallier à une classification existante, telle que celle de Bénichou (Bénichou, 1995). Nous avons pourtant opté délibérément pour une méthode empirique qui a fait ses preuves. Elle repose sur l’observation au jour le jour du champ de pression et de la direction des flux résultants en surface et en altitude, ainsi que de la position des systèmes perturbés éventuels et de la trajectoire suivie par les perturbations. Pour les courants perturbés les plus fréquents (venant de l’W, du SW ou du NW), la méthode distingue les trajectoire 1, 2 et 3 selon que l’axe du courant se situe au nord (1), au sud (3) ou franchement au-dessus (2) de la région lyonnaise, qui occupe à peu près le centre de notre domaine d’étude. Les journées les plus difficiles à classer sont rattachées à la journée précédente ou suivante au caractère mieux établi.

C’est cette méthode qui a été expérimentée à partir de 1956 par l’un des auteurs et utilisée efficacement pour présenter « Le temps dans la Région Rhône-Alpes », de 1974 à 1992, dans la Revue de Géographie de Lyon. Elle a donné lieu à plusieurs publications de synthèse (Blanchet, 1990, 1998).

Dans le cadre de cet article, nous présentons sous forme de cartes schématiques (figure 2) uniquement les régimes perturbés, répartis en quinze catégories incluant goutte froide et front stationnaire, en laissant de côté les situations anticycloniques. Cependant, le régime de marais barométrique, fréquemment pluviogène, a été ajouté. Toutes les occurrences journalières de précipitations de la décennie 1991-2000, à de rares et minimes exceptions près, ressortissent aux seize cas répertoriés.

thumbnail Figure 2

Les types de régimes perturbés. Types of disturbed weather.

Pour cette période, les jours perturbés représentent 54,4 % de l’ensemble des jours, auxquels s’ajoutent les 10,1 % revenant aux marais barométriques. La figure 3 indique la répartition en valeurs moyennes annuelles des divers types de régimes (en %, marais barométriques inclus). La prépondérance appartient aux régimes d’W, en particulier W1, surtout en hiver; à l’échelle de l’année, ils constituent pratiquement le tiers (32,9 %) des régimes perturbés proprement dits. Viennent ensuite les régimes de SW (21,0 %), spécialement SW2, qui s’affirment surtout en automne, puis ceux de NW (12,7 %). Les régimes de S et SE réunis atteignent à peine ce pourcentage (12,6 %). Gouttes froides et perturbations stationnaires ne font pas beaucoup mieux (ensemble : 13,8 %). Mais ce classement selon les fréquences ne préjuge aucunement de celui qu’établissent les apports pluviométriques correspondants. On se doute que cette remarque s’applique a fortiori aux situations de marais, largement prédominantes en été.

thumbnail Figure 3

Fréquence moyenne annuelle (%) des régimes perturbés et marais barométriques (période : 1991-2000). Mean annual frequency (%) of the disturbed weather types (!99 !-2000).

2. Les résultats les plus significatifs

Les hauteurs de précipitations en valeurs absolues (mm) ou relatives (%) fournissent un bon aperçu général de l’inégale contribution des divers types de régimes et montrent bien les évolutions et contrastes de répartition dans l’espace régional. Mais, en nous plaçant dans la perspective des risques climatiques, nous mettrons plutôt l’accent sur deux critères d’analyse propres à faire ressortir l’efficacité remarquable de certains types comparativement aux autres : d’une part, l’apport moyen (en mm) par type de régime, c’est à dire le rapport de la hauteur relevée pour chacun d’eux au nombre de jours où il a été observé, que nous appellerons précisément « efficacité pluviométrique » (EP), d’autre part, le pourcentage de jours avec précipitations égales ou supérieures à 20 mm par rapport à l’ensemble des jours pluvieux de chaque type.

2.1. L’inégale contribution des divers types de régimes perturbés

Les résultats bruts de l’étude révèlent une forte distorsion entre les hauteurs de précipitations produites par les principaux types de régimes et les fréquences relatives de ceux-ci. Ainsi, les régimes d’W, qui arrivent largement en tête des occurrences, ne fournissent nulle part l’apport principal. Dans toutes les stations, ce sont les régimes de SW, et plus particulièrement SW2, qui donnent les plus grosses quantités de pluie. L’énorme bloc du Massif Central ne fait donc pas réellement barrage à ces flux très pluviogènes. ll semble bien plutôt que la vallée du Rhône les canalise efficacement en s’ouvrant largement vers le sud-ouest dans sa partie aval. ll est sans doute significatif à cet égard que les valeurs les plus fortes soient relevées dans la section la plus resserrée du Sillon Rhodanien : elles dépassent largement 400 mm par an en moyenne à Valence (424,0 mm, dont 405,1 pour SW2) et Montélimar (444,1 mm, dont 418,3) et ne s’abaissent au-dessous de 300 mm qu’à Dijon et Chalon et surtout Marignane (177,9 mm, dont 143,2 pour SW3).

