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Climatologie
Volume 13, 2016
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Page(s) | 2 - 23 | |
DOI | https://doi.org/10.4267/climatologie.1167 | |
Published online | 22 February 2017 |
‘Un mot pour Gérard BELTRANDO’ Hommages de douze de ses ancien(ne)s doctorant(e)s
(dans l’ordre chronologique des soutenances)
Hommage de Igor SARMIR – ‘La Champagne et le Champagne’
Thèse soutenue le 17 novembre 1995 à l’Université Paris VII et intitulée « fbilité spatio-temporelle des températures minimales et des dégâts du gel printanier dans le vignoble champenois ».
En dehors du mot ‘climatologie’, ‘la Champagne et le Champagne’ constituent indéniablement le symbole le plus caractéristique des années d’amitié et de collaboration entre Gérard Beltrando et moi-même. Accompagné par lui, j’ai fait la découverte de la région et du produit. Malgré une première impression un peu décevante, car il pleuvait tout le temps pendant les deux jours du printemps 1991 lors de notre premier déplacement à Epernay, j’ai progressivement appris à aimer, moi, amateur de la haute montagne, ce pays d’une topographie vallonnée, mais peu accentuée. Quant au produit, les dégustations régulières m’ont permis de découvrir les finesses du Champagne, de le distinguer d’autres vins mousseux et de comprendre, pourquoi il est à juste titre trois fois plus cher.
Gérard Beltrando a été pour moi beaucoup plus qu’un codirecteur de ma thèse (le directeur officiel a été un autre ami, Michel Lecompte, décédé en 2001). Gérard a été non seulement une source d’inspiration pour mes études, mais surtout quelqu’un qui m’a beaucoup aidé à acquérir la confiance en moi-même dans un contexte politique, économique et social nouveau pour moi. En effet, ma vie antérieure s’est déroulée derrière le ‘rideau de fer’, qui est tombé une année à peine avant mon arrivée en France. Les gens ordinaires dans les pays ‘socialistes’ avaient, à tort ou à raison, beaucoup de respect pour les compétences professionnelles et les performances de travail des citoyens des pays ‘capitalistes’, et il leur fallait un certain temps pour comprendre qu’un progrès individuel, sur le plan humain et scientifique, demande partout plus ou moins le même effort indépendamment du régime politique sur place. L’approche désinvolte et détendue de Gérard par rapport aux défis de la vie quotidienne m’a beaucoup aidé à surmonter une certaine incertitude subconsciente dont je souffrais au début.
Quant à la préparation de ma thèse, l’influence de Gérard a été également décisive. En fait, l’article rédigé par lui sur la base des données relevées sur le terrain par moi, m’a montré clairement le sens de mes futurs travaux. C’était Gérard qui dans une revue scientifique1 a présenté pour la première fois l’hypothèse de l’impact de l’interaction des vents catabatiques avec le vent général sur la répartition spatiale du gel de printemps. Dans ma thèse, j’ai repris cette hypothèse, je l’ai vérifiée sous l’angle de quatre approches différentes et indépendantes, et j’ai montré sa pertinence et ses limites (le modèle fonctionne parfaitement dans le cas des versants donnant sur les plaines, mais pas dans les vallées). Gérard m’a également beaucoup aidé lors de la rédaction de la thèse et juste avant la soutenance.
La dernière fois, j’ai vu Gérard Beltrando en février 2009, à l’occasion d’une de mes missions à Paris. Je l’ai trouvé en pleine forme et plein d’optimisme malgré les épreuves graves de santé, qu’il avait subies auparavant et dont il m’a parlé. Pour cette raison, j’ai été vraiment choqué par son décès, parce que, lorsqu’on a un certain âge, la vigueur et la volonté de vivre, qui ne lui manquaient manifestement pas, sont essentielles pour la survie.
Igor SARMIR
(Slovaquie)
Hommage de Sébastien BRIDIER – ‘Alors voilà, finalement il ne reste rien d’autre qu’une poignée de cendres… Non, pas qu’une poignée de cendres ...’
Thèse soutenue en 2001 à l’Université Paris VII et intitulée «Modélisation de la répartition des brises et des températures en situation radiative » (en co-direction avec Gérard Beltrando et François Durand-Dastès).
A partir de 21 ans, j’ai embrassé les deux passions qui ont guidé ma vie, la climatologie et les arts martiaux. Dans ces deux voies, j’ai eu la chance de rencontrer un maître. Etrangement, ils ont été par certains aspects de leur caractère et de leur comportement très semblables. Ils ne m’ont jamais épargné, me poussant à aller plus loin, me laissant le libre choix d’arrêter ou de poursuivre. “Un vrai maître vous aide à réaliser que vous êtes votre propre maître” m’a dit plusieurs fois mon maître Thi Tran Tien.
J’ai suivi un cursus de géographie avec d’illustres professeurs comme O. Dollfus, F. Durand-Dastès, L. Sanders, T. Saint-Julien, D. Pumain, B. Coque, Y. Veyret, R. Knafou, C. Grasland, J.-C. François, J. Ronchail, et d’autres… et Gérard Beltrando. Mon premier TD avec lui, j’ai été enchanté, tout était simple, limpide, facile : je voulais faire çà. Je n’avais rien réussi jusque-là, mais ça, c’était pour moi… Après le premier semestre de la première année, j’ai pour la première fois de ma vie commencé à travailler avec facilité, j’ai suivi tous les autres cours pour continuer à faire de la climatologie avec lui. Et rien d’autre. En licence, il m’a mis des notes passables pour ne pas que je crois que c’était facile (il me l’a expliqué par la suite), alors même que mon travail était plus que correct, mais au-delà de la note, je sentais que je pouvais le faire, je voulais le faire, j’avais besoin de le faire.
