Issue |
Climatologie
Volume 22, 2024
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Article Number | 2 | |
Number of page(s) | 9 | |
DOI | https://doi.org/10.1051/climat/202422002 | |
Published online | 29 January 2025 |
Monographie hydrologique d’Haïti : analyse et prédétermination des pluies et crues fortes à partir de données d’archives et satellitaires
Article de synthèse publié dans le cadre de l’obtention du Prix Gérard Beltrando 2024 attribué par l’AIC et récompensant la meilleure thèse de climatologie
1
Université Côte d’Azur, Observatoire de la Côte d’Azur, CNRS, IRD, Géoazur, France
2
Université d’Etat d’Haïti, Faculté des Sciences, LMI CARIBACT, URGéo, Haïti
3
Université de Sherbrooke, Département de génie civil et de génie du bâtiment, Sherbrooke, Canada
* Auteur de correspondance : ralph.bathelemy@USherbrooke.ca
Cet article est un condensé de la thèse soutenue par Ralph Bathelemy le 14 décembre 2023 et récompensée par le prix Gérard Beltrando de l’Association Internationale de Climatologie au titre de l’année 2024. Cette thèse a été préparée à l’UMR Géoazur (Université Côte d’Azur, France), l’URGéo (Université d’Etat d’Haïti, Port-au-Prince, Haïti) et à l’Unité de recherche HYCAR de l’INRAE (Antony, France) entre 2019 et 2023 sous la direction de Pierre Brigode et de Dominique Boisson.
Mots clés : analyse fréquentielle / modélisation pluie-débit / Grandes et Petites Antilles / Caraïbes / Haïti / inondations / pluies extrêmes / cyclones
© R. Bathelemy, hosted by EDP Sciences 2024
This is an Open Access article distributed under the terms of the Creative Commons Attribution License CC-BY-NC (https://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0), which permits unrestricted use, distribution, and reproduction in any medium, except for commercial purposes, provided the original work is properly cited.
Introduction
Les inondations des dernières décennies ont mis en évidence la grande vulnérabilité du territoire haïtien aux aléas hydrométéorologiques, principalement liés au passage de cyclones (figure 1). Ces évènements ont causé de nombreux morts, des dégâts colossaux et affectent durablement les secteurs de l’agriculture et de l’élevage, deux secteurs clefs dans l’économie haïtienne. Par exemple, l’année 2004 a été l’une des années les plus meurtrières en Haïti avec plus de 5000 morts, dont 2000 liés aux inondations causées par les pluies intenses de mai 2004 dans le sud-est, et 3000 causés par la tempête tropicale Jeanne en septembre 2004. Malheureusement, la fréquence et l’intensité de ces évènements hydrométéorologiques auront tendance à augmenter dans les prochaines décennies à cause du changement climatique (Peterson et al., 2002). Ainsi, ces évènements hydrométéorologiques constituent un frein considérable au développement d’Haïti. En effet, la situation socio-économique précaire d’Haïti exacerbe la vulnérabilité face aux aléas hydrométéorologiques, qui a leur tour, aggravent la situation socio-économique en Haïti.