C’est seulement de Dijon à Lyon que les apports d’W se classent en deuxième position, sans atteindre 200 mm par an (maximum : 195,9 mm à Mâcon). Au-delà, sous l’effet de la source d’humidité méditerranéenne, ils sont supplantés par la contribution des régimes de S pourtant 4,4 fois moins fréquents; celle-ci dépasse 200 mm à Montélimar et Orange (212,5 mm et 218,2 mm respectivement, contre 88,0 mm et 63,3 mm seulement pour l’W), stations où les régimes de SE fournissent aussi leur plus gros quota (49,6 mm à Montélimar).

La part qui revient aux régimes de NW n’est pas non plus à la mesure de leur fréquence et elle s’amenuise progressivement vers le sud, sans atteindre nulle part 100 mm (maximum 91,1 mm à Mâcon).

En présentant les apports respectifs (en %) des principaux types de régimes à Dijon, Lyon, Montélimar et Marignane, la figure 4 permet de repérer les caractères essentiels de l’évolution du nord au sud. Les apports de SW se renforcent sensiblement de Dijon (un tiers du total) à Montélimar (presque la moitié), mais sont plus modestes à Marignane, où les quotes-parts regroupées de S et SE prennent nettement l’avantage. Ainsi s’opère entre les deux stations méridionales une substitution qui souligne le rôle croissant et décisif de la Méditerranée comme source d’humidité. Tandis que le pourcentage des précipitations de S et SE triple de Dijon à Marignane, on voit s’amenuiser corrélativement l’influence des régimes d’W et de NW, encore que les premiers reprennent un peu de poids dans la station la plus méridionale à la faveur du bon dégagement vers l’ouest dont elle bénéficie. Au demeurant, il n’est pas surprenant que la part revenant aux gouttes froides et fronts stationnaires soit loin d’être négligeable, mais ne présente pas d’évolution spatiale significative, et que celle des flux de N et NE, assez pauvres en eau et relativement peu fréquents, reste insignifiante.

thumbnail Figure 4

Répartition des précipitations (%) par régimes perturbés à Dijon, Lyon, Montélimar et Marignane. Distribution of rainfall (%) according to the disturbed weather types in Dijon, Lyon, Montélimar et Marignane

En intégrant l’ensemble des stations, les figures 5 et 6 offrent une image plus précise des rythmes d’évolution des apports relatifs des régimes ou groupes de régimes les plus importants. La part des précipitations d’W et NW diminue de façon continue de Dijon à Orange, et de manière accélérée dans la principale zone de transition, entre Lyon et Montélimar; son redressement à Marignane est modeste, mais net. Celle des précipitations de SW présente l’évolution inverse, à un rythme moins rapide, mais l’inversion de tendance s’effectue plus tôt, entre Montélimar et Orange. Enfin, la progression est continue jusqu’à Marignane pour les apports de S et SE, ce qui confirme le poids de l’influence méditerranéenne. Au demeurant, les regroupements de régimes réalisés pour la clarté de la démonstration incitent à relativiser un peu la suprématie de la contribution de SW, qui cède la première place au S+SE à Marignane, au N+NW à Dijon. La prise en compte des pourcentages se rapportant aux autres types de régimes révèlerait quelques autres faits significatifs : le renforcement des valeurs des flux de N de Chalon à Lyon, traduisant vraisemblablement l’effet de canalisation, la diminution quasi continue de celles des marais barométriques du nord au sud corrélativement à l’atténuation de la continentalité, l’évolution plutôt chaotique de celles des fronts stationnaires et gouttes froides.

thumbnail Figure 5

Evolution N-S des précipitations (%) dues à quelques types de régimes. N to S variation of the rainfall amounts according to some weather types