Avec du recul c’est très martial comme attitude. Tant qu’on cherche à obtenir la récompense, on passe à côté du “truc”. C’est une fois que l’on commence à créer sa propre manière de faire que l’on emprunte la “voie”.
En maîtrise, nous avons parcouru les vignes avec mon compère Hervé Quénol « en se gelant les c.......» à -15°C; nous sommes monté sur des escabeaux au-dessus des vignes pour faire des profils de températures nocturnes; nous avons dormi dans les vendangeoirs; nous sommes allés avec Gérard rencontrer les ingénieurs polytechniciens pour la modification du tracé du TGV-Est. Nous avons aussi eu la trouille avant notre première communication orale à Liège. Plus tard, nous avons lancé des ballons captifs, fait de la fumée pour voir les brises, tiré des fusées pour mesurer la température en altitude, « bouffé de la poussière » sur les chantiers du TGV. Nous avons même construit une soufflerie en bois de cagette dans le hangar de la station expérimentale de la Pugère. C’était tellement grisant de pouvoir imaginer, et essayer ce qui nous passait par la tête.
Gérard nous a reconnu, et je ne pense pas mentir en disant que cela nous a permis de nous reconnaitre nous-même. Nous sommes devenus des chercheurs, des enseignants, et nous avons fini par l’accepter en tant que tels, nous n’étions plus les « lycéens loosers » d’avant. Je n’y croyais toujours pas lorsque j’ai été recruté, lorsque j’ai été président du jury du bac… surtout moi, qui avait plusieurs fois redoublé et trainé allègrement. On ne l’a pas fait uniquement par la volonté de cet homme, mais par la liberté et le challenge qu’il nous a mis en main. Le dernier jour avant ma soutenance, il n’était pas d’accord avec ma présentation, et il l’a rappelé pendant son intervention, mais il m’a amené là, sans que je ne m’en rende compte.
Je ne suis pas celui qui a fait le plus de choses avec lui, mais je peux dire que je l’aimais comme on peut chérir profondément quelqu’un qui a tant contribué à ce que je suis aujourd’hui. Lorsque j’ai appris son décès, j’ai pensé à Chantal, au “petit Gérard” que je n’avais vu qu’enfant à la crèche de la fac. Je me suis dit qu’il manquerait à beaucoup de gens. Je l’ai connu toute ma vie d’adulte, sachant qu’il était malade, puis gravement malade, et pire encore, mais il revenait à chaque fois. Mais pas cette fois. Je l’ai connu essentiellement en tant qu’élève, et il reste mon “Directeur”. Il est pour moi plus qu’une grande figure, d’autres en parlerons mieux que moi. Je veux m’en souvenir simplement comme celui dont l’ombre se projetait sur mon ombre, qui me faisait sentir que c’était possible, progressivement, sans enseignement, ishin-denshin.
Merci pour tout Bébel.
Sébastien BRIDIER
(France)
Hommage de Hervé QUÉNOL – ‘Le terrain…’
Thèse soutenue en 2002 à l’Université Paris VII et intitulée « Modifications climatiques aux échelles fines générées par un ouvrage linéaire en remblai : l’exemple de la ligne à grande vitesse du TGV Méditerranée sur le gel printanier et l’écoulement du mistral dans la basse vallée de la Durance ».
Difficile de réduire en un seul mot une histoire commune de 25 ans ! J’ai connu Gérard dès le début de ma formation universitaire en 1ère année de DEUG de Géographie à l’Université Paris 7. Mon parcours universitaire a donc été guidé par Gérard du début à la fin, c’est-à-dire jusqu’au doctorat et même post-doctorat. C’est lui qui m’a fait découvrir et aimer la climatologie. Puis, nous avons été collègues et nous avons partagé plusieurs projets, que cela soit au niveau scientifique ou associatif (bureau de l’AIC). Un des grands moments, pour moi, restera l’AIC à Verzenay en 2006, où nous avons pu nous retrouver avec Gérard, Malika, Sébastien, Sandra, ... Le petit groupe de géographes-climatologues de l’équipe DYNMIRIS de l’UMR8586 PRODIG.
Tout a vraiment commencé en 4ème année en 1994. Parti pour faire une maitrise en “analyse spatiale et cartographie”, Gérard m’a fait changer d’avis après nous avoir proposé (avec mon pote Seb) un sujet de climatologie appliquée. Il faut dire que c’était difficile à refuser lorsqu’il nous a dit qu’au lieu d’aller en cours, nous serions dans les vignobles (et les caves) de Champagne ! Ce qu’il ne nous avait pas dit, c’est qu’il fallait rattraper les cours et les examens dès notre retour. Mais, c’est surtout à partir de cette expérience que j’ai découvert une vraie passion pour les mesures de terrain. Et les expérimentations sur le terrain, c’était pour Gérard, la base d’une étude de climatologie appliquée. Avant de faire de la modélisation ou de la simulation climatique, la priorité est déjà d’observer le climat in situ.