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Figure 1 Contexte géographique d’Haïti. Les lignes et les points rouges représentent les failles et les séismes majeurs (Styron et al., 2020). Les lignes bleues représentent les trajectoires des cyclones ayant traversé Haïti depuis 1950. Les points bleus représentent les chefs-lieux des départements. La topographie en arrière-plan est issue des données SRTM (Reuter et al., 2007). Geographical context of Haiti. The red lines and dots represent faults and major earthquakes (Styron et al., 2020). The blue lines represent the tracks of hurricanes that have passed through Haiti since 1950. The blue dots represent departmental capitals. The topography in the background is derived from SRTM data (Reuter et al., 2007). |
Pour freiner ce cercle vicieux, dans un contexte de développement durable, Haïti doit agir pour prévenir et atténuer ces risques. Cependant, une bonne connaissance des aléas est indispensable pour développer des plans d’adaptations et de gestions des risques. Malheureusement, en Haïti, les aléas hydrométéorologiques sont peu étudiés et encore mal compris. Ce manque d’étude est principalement lié au manque de données hydrométéorologiques. En effet, il existe une période continue de vingt ans (1920-1940) avec des observations hydrométéorologiques, principalement des données de débits journaliers (disponibles au format numérique), des données de pluies disponibles au format numérique au pas de temps mensuel sur une période plus longue (1905-2005), mais uniquement sous forme d’archive papier pour les données de pluies au pas de temps journalier. Depuis 1940, il n’existe que des données parcellaires, discontinues, peu référencées et difficile d’accès ou même perdues. En plus des données observées in situ, il existe des données alternatives issues de différentes techniques de télédétection qui sont désormais disponibles de manière continue sur au moins 30 ans. Les données pluviométriques obtenues par télédétection présentent l’avantage d’une large couverture spatio-temporelle, et ont montré un potentiel élevé pour être utilisées dans de nombreuses applications hydrologiques (Dinku et al., 2007 ; Mazzoleni et al., 2019 ; Wannasin et al., 2021).
Ainsi, ce travail de thèse propose de compiler et d’exploiter des données et informations multi-sources (données historiques, archives papiers et données de télédétection) afin de documenter de manière approfondie les régimes hydro-climatiques et les caractéristiques hydrologiques de différents bassins versants haïtiens. Ce travail a été réalisé sur deux périodes différentes : une période historique (1920-1940, car c’est la seule période durant laquelle les données de débits sont disponibles de manière concomitante avec des séries de pluies) et une période qualifiée de récente (1979-2017, car c’est une période sur laquelle plusieurs produits de pluies satellitaires sont disponibles).
2. Analyse de l’hydrologie haïtienne entre 1920 et 1940
2.1. Création d’une base de données hydro-climatique historique en Haïti
Dans un premier temps, les données hydro-climatiques disponibles en Haïti ont été rassemblées. Ces données comprennent : i) 70 séries de débits journaliers disponibles sur la période 1920-1940, ii) 156 séries de pluies mensuelles (disponibles sur la période 1905-2005) assemblées par Moron et al. (2015) et iii) plusieurs archives papiers (14 registres de données climatiques de 1888 à 1969 et des bulletins hydrographiques de 1920 à 1940) regroupant des données de pluies et de températures de l’air au pas de temps journalier et mensuel. Ces archives ont été photographiées et sauvegardées au format JPEG et PDF durant la thèse, afin de sécuriser ces données et d’éviter qu’elles soient perdues, comme cela a été le cas pour plusieurs documents d’archives papiers lors du séisme du 12 janvier 2010 par exemple. Ensuite, une numérisation de données jugées prioritaires (car concomitantes avec les données de débits disponibles) a été réalisée dans le but de les rendre exploitables, c’est-à-dire de les mettre dans un format Excel ou csv par exemple. Ce travail de numérisation a été réalisé en collaboration avec plusieurs étudiants de l’Université d’Etat d’Haïti et l’Université Côte d’Azur. Un contrôle de qualité des données numérisées a été réalisé en comparant leurs cumuls à la base de données de Moron et al. (2015), permettant de valider la numérisation et aussi de vérifier/corriger les données de certains mois pour lesquels les valeurs étaient différentes pour les deux bases de données.