La figure 6, qui compare les apports relatifs selon les trois trajectoires définies en 1.3 pour les régimes d’W et SW, n’apporte pas de réelle surprise quant à la substitution qui se réalise peu à peu du nord au sud, notamment entre W1 et W3 de Dijon à Marignane. Le principal intérêt de cette figure est plutôt de faire ressortir à quel point s’affirme partout la suprématie des précipitations de SW2, alors que la répartition entre les trois trajectoires est beaucoup mieux réalisée pour les régimes d’W. Cela pourrait bien confirmer le rôle fondamental de la canalisation par la vallée du Rhône de ces flux très riches en humidité issus du Golfe de Gascogne et des latitudes ibériques, avec valorisation du potentiel précipitable par la courbure cyclonique qu’impose au courant perturbé le rebord du massif alpin.

thumbnail Figure 6

Evolution N-S des précipitations (%) dues aux régimes d’W et SW selon la trajectoire du courant perturbé. N to S variations of the rainfall amounts (%) caused by the W and SW weather types according to the track of the disturbed stream

2.2. La mesure du potentiel des régimes perturbés par l’« efficacité pluviométrique » (EP)

En rapportant les hauteurs d’eau précipitée par types de régimes aux nombres de jours où ceux-ci ont été observés, on prend exactement la mesure de l’efficacité moyenne de chacun d’eux, ce qui fournit en quelque sorte une échelle des risques dans la perspective des excès pluviométriques. Ce critère d’analyse permet d’identifier sans ambiguïté les flux auxquels leur richesse en eau précipitable confère un potentiel de nuisance, quelle soit par ailleurs leur fréquence.

L’observation des valeurs de l’EP dans l’ensemble des stations révèle le caractère discriminant du seuil de 5 mm par jour. Les valeurs propres aux régimes d’W, y compris W2, restent partout inférieures à ce seuil (maximum de 4,8 mm pour W2 à Mâcon). ll en est de même pour les régimes de NW (même valeur du maximum pour NW2, à Mâcon également) et pour tous les régimes autres que ceux de SW et S. On est un peu surpris du médiocre potentiel des advections de SE (maximum de 4,9 mm à Montélimar) : cela confirme sans doute le rôle d’obstacle du bloc très compact des Alpes et Préalpes du sud et peut-être de l’inflexion anticyclonique du flux imposée par la bordure du Massif Central dans la basse atmosphère. Quant aux EP des régimes de front stationnaire et goutte froide, elles se tiennent dans une gamme de valeurs assez resserrée et peu différenciée, de l’ordre de 2 à 3 mm/jour. En rehaussant le seuil à 10 mm/jour, on individualise clairement le fort potentiel des régimes de SW et S : cette valeur est dépassée de Mâcon à Orange pour SW2 (maximum de 15,4 à Montélimar), de Valence à Marignane pour S, plus directement dépendant de l’influence méditerranéenne (maximum de 14,3 à Montélimar également).

Les figures 7 à 10 ont pour objectif, comme pour les apports en %, de montrer plus précisément l’évolution nord-sud de l’EP pour les principaux types de régimes. La première figure, consacrée aux régimes d’W, révèle la régression rapide des valeurs de Mâcon à Orange, en même temps que l’inversion progressive qui s’opère entre les trajectoires 1 et 3 des perturbations. La seule véritable surprise réside dans la poussée d’W3 à Marignane (8,2 mm/jour), en dépit des déficiences de la pluviométrie générale, preuve de l’apparition de conditions climatiques spécifiques mettant en exergue le dégagement du site vers l’ouest et le rôle de l’environnement maritime. Les régimes de NW (fig. 8) révèlent des caractères grossièrement similaires; cependant, l’effet de canalisation par le relief se fait un peu plus sentir à Mâcon et Lyon et surtout la comparaison par trajectoires fait ressortir le poids relatif de NW3, qui bénéficie d’un potentiel précipitable sans doute plus important que ses homologues de plus haute latitude.

thumbnail Figure 7

Evolution N-S de l’efficacité pluviométrique (mm/jour) des régimes d’W. N to S variations of the rainfall effectiveness (mm/day) of the W weather types.

thumbnail Figure 8

Evolution N-S de l’efficacité pluviométrique (mm/jour) des régimes de NW. N to S variations of the rainfall effectiveness (mm/day) of the NW weather types.