Cela a été le cas notamment pour cette étude en Champagne où l’objectif était d’évaluer l’impact de la future (à l’époque) ligne à grande vitesse du TGV Est-Européen sur le risque gélif dans les vignobles de Verzenay/Sillery. Gérard avait eu l’idée de faire installer une bâche ayant la même hauteur et la même longueur que le remblai puis d’installer des thermomètres à alcool (avec curseur permettant d’obtenir la température minimale de la nuit) afin de faire des mesures comparatives (avec et sans la bâche) en situation de gel printanier. Les résultats avaient montré qu’avec la bâche la température était plus basse de 2°C en amont de la bâche (situation de blocage d’air froid) par rapport au site témoin. Difficile de contester des données obtenues sur le terrain... la SNCF a ensuite du modifier le tracé du TGV !
Les campagnes de terrain se sont succédées lors des différentes études que j’ai pu partager avec Gérard : impact agroclimatique de la ligne TGV Méditerranée en Durance; impact d’un remblai routier sur le gel printanier dans le vignoble de Chatenois; études climatiques à échelles fines dans le vignoble de Vinho Verde au nord du Portugal et dans les vignobles tunisiens de Kélibia; variabilité climatique locale à proximité des lagunes du Pantanal (Brésil) ... Même si les outils ont évolué (les thermomètres à alcool ont été remplacés par des capteurs électroniques), la démarche scientifique a toujours été la même, c’est-à-dire avoir une bonne connaissance du climat local pour ensuite construire et valider les modèles.
Nos années de collaboration puis d’amitié peuvent se résumer aux périodes ‘Monsieur Beltrando’, ‘Bébel’ puis ‘Gérard’. “M. Beltrando”, c’était la période où Gérard me demandait inlassablement de le tutoyer mais je n’y arrivais pas. Il faut dire qu’il était d’une grande rigueur et assez intransigeant avec ses étudiants. “Bébel”, c’était entre nous (ses thésards) notamment quand il nous avait bien énervé comme par exemple, après nous avoir posé “un nième lapin”. Et “Gérard”, c’était après la soutenance de thèse, quand j’ai réussi (enfin) à le tutoyer.
La dernière fois que j’ai vu Gérard, c’était en décembre 2015 à Paris, aux Grands Moulins. Je profitais de la COP21 pour passer un petit bonjour à mes amis de P7 ! Nous avons discuté tranquillement de “tout et de rien” devant un café. Naturellement, je ne savais pas que ce moment serait le dernier... En tous les cas, je sais que je lui dois énormément.
Hervé QUÉNOL
(France)
A l’AIC d’Epernay (septembre 2006), avec de gauche à droite : Malika Madelin, Hervé Quénol, Gérard Beltrando et Sébastien Bridier
Hommage de Malika MADELIN
Thèse soutenue le 17 décembre 2004 à l’Université Paris VII et intitulée « L’aléa gélif printanier dans le vignoble marnais en Champagne. Modélisation spatiale à une échelle fine des écoulements de l’air et des températures minimales » (en co-direction avec Gérard Beltrando et Lena Sanders).
Il y a tant de souvenirs, de moments partagés… Depuis le tout premier cours en géographie où j’ai adoré la climatologie, jusqu’à un dernier repas, plus de vingt ans après, où il était tellement lui, à gribouiller un croquis pour expliquer à une post-doc les phénomènes physiques à l’échelle de la rue, tout en tachant sa chemise (comme d’hab’) et en payant le café à nous toutes, en ‘grand prince’… Un brin filou, un brin baratineur, il ne laissait pas indifférent et donnait l’impression d’être invincible, avec ses nombreux allers-retours hospitaliers. Fidèle à ses étudiants, chef d’un clan en quelque sorte.
Tant de moments qui ont participé à façonner ma réflexion géographique, qui m’ont construite en tant que géographe-climatologue, qui ont orienté mon parcours professionnel. Son regard plein de fierté me rassurait, il me manque. J’espère qu’il savait à quel point il était important pour moi.
J’ai choisi un souvenir qui date de ma maîtrise, je crois. Je cherchais à expliquer les températures minimales dans le vignoble champenois à partir de nombreux facteurs. De si nombreux facteurs qu’il m’avait claqué un « je suis sûr que tu vas pouvoir corréler tes températures avec le prix du beurre dans chaque village ! ». C’était tout lui. Capable en quelques mots de déstabiliser, de bouger le curseur permettant d’avancer. En l’occurrence, de réfléchir aux entrées d’un modèle, à la distance nécessaire quant aux chiffres. Cette année-là, plus largement, j’ai eu l’impression d’avoir découvert l’apport des géographes-climatologues, notamment par rapport au terrain et à la modélisation… des idées que je retrouverais plus tard lors de la lecture de son HdR, écrite un ou deux ans avant. Ou tout l’art d’orienter ma réflexion, l’air de rien…
Merci Gérard.
Malika MADELIN
(France)
Photo de Gérard prise dans notre ancien bureau, à Olympiades (Paris Diderot).
Hommage de Salem DAHECH – ‘Travail, sincérité, confiance et transparence’
Thèse soutenue le 27 mars 2007 à l’Université Paris VII et intitulée « Le vent à Sfax (Tunisie) : impact sur le climat et la pollution atmosphérique ».
Avec Monsieur Beltrando, nous avions une relation, du moins pour moi, spéciale; une relation qui peut être résumé en quatre mots : travail, sincérité, confiance et transparence. Le premier contact a eu lieu en février 2003 quand il est venu de Paris à Lille où j’étais en DEA. Il faisait -4°C et ça tombe bien puisque l’objet du cours portait sur les risques liés au temps et au climat. Je me rappelle bien que les deux séances de cours étaient bien animées et interactives. Dès la première année de thèse, il s’est déplacé à Sfax (en Tunisie), mon terrain d’étude, où nous avons réalisé des mesures de la pollution de l’air. Nous avons parcouru plusieurs kilomètres à pied et en moto (malheureusement sans casque, chose qu’il n’apprécia pas).