Ces données hydro-climatiques ont été croisées et analysées conjointement, notamment par modélisation hydrologique, dans le but d’étudier les relations entre les variables climatiques (pluies et températures de l’air) et hydrologiques (débits) des bassins versants haïtiens (Bathelemy et al., 2024). Les modèles pluie-débit conceptuels GR2M (Mouelhi et al., 2006) et GR4J (Perrin et al., 2003) ont été utilisés pour simuler des séries de débits continues à l’échelle mensuelle et journalière sur la période 1920-1940, permettant ainsi d’avoir des séries sans lacunes sur la période d’étude. Ces données hydro-climatiques ainsi constituées et couplées aux données topographiques, géologiques, hydrogéologiques et d’occupation de sol ont permis de caractériser 24 bassins versants haïtiens à partir de six classes d’attributs topographique, géologique, hydrogéologique, d’occupation de sol, climatique et hydrologique.
L’ensemble des séries hydro-climatiques observées et simulées ainsi que les 49 indices et signatures hydrologiques rassemblés constituent la base de données appelée Simbi, première base de données hydrométéorologiques documentée et disponible en libre accès (Bathelemy et al., 2023, 2024).
2.2. Analyse spatio-temporelle des pluies et des débits sur la période 1920-1940
Les données hydro-climatiques de la base de données Simbi ont été utilisées pour :
étudier les régimes ainsi que les variabilités interannuelles des pluies et des débits,
étudier les évènements marquants sur la période 1920-1940 (les cyclones ayant traversé Haïti sur cette période historique et les périodes de fortes sécheresses),
caractériser les cumuls, les durées, les fréquences et les débits maximum de l’ensemble des épisodes de fortes pluies identifiés, de manière automatique, sur la période 1920-1940,
faire une analyse fréquentielle à partir des méthodes GEV (Beirlant et al., 2004 ; Fisher et Tippett, 1928 ; Gnedenko, 1943 ; Jenkinson, 1955), Gumbel (Gumbel, 1958) et Gradex (Guillot et Duband, 1967) afin d’estimer des valeurs de pluies et de débits pour les périodes de retour de 10, 25, 50 et 100 ans.
Les résultats obtenus ont montré que les quatre saisons de pluies caribéennes WDS (décembre à avril), ERS (mai et juin), MSD (juillet et août) et LRS (septembre à novembre) se retrouvent dans les régimes des pluies des bassins versants haïtiens étudiés. La plupart des bassins versants ont un régime de pluie et de débit bimodal, avec des pics de pluie et de débits pendant l’ERS et la LRS. Cependant, certains bassins versants, situés au nord de Port-au-Prince, présentent un régime de pluie unimodal, avec une longue période de pluie de mai à novembre mais moins intense par rapport aux autres bassins versants. Les résultats obtenus ont aussi permis d’identifier une période sèche entre les années 1920-1925 et une période humide à partir de 1925 jusqu’en 1930 et parfois, jusqu’en 1935-1940 pour certains bassins versants.
La Figure 2 présente les cumuls de pluies et les débits maximum journaliers associés aux 24 cyclones identifiés sur la période 1920-1940. Parmi ces cyclones, 12 sont des tempêtes tropicales, 7 sont des cyclones de catégorie 1, deux sont des cyclones de catégorie 3 et trois sont des cyclones de catégorie 4. Deux d’entre eux ont généré des débits relativement élevés : ce sont les cyclones du 7-11 novembre 1924 et du 21-24 octobre 1935. Le cyclone d’octobre 1935, dont le débit maximum est le plus élevé, est identifié comme le seul évènement cyclonique meurtrier pendant la période 1920-1940 (Terrier et al., 2017). Ce cyclone, qui a causé la mort de plus de 2000 personnes, fait d’ailleurs partie des cyclones les plus meurtriers qu’a connu Haïti.