La figure 9 confirme la progression continue de l’EP des régimes de SW de Dijon à Montélimar, dans une gamme de valeurs nettement plus élevées, puis sa régression corrélativement au fléchissement général de la pluviométrie. Mais la comparaison selon les trajectoires apporte une précision intéressante : la suprématie de SW2 finit par être battue en brèche par SW3, qui acquiert de l’importance à partir de Valence et finit par l’emporter à Marignane en se hissant à 7,9 mm/jour. L’EP des régimes de S (fig. 10) suit la même évolution que celle de SW2, avec des niveaux comparables, mais l’inflexion au-delà de Montélimar est beaucoup moins accentuée. ll en est de même pour SE, avec des valeurs plus modestes.

thumbnail Figure 9

Evolution N-S de l’efficacité pluviométrique (mm/jour) des régimes de SW. N to S variations of the rainfall effectiveness (mm/day) of the SW weather types.

thumbnail Figure 10

Evolution N-S de l’efficacité pluviométrique (mm/jour) des régi mes de S et E. N to S variations of the rainfall effectiveness (mm/day) of the S and E weather types.

Malgré la brièveté de la période étudiée, il est instructif de jeter à présent un regard sur les rythmes saisonniers pour les régimes constituant un échantillon représentatif. Tel est l’objet des graphiques de la figure 11 comparant six stations. A Dijon, les différences entre les saisons sont modestes et peu significatives; mais, au fur et à mesure qu’on progresse vers le sud, celles-ci tendent à s’accentuer, et c’est l’automne essentiellement qui se distingue par des scores élevés pour SW2 et S : à Montélimar, on atteint les valeurs records de 19,3 et 17,4 mm/jour respectivement. ll est clair que la Méditerranée, qui a emmagasiné la chaleur de l’été, constitue alors un énorme réservoir d’humidité, dont tirent parti les perturbations qui succèdent au répit estival habituel. Mais, précisément, alors que c’est plutôt l’hiver qui s’oppose à l’automne de Mâcon à Montélimar, c’est manifestement l’été, par défection des régimes perturbés, qui s’inscrit en creux à Marignane.

thumbnail Figure 11

Evolution N-S de l’efficacité pluviométrique (mm/jour) de quelques types de régimes perturbés selon les saisons. N to S variations of the rainfall effectiveness (mm/day) of some weather types according to the seasons

ll reste que le graphique de cette dernière station occulte un fait très significatif, qui justifie la figure suivante (figure 12) : la valeur tout à fait inhabituelle, pour un régime d’W, de l’EP d’W3 sur ce site méditerranéen, en automne : 15,4 mm/jour. On peut, certes, mettre en doute la représentativité du petit nombre de jours perturbés de cette catégorie (16 pour la décennie). ll n’en est pas moins vrai que ces advections d’W méridionales sont d’une autre nature que celles qui, venant de l’Atlantique, atteignent la région après un long parcours. Ainsi, de nombreux signes concourent à individualiser, aux marges sud de notre domaine d’étude, une province climatique d’un type différent.

thumbnail Figure 12

Evolution N-S de l’efficacité pluviométrique (mm/jour) des régimes d’W2 et W3 en automne. N to S variations of the rainfall effectiveness (mm/day) of the W2 and W3 weather types in autumn

Mais en fait, c’est surtout la moyenne vallée du Rhône dans le secteur de Montélimar qui se distingue comme région à risque, si l’on considère les valeurs élevées de l’EP dans cette station pour des régimes d’occurrence élevée : ceux de SW et S. On peut s’en convaincre grâce à quelques données complémentaires : le seuil de 20 mm/jour y a été atteint ou dépassé par 27,2 % des régimes de SW2 et 29,1 % des régimes de S ayant donné des précipitations, celui de 50 mm/jour par 7,1 % d’entre eux, à égalité pour SW2 et S. La valeur journalière record est de 116,0 mm pour les régimes de S (le 19 septembre 1999) et de 218,4 pour ceux de SW2 (le 25 septembre de la même année), sur une période qui se limite à 10 ans, ne l’oublions pas. On sait ici par expérience que l’automne, surtout à son début, est « la saison de tous les dangers », où les abats colossaux normalement associés aux ascendances orogra-phiques, les fameuses « pluies cévenoles », n’épargnent pas toujours le Couloir Rhodanien au sens strict. Quand ce dernier est atteint par des chutes de neige, c’est aussi dans le secteur de Valence-Montélimar qu’elles sont le plus abondantes., comme en décembre 1970 ou 1990 Jail, 1971, Jacq, 2003).

Pour l’estimation des risques d’excès pluviométriques, il est possible d’apporter d’utiles précisions en examinant uniquement les jours avec précipitations égales ou supérieures au seuil significatif de 20 mm.