Nos entretiens étaient réguliers (presque un rendez-vous par quinzaine). Il était prévoyant puisqu’il m’a annoncé la date de ma soutenance de thèse, à quelques jours près, 14 mois après ma première inscription. Toutefois, pour la boucler dans le temps imparti, il mettait souvent la pression en me disant d’un ton aigu : « une thèse, c’est trois ans », « quand on commence une thèse, on n’est pas sûr de la soutenir », « tel doctorant pleurait… ». Etant un ancien footballeur, je l’ai comparé souvent à un coach qui avait la rage de vaincre. D’ailleurs, il l’a prouvé souvent en surmontant sa maladie, apparu depuis ma deuxième année de thèse. Une maladie qui n’a jamais affecté son dévouement pour la recherche et l’enseignement : il a été omniprésent au laboratoire, il multipliait les projets de coopération internationale et les encadrements.
Durant les années de thèse 2003-2007, Gérard Beltrando nous incitait à participer à diverses manifestations scientifiques internationales et nationales. Nous avons également acquis le matériel nécessaire pour réaliser des mesures spécifiques. Nos travaux et colloques étaient financés, en grande partie, par des crédits personnels qu’il a obtenus à travers plusieurs années d’expertises et de travaux dans les vignobles en Champagne ou ailleurs. Donc, on s’est permis de participer à quatre colloques par an mais la seule condition était la publication des travaux présentés : « pas de financement sans publication ». Il nous a appris à anticiper, ainsi nous devrons, avec mon collègue Mounir Jarraya, présenter nos communications orales, prévues pour l’AIC, en juin avant de rentrer en Tunisie, soit deux mois avant le colloque qui se tenait à l’époque, début septembre.
Le soutien de Monsieur Beltrando à ses doctorants était sans faille et rares sont les doctorants qui n’arrivaient pas à achever leurs thèses (pourtant, certains imprévus dépassent parfois l’encadrant). Les doctorants étaient multinationaux (français, sénégalais, ivoiriens, tunisiens, algériens, marocains, roumains). Gérard était influant au sein de son UFR et laboratoire, et ne ménageait pas ses efforts pour défendre ses doctorants; d’où la chance pour moi de pouvoir enseigner à Paris 7 une année comme vacataire et deux ans comme ATER à mi-temps.
Après la thèse, nous avons continué à collaborer sur plusieurs plans. J’ai eu la chance de décrocher deux stages sous sa direction, chacun de 7 mois, en 2010 financé par l’AUF et le deuxième en tant que lauréat du programme Research in Paris en 2012 par la mairie de Paris. Nous avons monté, en collaboration avec mon professeur et collègue Abdelkarim Daoud, trois projets de collaboration franco-tunisienne entre 2010 et 2016. Nous avons mené ensemble des recherches et mesures en Alsace, à Paris, à Limoge et dans les étangs de la Brenne, à Sfax, à Kerkennah et à Mdhilla… Comme on travaillait bien, mais aussi comme on mangeait bien, car j’étais bien accompagné par un bon vivant… Notre collaboration peut être qualifiée de fructueuse avec une trentaine d’articles en commun. Nous avons coordonné avec Abdelkarim Daoud et Lucile Etienne un symposium international tenu en octobre 2015 à Kerkennah. Dans ce contexte, Gérard Beltrando m’a motivé pour organiser le 30ème colloque de l’AIC à Sfax en Tunisie en juillet 2017. Malheureusement, le colloque aura lieu sans lui mais il restera présent dans nos esprits par sa rigueur, ses conseils et ses directives. Un hommage digne lui sera rendu durant cette conférence internationale.
Ces lignes rédigées plusieurs mois après sa disparition, je reste encore perturbé, car mon Professeur avait un potentiel et une volonté pour aider sans égal.
Salem DAHECH
(Tunisie)
Hommage de Mounir JARRAYA
Thèse soutenue le 28 avril 2009 à l’Université Paris VII et intitulée « Biométéorologie de la morbidité respiratoire dans le secteur public de la santé à Sfax (Tunisie) ».
Je me souviens bien de ma première rencontre avec mon professeur Gérard Beltrando en 2003. C’était dans le cadre de mon DEA à l’Université de Lille 1, où Monsieur Beltrando tenait un cours sur les risques et les catastrophes climatiques qui m’a profondément marqué. J’étais tellement imprégné de ce thème que je me suis lancé dans un projet de thèse sur la climatologie appliquée à la santé. Gérard Beltrando m’a inspiré le sujet de ma thèse, il m’a prodigué toutes les directives nécessaires au démarrage de mon travail de recherche. Il a suivi toutes les étapes de la réalisation de la thèse avec vigilance et m’a apporté une aide précieuse lors de la formulation de la problématique et surtout au niveau de la collecte des données. Je lui saurai gré de m’avoir aidé dans la mise en place des conventions de coopération entre l’Université Paris 7 et les structures publiques en Tunisie, et de s’être rendu personnellement à Sfax en 2004, pour la première fois, afin de prospecter le terrain de ma recherche et de discuter avec les médecins impliqués dans mon travail.