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Figure 2 Cumuls des pluies et débits maximum journaliers associés aux 24 cyclones identifiés sur la période 1920-1940 sous forme de boites à moustaches (les hauteurs des boites représentent les quantiles 25 et 75 %). Chaque boite à moustaches représente l’ensemble des cumuls de pluies ou débits maximum des 21 bassins versants pour un cyclone donné. Les couleurs représentent les catégories des cyclones : TS pour tempête tropicale, H1 à H4 représente les cyclones de niveau 1 à 4. Cumulative rainfall and maximum daily discharge associated with the 24 cyclones identified over the period 1920-1940 in the form of boxplot (the heights of the boxes represent the 25% and 75% quantiles). Each boxplot represents the total accumulated rainfall or maximum discharge in the 21 catchments for one cyclone. The colours represent the categories of the cyclones: TS for Tropical Storm, H1 to H4 for Cyclone Levels 1 to 4. |
En moyenne, entre 7 à 12 épisodes de fortes pluies (épisodes de pluies dont les cumuls sont supérieurs à 50 mm) par an ont été identifiés de manière automatique sur chacun des bassins versants étudiés. Ces épisodes de fortes pluies sont plus fréquents dans le sud-ouest d’Haïti et ont été observés généralement pendant l’ERS (mai et juin) et la LRS (septembre à novembre). Certains épisodes de fortes pluies, généralement ceux dont les cumuls sont situés entre 650 et 800 mm, ont généré des débits maximums pouvant atteindre 150 mm/j et même plus. La pluie centennale est estimée autour de 500 mm/j dans le sud-ouest et entre 100 et 250 mm/j ailleurs. Le débit centennal est lui estimé entre 200 et 300 mm/j dans le sud-ouest et entre 30 et 100 mm/j ailleurs.
3. Analyse de l’hydrologie haïtienne entre 1979 et 2017
3.1. Performances des produits de pluies maillées dans les Grandes et les Petites Antilles
Au contraire de la période 1920-1940, aucune base de données hydro-climatique de référence n’existe en Haïti sur une période récente (1979-2017). De ce fait, des données alternatives, telles que les bases de données de pluies maillées issues de différentes techniques de télédétection (Kucera et al., 2013 ; Rahman et Di, 2017) ont été utilisées pour l’analyse de l’hydrologie des bassins versants haïtiens sur cette période récente. Certaines données de pluies maillées ont l’avantage d’avoir une bonne résolution spatiale, ce qui permet de mieux étudier la forte variabilité spatiale des pluies en Haïti. De plus, ces données sont disponibles de manière continue (sans lacunes) sur au moins 30 ans, et sont donc largement utilisées dans le monde, principalement dans les régions peu instrumentées (Gosset et al., 2013 et 2023). Par contre, la performance des produits de pluies maillées varie en fonction de la zone d’étude. Ainsi, l’objectif de cette partie de la thèse consiste à évaluer la performance de cinq produits de pluies maillées dans les Grandes et les Petites Antilles : MSWEP (Beck et al., 2019), CHIRPS (Funk et al., 2015), ERA-5 (Hersbach et al., 2020), PERSIANN-CDR (Ashouri et al., 2015) et GPM-IMERG (Huffman et al., 2015).
Les principaux résultats obtenus sont détaillés par Bathelemy et al. (2022) et montrent qu’à l’exception de GPM-IMERG, les produits de pluies maillées ont bien représenté le régime de pluie dans les Grandes Antilles (figure 3). De plus, MSWEP est relativement performant pour la plupart des métriques statistiques calculées et a donc été recommandé pour la plupart des études hydrométéorologiques dans la région étudiée. Les produits CHIRPS et PERSIANN-CDR sont performants dans l’estimation de la saisonnalité des pluies et sont recommandés pour les études portant sur l’évaluation et la gestion des ressources en eau. Le produit CHIRPS est aussi performant dans l’estimation des quantiles de fortes pluies et est recommandé pour les études statistiques des évènements de fortes pluies. Enfin, les produits ERA-5 et GPM-IMERG ont une bonne capacité à capturer les jours humides et les jours secs et peuvent être utilisés pour déterminer certains indices climatiques.