2.3. Les pourcentages de jours recueillant au moins 20 mm de précipitations, critère des excès méditerranéens

Les plus fortes précipitations journalières constituent un critère pertinent pour mieux discriminer, d’une part, les types de régimes les plus pluviogènes, d’autre part les régions les plus exposées aux excès. Pour chaque type de régime, nous considérerons le pourcentage de jours avec précipitations égales ou supérieures à 20 mm par rapport au nombre total de jours pluvieux (ou neigeux) relevant de ce type.

On constate sans surprise que les régimes qui apparaissent au devant de la scène selon ce critère sont essentiellement SW2, plus SW3 à l’extrémité sud du domaine, et S. Le fait saillant est plutôt l’énorme décalage entre les fortes occurrences relevées pour ceux-ci et la rareté des cas ressortissant aux régimes d’W globalement plus fréquents. Par ailleurs se confirme la médiocre efficacité des régimes de SE. Les fronts stationnaires et gouttes froides, un peu mieux représentés au total, réalisent toutefois un score qu’on aurait pu croire moins modeste. Quant aux régimes de NW et, a fortiori, de N et NE, leur participation est insignifiante.

Ces disparités nous ont conduits à ne retenir que les types les plus concernés pour réaliser la figure 13, qui vise, elle aussi, à montrer l’évolution des valeurs obtenues du nord au sud. ll s’en faut de beaucoup que les conditions soient homogènes sur l’ensemble du domaine. ll apparaît plus que jamais que les risques de fortes précipitations sont bien le propre de la vallée du Rhône de Lyon à la Méditerranée, avec une accentuation progressive jusqu’à Valence et Montélimar, qui ne se relâche pas considérablement pour les régimes de S dans les plaines du bas Rhône. Jusqu’à Orange inclusivement, au moins un jour perturbé sur cinq, voire quatre, relevant du régime de SW2 ou de S est concerné par ces forts cumuls. On voit, en outre, les fronts stationnaires et gouttes froides devenir plus pluviogènes, en moyenne, dans ce même espace proprement rhodanien. La même remarque s’appliquerait aux régimes de SE. En revanche, si l’on met à part W3, c’est principalement dans le bassin de la Saône que les régimes d’W suscitent un nombre de cas non négligeable.

thumbnail Figure 13

Répartition pour certains types de régimes des jours avec au moins 20 mm de précipitations par rapport à l’ensemble des jours concernés par chacun de ces types (%). Distribution for some weather types of the days with at least 20 mm of rainfall in relation to the all days of each type (%).

La répartition par saisons ferait, là encore, ressortir l’automne, où le seuil des 30 % de jours pluvieux avec au moins 20 mm est atteint ou dépassé dans plusieurs stations du Couloir Rhodanien, de Lyon à Montélimar, pour les régimes de S et SW2. Ceci souligne une fois de plus le rôle capital du réservoir d’humidité méditerranéen à cette saison et, quelle que soit la saison, l’effet aggravant de la canalisation des flux par le relief.

Conclusion

En définitive, dans ce vaste bassin de la Saône et du Rhône, qui, par sa disposition en long couloir méridien, présente une forte unité géographique, tout en participant, à sa mesure, à plusieurs domaines climatiques, la répartition de la pluviométrie journalière par types de régimes météorologiques se révèle riche d’enseignements.

Certains traits communs résultent à la fois de son caractère relativement continental, les hautes terres du Massif Central le mettant partiellement à l’abri de la source d’humidité atlantique, et de sa large ouverture sur la Méditerranée. Ainsi, ce sont les régimes de SW, et singulièrement SW2, et de S qui apportent les plus grosses quantités de précipitations, ces derniers acquerrant de plus en plus d’influence de l’amont à l’aval.

Mais l’extension en latitude, ainsi que la vigueur et la proximité inégales des reliefs encadrants, suscitent des spécificités régionales bien nettes :

  • Dans les plaines de la Saône, les apports respectifs des divers régimes perturbés tendent encore à un certain équilibre, en laissant une place relativement importante aux précipitations d’W et de NW, surtout en hiver, et en limitant les excès d’origine méditerranéenne.