Les efforts déployés par Gérard Beltrando dans la lecture, la correction et la relecture des différents chapitres de ma thèse ainsi que dans mes autres activités de recherche (articles et communications) sont dignes d’être loués et reconnus. C’est grâce à ses conseils et directives que je suis parvenu à surmonter les difficultés qui accompagnent tout travail de recherche et que je suis devenu l’enseignant-chercheur que je suis. Ses propos resteront à jamais gravés dans ma mémoire : « Tu écris trop, il faut apprendre à être synthétique et aller directement à l’essentiel… Il faut résumer ces dix pages en deux… Si tu arrives à la fin de ta thèse à formuler ta problématique en deux phrases, je serai rassuré d’un bon futur chercheur… Soutenir une thèse est le fait de la défendre… ».
Je me souviens de nos longues discussions, qui m’ont appris à me défendre et à étayer mes idées par les arguments et les exemples susceptibles de convaincre l’autre. Il ne cessait de me dire : « Si tu arrives à me convaincre, tu t’en sortiras le jour de la soutenance ». Il était très exigent, il n’hésitait pas à m’adresser ses critiques les plus virulentes, afin de me mettre sur les rails. Gérard Beltrando était également très perfectionniste, il prêtait attention à tous les petits détails. Quand nous partions dans des missions (aux colloques de l’AIC ou autres), il faisait en sorte que nos textes soient envoyés avant les délais. Il s’occupait aussi des derniers préparatifs et tenait à ce que les présentations orales soient bien préparées.
Durant sa maladie, il a toujours été optimiste, il n’a jamais perdu son sourire. Quand je l’ai visité à l’hôpital, j’étais très touchée par son professionnalisme et par sa grandeur d’âme : au lieu de s’occuper de son état de santé, il s’est mis à parler de ma thèse et des échéances de la soutenance. Tout au long de son parcours professionnel, il a fait preuve d’une grande persévérance et d’un extrême dévouement : malgré la dégradation de sa santé, il a continué à se réveiller très tôt et à travailler pendant des heures. Il a même accepté d’être nommé à la tête de l’Institut des Etudes Doctorales de Paris-Diderot, une lourde charge administrative qui n’a pas été sans répercussions sur son état de santé déjà fragile.
C’est lors du symposium international de Kerkennah en octobre 2015 que j’ai vu Gérard Beltrando pour la dernière fois. Il était en pleine forme, animé d’un grand enthousiasme et très soucieux de la réussite du colloque. Le jour de la clôture du colloque, il a tenu à ce qu’on prenne une photo avec ses thésards (photo ci-après) comme s’il voulait nous dire : « Adieu, nous ne nous reverrons plus ». Son décès m’a douloureusement affecté et m’a affligé très profondément. Je n’oublierai jamais Monsieur Beltrando qui m’a passionné pour la recherche et m’a appris à être méticuleux dans mes travaux et à m’armer de volonté pour parvenir à avancer et à surmonter les difficultés. Il restera pour moi l’exemple de la passion et du dévouement dans le travail.
Mounir JARRAYA
(Tunisie)
Gérard Beltrando (au centre) et 4 de ses thésards à Kerkennah en 2015 (avec de gauche à droite : Salem Dahech, Jouda Ben Arfa, Lucile Etienne et Mounir Jarraya)
Hommage de Elodie BRICHE
Thèse soutenue le 11 octobre 2011 à l’Université Paris VII et intitulée « Changement climatique dans le vignoble de Champagne : modélisation thermique à plusieurs échelles spatio-temporelles » sous la direction de Gérard Beltrando et Hervé Quénol.
Au final, je n’aurai pas eu le temps de vous tutoyer, pourtant vous me l’aviez proposé à plusieurs reprises et je garde en mémoire notre dernière conversation téléphonique où comme toujours, depuis 2006, vous répétiez « de ne rien lâcher ».
Je continuerai dans ce sens autant que possible… et parmi les nombreux souvenirs que je garde avec vous, il restera les échanges de mails à l’aube, dès six heures du matin où parfois j’hésitais à lire en détails car l’écriture turquoise signifiait l’importance des mails ou tout simplement nous échangions comme une simple conversation matinale… Je garderai aussi en mémoire les nombreuses répétitions des toutes premières communications ou les relectures des premiers papiers pour l’AIC où il fallait parfois tout refaire pour enfin avoir la satisfaction de présenter le powerpoint en colloque ou de soumettre l’article.
Et bien entendu, les missions en Champagne avec toujours une « bonne bouffe », les colloques de l’AIC mais surtout celui en Champagne à Epernay en 2006 où je vous ai rencontré pour la première fois avant même de commencer le master 2, et qui allait marquer le début d’une aventure de 5 ans de travail sur ce terrain d’étude.
Mes pensées allaient vers vous lorsque j’ai dispensé les cours de climatologie à Nice cette dernière année mais aussi lors de mes encadrements d’étudiants en essayant de trouver le savant dosage entre rigueur scientifique et chaleur humaine.
En tout cas, merci pour tout, les bons comme les moments plus compliqués mais surtout d’avoir contribué à faire perdurer l’engouement et sans doute la passion que j’éprouve à exercer cette jolie discipline.
Elodie BRICHE
(France)
Hommage de Sarah DUCHE – ‘Un dernier article ensemble’
Thèse soutenue le 26 juin 2013 à l’Université Paris Diderot et intitulée « La pollution de l’air en région parisienne : exposition et perception sur les sites touristiques”.
Mon meilleur hommage à Gérard est cet article posthume, texte que j’aurais voulu rédiger avant avec lui à la suite de mon recrutement à Grenoble : ‘Variabilités spatio-temporelles des concentrations de particules en région parisienne et de la région Rhône-Alpes’.