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Figure 3 Régimes de pluie des pluviomètres de références et des 5 produits de pluies maillées dans les Grandes et les Petites Antilles (Bathelemy et al., 2022). Rainfall patterns of reference rain gauges and 5 gridded rainfall datasets in the Greater and Lesser Antilles (Bathelemy et al., 2022). |
3.2. Analyse spatio-temporelle des pluies sur la période 1979-2017
Une analyse spatio-temporelle de la pluviométrie a donc été réalisée avec la base de données de pluies MSWEP (Beck et al., 2019). Cette analyse a mis en évidence une forte variabilité spatiale de la pluviométrie, et a permis de diviser Haïti en quatre zones de pluies homogènes (figure 4). Le sud-ouest d’Haïti est la zone la plus humide (zone 1), avec une pluviométrie moyenne annuelle de 1900 mm/an, et la façade ouest d’Haïti, excepté le sud-ouest, est la zone la plus sèche (zone 4), avec une pluviométrie de 1100 mm/an. Les résultats obtenus ont aussi montré que les quatre saisons de pluies caribéennes (WDS, ERS, MSD et LRS) sont observées dans les régimes de pluies de chacune des quatre zones de pluies homogènes. Les trois premières zones ont un régime de pluie bimodal, avec des pics de pluie et de débits pendant l’ERS et la LRS. La zone 4, formée par la façade ouest d’Haïti (excepté le sud-ouest) a un régime de pluies unimodal, avec une longue période de pluie de mai à novembre mais moins intense par rapport aux trois autres zones. Une période sèche entre les années 1980-2000 et une période humide à partir de 2000 ont aussi été identifiées.
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Figure 4 Variabilité spatiale des pluies moyennes annuelles en Haïti calculées avec les données MSWEP sur la période 1979-2017. Spatial variability of mean annual rainfall in Haiti calculated with MSWEP dataset over the period 1979-2017. |
La base de données de pluies MSWEP a aussi été utilisée pour caractériser les cumuls de plus de 30 épisodes de pluies ayant provoqué les inondations identifiées par Terrier et al. (2017). La cohérence spatiale entre les régions où les cumuls MSWEP ont été les plus élevés et les régions réellement inondées a été analysé. Les résultats obtenus ont montré que les cartes des cumuls de pluies MSWEP sont cohérentes avec les départements affectés pour plus de 85 % des épisodes de pluies. Les cumuls des pluies lors de ces épisodes de pluies sont compris entre 50 et 400 mm. MSWEP semble donc bien capturer la plupart des épisodes pluvieux listés par Terrier et al. (2017) et a donc été utilisé pour caractériser l’ensemble des épisodes de fortes pluies sur la période 1979-2017. Plus de 1300 épisodes de fortes pluies (épisodes de pluies dont les cumuls sont supérieurs à 50 mm) ont été identifiés de manière automatique pendant la période 1979-2017 en Haïti. Ces épisodes de fortes pluies sont plus fréquents dans le sud-ouest et le nord d’Haïti.
4. Synthèse de l’hydrologie haïtienne
Dans les sections précédentes, l’hydrologie d’Haïti a été étudiée sur deux périodes différentes : la période 1920-1940, qualifiée de période ‘historique’ et la période 1979-2017, qualifiée de période ‘récente’. Les régimes interannuels des pluies et des débits, les variabilités des pluies et des débits, les épisodes de fortes pluies et les débits maximum associés ont été étudiés, et une analyse fréquentielle des pluies et des débits a été réalisée pour chacune des périodes étudiées. Cependant, des bases de données différentes ont été utilisées pour chacune des périodes étudiées. De ce fait, les résultats obtenus sur les deux périodes étudiées peuvent être différents et cette différence peut être liée soit à la climatologie (si les périodes étudiées ont été plutôt sèches ou plutôt humides) et/ou aux bases de données utilisées. Ainsi, cette section vise à faire une synthèse de l’hydrologie en Haïti.