  • Dans la partie la plus étroite et la plus arrosée du Couloir, de Lyon aux plaines du bas Rhône, l’emprise des régimes de SW et S s’affirme progressivement, en renforçant les risques d’excès pluviométriques, particulièrement en automne, tandis que s’affaiblit celle des flux perturbés océaniques, à la faveur d’une meilleure protection orographique à l’ouest, encore que ceux de NW, qui peuvent être canalisés par le relief en corridor, disposent de meilleures conditions

  • Les plaines méditerranéennes d’aval, enfin, constituent un domaine particulier. La diminution très marquée de la pluviométrie générale, qui se répercute sur les apports de SW, n’y empêche pas la persistance d’une forte efficacité de ceux de S et, accessoirement, de SE, en même temps que se renforce remarquablement la part des précipitations liées aux perturbations de trajectoire méridionale, celles d’W3 notamment.

Au demeurant, les méthodes d’analyse traditionnelles appliquées à la pluviométrie d’un espace régional bien défini paraissent bien adaptées à l’exigence de finesse et de précision qu’on est en droit d’attendre d’une étude fondée prioritairement sur la perception géographique des faits. Elles sont par ailleurs en adéquation avec la classification « empirique » adoptée pour les types de régimes météorologiques, qui repose sur l’observation synoptique classique. Ainsi, les auteurs de cet article sont fondés à penser que cette forme de recherche climatologique n’a pas perdu ses lettres de noblesse !

Remerciements

Les auteurs remercient vivement les responsables de la Division Climatologie Centre-Est de Météo-France, à Lyon-Bron, pour la fourniture des données de base.

Références

  • Bénichou P., 1995 : Classification automatique de configurations météorologiques sur l’Europe Occidentale, Météo-France, Monog., no 8, 96 p. [Google Scholar]
  • Blanchet G., 1974 : sqq. : Le temps dans la région Rhône-Alpes. Chronique annuelle in Rev. Géogr. de Lyon, de 1974 à 1992.. [Google Scholar]
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Liste des figures

thumbnail Figure 1

Le Couloir Saône-Rhône, configuration générale et pluviométrie moyenne annuelle. The Saône-Rhône Valley : outlook and mean rainfall.

Dans le texte
thumbnail Figure 2

Les types de régimes perturbés. Types of disturbed weather.

Dans le texte
thumbnail Figure 3

Fréquence moyenne annuelle (%) des régimes perturbés et marais barométriques (période : 1991-2000). Mean annual frequency (%) of the disturbed weather types (!99 !-2000).

Dans le texte
thumbnail Figure 4

Répartition des précipitations (%) par régimes perturbés à Dijon, Lyon, Montélimar et Marignane. Distribution of rainfall (%) according to the disturbed weather types in Dijon, Lyon, Montélimar et Marignane

Dans le texte
thumbnail Figure 5

Evolution N-S des précipitations (%) dues à quelques types de régimes. N to S variation of the rainfall amounts according to some weather types

Dans le texte
thumbnail Figure 6

Evolution N-S des précipitations (%) dues aux régimes d’W et SW selon la trajectoire du courant perturbé. N to S variations of the rainfall amounts (%) caused by the W and SW weather types according to the track of the disturbed stream

Dans le texte
thumbnail Figure 7

Evolution N-S de l’efficacité pluviométrique (mm/jour) des régimes d’W. N to S variations of the rainfall effectiveness (mm/day) of the W weather types.

Dans le texte
thumbnail Figure 8

Evolution N-S de l’efficacité pluviométrique (mm/jour) des régimes de NW. N to S variations of the rainfall effectiveness (mm/day) of the NW weather types.

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thumbnail Figure 9

Evolution N-S de l’efficacité pluviométrique (mm/jour) des régimes de SW. N to S variations of the rainfall effectiveness (mm/day) of the SW weather types.

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thumbnail Figure 10

Evolution N-S de l’efficacité pluviométrique (mm/jour) des régi mes de S et E. N to S variations of the rainfall effectiveness (mm/day) of the S and E weather types.

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thumbnail Figure 11

Evolution N-S de l’efficacité pluviométrique (mm/jour) de quelques types de régimes perturbés selon les saisons. N to S variations of the rainfall effectiveness (mm/day) of some weather types according to the seasons

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thumbnail Figure 12

Evolution N-S de l’efficacité pluviométrique (mm/jour) des régimes d’W2 et W3 en automne. N to S variations of the rainfall effectiveness (mm/day) of the W2 and W3 weather types in autumn

Dans le texte
thumbnail Figure 13

Répartition pour certains types de régimes des jours avec au moins 20 mm de précipitations par rapport à l’ensemble des jours concernés par chacun de ces types (%). Distribution for some weather types of the days with at least 20 mm of rainfall in relation to the all days of each type (%).

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