Sarah DUCHÉ
(FRANCE)
VARIABILITÉS SPATIO-TEMPORELLES DES CONCENTRATIONS DE PARTICULES EN RÉGION PARISIENNE ET DE LA RÉGION RHÔNES-ALPES
Sarah DUCHÉ 1 et Gérard BELTRANDO 2
1 Université Grenoble Alpes - Institut de Géographie Alpine
14bis, avenue Marie Reynoard - 38100 Grenoble – France
sarah.duche@univ-grenoble-alpes.fr
2 Université Paris Diderot, Sorbonne Paris Cité
CNRS UMR 8586 PRODIG, UFR GHSS (c.c. 7001)
5 rue Thomas Mann – 75205 PARIS CEDEX 13 – France
Résumé
Lors de mon travail doctoral, la caractérisation de la variabilité spatio-temporelle de la pollution de l’air en région parisienne à l’aide d’analyses en composante principale (ACP) a été le sujet de nombreuses discussions avec Gérard Beltrando, directeur de ma thèse. La continuité de nos échanges scientifiques est présentée ici à travers la comparaison des résultats de deux ACP : la première sur les concentrations moyennes journalières de PM10 mesurées dans 8 stations franciliennes et la seconde sur les concentrations mesurées dans 22 stations de la région Rhône-Alpes du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2016. Les résultats montrent deux configurations régionales différentes. En région parisienne, la variabilité spatio-temporelle des particules est principalement liée aux variations des sources d’émission. Tandis que le relief, la diversité des sources d’émission et les différentes agglomérations de la région Rhône-Alpes influent sur des répartitions spatiales des niveaux de particules diverses selon les jours, les saisons et les types de temps.
Mots-clés : PM10, analyse en composante principale, Île-de-France, Rhône-Alpes.
Abstract
Spatio-temporal variabilities of PM10 concentration in Paris and Rhône-Alpes areas (France)
During my PhD, spatial and temporal variability studies of air pollution in the Paris region using principal component analysis (PCA) has been the subject of numerous discussions with Gérard Beltrando, director of my thesis. The continuity of our scientific discussions is presented here by comparing the results of two PCA: the first on the mean daily concentration of PM10 measured in 8 stations in the Ile-de-France region (Paris area) and the second on concentration measured in 22 stations in the Rhône-Alpes region (south-east of France) from the 1st January 2007 to the 31 December 2016. In the Parisian area, the spatial and temporal variability of particles is mainly due to emission sources variations. In the Rhône-Alpes area, the relief, the different emission sources and the various agglomerations of the region influence spatial distributions of particle levels according to the days, seasons and types of weather.
Keywords: PM10, principal component analysis, Île-de-France, Rhône-Alpes.
Introduction
Lors du travail doctoral intitulé « La pollution de l’air en région parisienne : exposition et perception sur les sites touristiques » (Duché, 2013), nous avions souhaité caractériser la variabilité spatio-temporelle de la pollution de l’air de la région parisienne. Sur les traces de la méthodologie employée lors du propre travail doctoral de G. Beltrando (Beltrando, 1990), nous avons choisi d’étudier, à l’aide d’une des analyses en composante principale (ACP), la variance spatiale et temporelle des concentrations journalières de trois polluants majeurs (ozone, dioxyde d’azote et particules) mesurées en continu par les stations automatiques du réseau officiel Airparif et réparties dans toute l’Île-de-France. La période étudiée était de du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2012. Pour tous les polluants, les résultats des ACP montraient un premier facteur qui expliquait quasiment toute la variance (environ 90% pour l’ozone et les particules, et 80% pour le dioxyde d’azote). Nous avons re-testé pendant toute la durée de la thèse des ACP avec différentes méthodes (avec ou sans rotation), des périodes d’études élargies, sur les données horaires et pas seulement journalières, avec les stations situées loin des sources d’émission directes, dites de fond ou en travaillant aussi avec celle à proximité direct du trafic routier, celle dite de trafic et enfin, en cherchant à caractériser les dates en les traitant en tant qu’individus et les stations en tant que variables (et vice versa). Les ACP révélant souvent les phénomènes d’effets de masse, en travaillant uniquement sur les stations dites de fond, les résultats obtenus montraient toujours l’importance du premier facteur avec toutes les stations fortement corrélées à ce facteur et une opposition entre les jours avec les taux de polluants les plus élevés et ceux les plus faibles. Ils se traduisent par des augmentations ou des diminutions des concentrations de polluants les mêmes jours pour toutes les stations franciliennes, même si les niveaux moyens sont différents entre le centre dense urbain et la périphérie rurale. Ce qui s’explique par une zonalité en ceinture des sources d’émission du centre parisien aux zones rurales alentours et par le faible relief de la région.
Nous avons souhaité poursuivre le même travail et comparer les résultats sur la région Rhône-Alpes avec ceux de l’Île-de-France, en choisissant ici de nous concentrer sur la pollution aux particules, très problématique avec de forts niveaux en période hivernale et des conséquences sanitaires importantes.