Premièrement, les résultats obtenus avec Simbi (période historique) et MSWEP (période récente) ont été comparés. La comparaison a montré que la période 1920-1940 semble être plus humides avec les pluies et débits moyens mensuels et annuels, les nombres de jours de fortes pluies, les nombres et les intensités de fortes pluies qui sont nettement plus élevés pendant la période historique (1920-1940) que sur la période récente (1979-2017) pour la plupart des bassins versants étudiés. Par contre, les pluies maximales annuelles obtenues sur la période historique sont plus faibles que celles obtenues sur la période récente. Il est possible que les cyclones tropicaux jouent un rôle non négligeable car les évènements pluvieux liés aux cyclones tropicaux produisent des cumuls de pluies beaucoup plus élevés sur la période récente, ce qui peut être l’une des raisons qui explique que les pluies maximales annuelles soient plus élevées sur la période récente. En somme, la période historique semble être plus humide que la période récente mais les cyclones tropicaux intensifient les pluies maximales annuelles pendant la période récente.
Ensuite, l’évolution des pluies annuelles sur le XXe siècle a été étudiée à partir de la base de données de Moron et al. (2015) et de la réanalyse 20CR (Slivinski et al., 2019). La base de données mensuelles de Moron et al. (2015) semble montrer que la période 1920-1940 a été effectivement l’une des périodes les plus humides d’Haïti (figure 5).
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Figure 5 Evolution de la pluviométrie annuelle en Haïti sur la période 1900-2017 avec les bases de données 20CR (Slivinski et al., 2019), Moron et al. (2015) et MSWEP. Les lignes horizontales représentent les pluies moyennes annuelles calculées sur la période historique 1920-1940. La période historique et la période récente sont représentées par des lignes continues. Evolution of annual rainfall in Haiti over the period 1900-2017 using the 20CR (Slivinski et al., 2019), Moron et al. (2015) and MSWEP databases. The horizontal lines represent the mean annual rainfall calculated over the historical period 1920-1940. The historical and recent periods are represented by solid lines. |
Cependant, cette base de données est lacunaire, et les ruptures dans les séries peuvent influencer les résultats. A l’inverse, l’analyse des données de pluies de la réanalyse 20CR a montré que la période 1920-1940 a été plus sèche que la période récente. Cependant, ces données ne sont pas des données observées mais des données issues d’une réanalyse n’assimilant pas de données de pluies, et sont disponible sur des larges mailles (une maille 20CR représente environ 45 % de la superficie d’Haïti). Ainsi, il est difficile, avec cette analyse de différentes bases de données, de conclure si la période historique a été effectivement plus humide, si les différences observées sur les deux périodes sont liées aux différences entre les bases de données considérées.
Conclusion
Jusqu’à ce travail, très peu d’études avaient été réalisées sur l’hydrologie des bassins versants haïtiens, et aucune sur les pluies et crues fortes. Ce type d’étude est pourtant essentiel pour une meilleure compréhension des aléas hydrométéorologiques en Haïti. Cette thèse a permis de caractériser les évènements marquants en Haïti tels que les cyclones et les pluies intenses “hors cyclones”. Ensuite, les cumuls, les durées et l’évolution spatio-temporelle des épisodes de fortes pluies ont été caractérisés. Enfin, des ordres de grandeurs des pluies et crues fortes ont été estimés pour l’ensemble du territoire couvert par un bassin versant jaugé, et ceci pour différentes périodes de retour et différentes méthodes. Une estimation qualitative de l’incertitude autour de ces valeurs a également été réalisée. Ces ordres de grandeurs peuvent désormais être considérés pour définir des seuils de pluies et débits en Haïti.
Cette thèse a permis de rassembler et publier une base de données hydro-climatiques historiques (1920-1940) en Haïti. Elle a permis de valoriser des données hydro-climatiques qui jusque-là étaient inexploitées. De plus, cette base de données a été utilisée pour caractériser plusieurs bassins versants à partir d’indices et signatures hydrologiques qui peuvent être utilisés par la communauté scientifique ou des bureaux d’études. En somme, cette thèse constitue la première étude détaillée sur l’hydrologie haïtienne et a permis de décrire le fonctionnement des bassins versants jaugés lors de pluies et crues fortes.