1. Données et méthodes utilisées
Les concentrations moyennes journalières de PM10 (particules avec un diamètre aérodynamique inférieur à 10 μm) ont été sélectionnées du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2015 pour 8 stations en Île-de-France (6 stations en fond, 2 stations proche du trafic) à partir des données libres d’Airparif (www.airparif.asso.fr/stations/index) et pour 22 stations en région Rhône-Alpes (16 en fond, 5 à proximité du trafic et 1 à proximité des industries) à partir des données libres d’ATMO Auvergne-Rhône-Alpes (www.air-rhonealpes.fr/donnees/). Dans cette étude, le choix est fait de retenir les stations éloignées des sources d’émission, dites de fond et celles proche, dites de trafic et industriel car les comparaisons de l’ACP entre la région parisienne et la région Rhône-Alpes montrent des résultats différents. Sont retenues uniquement les stations avec moins de 5% de données manquantes ou de valeurs aberrantes sur la période choisie. On note que peu de stations franciliennes ont des données disponibles sur les PM10 en continu pendant cette période.
Deux ACP sont réalisées : l’une sur les données standardisées de la région parisienne et l’autre sur celles de la région Rhône-Alpes. Les stations ont été choisies comme individus et les dates comme variables.
2. Variabilité entre les stations très liée à la proximité des sources d’émission en région parisienne
Les résultats de l’ACP sur les concentrations de PM10 pour les huit stations franciliennes du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2015 concordent avec ceux analysés durant la thèse de S. Duché (2013) : le premier facteur explique à lui seul 89% de la variance. Cependant, le second facteur a une variance de 6% et peut être pris en compte dans l’analyse.
La figure 1 indique les coordonnées des stations du facteur 1 et 2. Le premier facteur met en opposition les stations avec les plus forts taux de PM10 en moyenne, ceux mesurés aux deux stations trafic, à ceux avec les faibles taux en moyenne, ceux mesurés aux stations dites de fond. Nous noterons, par ailleurs, que les coordonnées des stations les plus éloignées du centre parisien, Lognes et Cergy, ont des coordonnées négatives plus faibles que les autres stations (environ -35 pour les premières et -20 pour les secondes). Tous les jours sont corrélés positivement à ce premier axe qui fait ressortir un effet de masse et uniquement les différences de taux moyens entre les stations plus proches des sources d’émission, avec des niveaux de PM10 plus forts, et celles plus éloignées avec des niveaux plus faibles.
Figure 1 Répartition spatiale des résultats de l’analyse en composante principale sur les taux moyens journaliers de PM10 pour huit stations franciliennes du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2015. Spatial distribution of the results of the principal component analysis on PM10 daily concentration for 8 stations in the Ile-de-France region from 1st January 2007 to 31 December 2015. |
Le second facteur met en opposition les deux stations trafic, celle de l’autoroute A1 située à Saint-Denis et celle du périphérique située à la Porte d’Auteuil. En sélectionnant les 5% des coordonnées positives des dates, on observe que pour ces jours, les niveaux de PM10 de la station de Porte d’Auteuil sont supérieurs ou égaux à ceux de la station de l’autoroute A1. Par exemple, pour la date la plus corrélée positivement à l’axe 2, le 16 avril 2007, le taux moyen journalier de PM10 à la station de la Porte d’Auteuil était de 98 μg/m3 alors que celui de l’autoroute A1 était de 87 μg/m3. À l’inverse, en sélectionnant les 5% des coordonnées négatives des dates, on observe que pour ces jours, les niveaux de PM10 de la station de l’autoroute A1 sont tous supérieurs à ceux de la station de la Porte d’Auteuil. Le 1er janvier 2015, date avec la corrélation négative la plus faible sur F2, le taux moyen de PM10 de l’autoroute A1 était de 53 μg/m3 alors que celui de la Porte d’Auteuil était de 43 μg/m3. Ce qui s’explique certainement par une différence de trafic routier sur les deux axes dans la semaine car les jours durant lesquels les niveaux de PM10 sont supérieurs à la station du périphérique sont majoritairement en milieu de semaine (mardi, mercredi et jeudi) et à l’inverse, les jours avec les niveaux de PM10 supérieurs à la station de l’autoroute A1 sont majoritairement autour et pendant le week-end (vendredi, samedi, dimanche et lundi).
Les résultats de l’ACP sur la région parisienne mettent donc en évidence une variabilité spatio-temporelle des PM10 essentiellement due aux variations de la principale source d’émission de particules en Île-de-France, le trafic routier.
3. Diversité de configurations spatio-temporelles de la pollution aux particules en région Rhône-Alpes
Les résultats de l’ACP sur les concentrations moyennes journalières de PM10 mesurées par 22 stations en Rhône-Alpes indiquent une richesse de variance spatio-temporelle beaucoup plus importante que pour l’Île-de-France. En effet, les 7 premiers facteurs retenus expriment 72% de la variance totale : le 1er facteur correspond à 25% de la variance totale, le 2nd 13%, le 3ème 10%, le 4ème 8%, le 5ème 6%, le 6ème et le 7ème 5%. Le choix est fait ici de ne présenter que les trois premiers facteurs, seule une étude plus exhaustive pouvant prendre en compte les autres facteurs.
Le facteur 1 montre une opposition entre les stations situées dans la vallée du Rhône et celles dans les vallées alpines (figure 2). Les taux de PM10 sont en moyenne supérieurs dans la vallée du Rhône que dans les stations alpines les jours fortement corrélés positivement au premier facteur, et vice versa pour les jours corrélés négativement. Cela s’explique par des différences de conditions météorologiques entre la vallée du Rhône à l’ouest et les Alpes à l’est durant ces jours.