Remerciements
Je remercie mes deux directeurs de thèse et les laboratoires Géoazur, URGéo et HYCAR qui m’ont permis de réaliser cette thèse. Je remercie également la BHS (Bibliothèque Haïtienne des Spiritains) et l’UHM (Unité Hydro-Météorologique d’Haiti) pour leur partage des données hydrométéorologiques et certaines archives historiques, ainsi que les étudiants qui ont travaillé sur la numérisation des archives papiers. Enfin, un remerciement spécial à l’Ambassade de France en Haïti, l’IRD (Institut de Recherche pour le Développement) et le BRH (Banque de la République d’Haïti) qui ont financé cette thèse.
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Citation de l’article : Bathelemy R., 2024. Monographie hydrologique d’Haïti : analyse et prédétermination des pluies et crues fortes à partir de données d’archives et satellitaires. Climatologie, 22, 2.
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Figure 1 Contexte géographique d’Haïti. Les lignes et les points rouges représentent les failles et les séismes majeurs (Styron et al., 2020). Les lignes bleues représentent les trajectoires des cyclones ayant traversé Haïti depuis 1950. Les points bleus représentent les chefs-lieux des départements. La topographie en arrière-plan est issue des données SRTM (Reuter et al., 2007). Geographical context of Haiti. The red lines and dots represent faults and major earthquakes (Styron et al., 2020). The blue lines represent the tracks of hurricanes that have passed through Haiti since 1950. The blue dots represent departmental capitals. The topography in the background is derived from SRTM data (Reuter et al., 2007). |
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Figure 2 Cumuls des pluies et débits maximum journaliers associés aux 24 cyclones identifiés sur la période 1920-1940 sous forme de boites à moustaches (les hauteurs des boites représentent les quantiles 25 et 75 %). Chaque boite à moustaches représente l’ensemble des cumuls de pluies ou débits maximum des 21 bassins versants pour un cyclone donné. Les couleurs représentent les catégories des cyclones : TS pour tempête tropicale, H1 à H4 représente les cyclones de niveau 1 à 4. Cumulative rainfall and maximum daily discharge associated with the 24 cyclones identified over the period 1920-1940 in the form of boxplot (the heights of the boxes represent the 25% and 75% quantiles). Each boxplot represents the total accumulated rainfall or maximum discharge in the 21 catchments for one cyclone. The colours represent the categories of the cyclones: TS for Tropical Storm, H1 to H4 for Cyclone Levels 1 to 4. |
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Figure 3 Régimes de pluie des pluviomètres de références et des 5 produits de pluies maillées dans les Grandes et les Petites Antilles (Bathelemy et al., 2022). Rainfall patterns of reference rain gauges and 5 gridded rainfall datasets in the Greater and Lesser Antilles (Bathelemy et al., 2022). |
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Figure 4 Variabilité spatiale des pluies moyennes annuelles en Haïti calculées avec les données MSWEP sur la période 1979-2017. Spatial variability of mean annual rainfall in Haiti calculated with MSWEP dataset over the period 1979-2017. |
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Figure 5 Evolution de la pluviométrie annuelle en Haïti sur la période 1900-2017 avec les bases de données 20CR (Slivinski et al., 2019), Moron et al. (2015) et MSWEP. Les lignes horizontales représentent les pluies moyennes annuelles calculées sur la période historique 1920-1940. La période historique et la période récente sont représentées par des lignes continues. Evolution of annual rainfall in Haiti over the period 1900-2017 using the 20CR (Slivinski et al., 2019), Moron et al. (2015) and MSWEP databases. The horizontal lines represent the mean annual rainfall calculated over the historical period 1920-1940. The historical and recent periods are represented by solid lines. |
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