Figure 1 Répartition spatiale des résultats de l’analyse en composante principale sur les taux de PM10 pour 22 stations en région Rhône-Alpes du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2015. Spatial distribution of the results of the principal component analysis on PM10 daily concentration for 22 stations in the Rhône-Alpes region from 1st January 2007 to 31 December 2015. |
Le second facteur oppose la station de Passy, située dans la vallée de l’Arve, et celle de Saint-Jean-de-Maurienne, située dans la vallée de la Maurienne. Les jours fortement corrélés positivement à ce second facteur ont des taux moyens journaliers de PM10 mesurés par la station de Passy jusqu’à six fois supérieurs à ceux mesurés par la station de Saint-Jean-de-Maurienne. Par exemple, le 16 décembre 2013, la concentration moyenne de PM10 était de 108 μg/m3 à la station de Passy et de 17 μg/m3 à la station de Saint-Jean-de-Maurienne. L’analyse des dates mises en évidence sur ce second facteur montre une opposition entre la saison hivernale avec des taux de PM10 à Passy très supérieurs en moyenne à ceux de Saint-Jean-de-Maurienne et la saison estivale et automnale durant laquelle les taux de PM10 à Saint-Jean-de-Maurienne sont supérieurs ou égaux à ceux de Passy. Cela s’explique par la configuration de la vallée de l’Arve, très encaissée, favorisant les inversions thermiques et la concentration des particules dans la vallée en hiver, ainsi que les émissions dues au passage de l’autoroute vers le tunnel du Mont Blanc et l’importante densité de chauffage au bois.
Le troisième facteur différencie les stations à l’ouest des Alpes (Grenoble et Annecy) et celles situées à l’est de la vallée de l’Arve (Passy et Chamonix). Les concentrations moyennes journalières de particules sont plus élevées en période automnale et hivernale à Grenoble et Annecy que dans la vallée de l’Arve, alors qu’elles sont inférieures en période hivernale. On l’explique comme précédemment par l’encaissement plus important pour la vallée de l’Arve que celle de Grenoble et d’Annecy. Les résultats de l’ACP sur les concentrations moyennes de PM10 mesurées dans 22 stations de la région Rhône-Alpes du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2015 montrent une forte variabilité spatio-temporelle des concentrations de particules. En région parisienne, le trafic routier est la principale source d’émission des particules. En saison hivernale, le chauffage au bois émet une grande quantité de particules expliquant en partie les fortes concentrations dans les vallées des Alpes.
Conclusion
La variabilité spatio-temporelle des particules est beaucoup plus importante et complexe dans la région Rhône-Alpes que dans la région parisienne. Cependant, les résultats peuvent être nuancés par le peu de stations mesurant en continu les particules sur cette période, contrairement à la région Rhône-Alpes. Cette différence de nombre de stations de mesure s’explique par la politique des réseaux officiels de placer des stations fixes dans les agglomérations de plus de 100 000 habitants et dans les zones problématiques. Or, la région parisienne est constituée d’une seule agglomération alors qu’il y en a plusieurs en région Rhône-Alpes. Des stations ont aussi été placées dans les vallées alpines où la pollution est problématique, comme dans la vallée de l’Arve. Pour aller plus loin, l’analyse des types de temps et des différentes configurations spatio-temporelles de la pollution aux particules en région Rhône-Alpes est encore à explorer. Enfin, l’agrandissement de la région avec l’Auvergne doit certainement mettre en évidence une nouvelle répartition spatio-temporelle des concentrations de particules, dans une région à la convergence de plusieurs climats. L’étude de la variabilité spatio-temporelle de la pollution de l’air commencé avec Gérard Beltrando reste donc un vaste sujet à fouiller…
Références bibliographiques
Beltrando G., 1990 : Variabilité interannuelle des précipitations en Afrique orientale (Kenya, Ouganda, Tanzanie) et relations avec la dynamique de l’atmosphère. Thèse de doctorat, Géographie, Aix-Marseille 2.
Duché S., 2013 : La pollution de l’air en région parisienne : exposition et perception sur les sites touristiques. Thèse de doctorat, Université Paris-Diderot, 258 pages.
Hommage de Anne-Laure LEREBOULLET
Thèse soutenue à l’Université Paris Diderot le 6 juin 2014 et intitulée « Vulnérabilité et capacité d’adaptation au changement climatique de deux systèmes vitivinicoles méditerranéens. Une comparaison France (Côtes-du-Roussillon-Villages) – Australie (McLaren Vale) ».
Quand on s’est rencontrés, je n’y connaissais absolument rien en vin. En sortant de votre bureau après que vous m’ayez convoquée pour savoir si vous alliez m’accepter en thèse, je pensais avoir tout raté. Vous m’aviez demandé si j’étais plutôt Bordeaux ou Bourgogne, j’avais répondu à tout hasard Bourgogne, et vous aviez commenté ma réponse d’un « ah, je vois » en hochant la tête d’un air entendu. Je ne saurai jamais si c’était la bonne réponse, et de toutes façons je ne suis toujours ni Bordeaux ni Bourgogne, puisqu’on s’était mis d’accord pour que j’étudie une petite région oubliée : les Côtes du Roussillon, à comparer avec un vignoble australien. Ce qui nous a valu des escapades sympathiques dans les collines des Corbières, où votre accent du sud, couplé aux connaissances de rugby de votre ami et collègue Eric Rouvellac, a débloqué bien des entretiens et mené à bien des dégustations avec les viticulteurs.
Ce que je retiens de notre rencontre, c’est que, dès le début, vous m’avez toujours fait confiance. Tout d’abord dans mon travail et mes initiatives de recherche, que vous n’avez pas cessé d’encourager, même si vous n’en voyiez pas toujours l’intérêt ou que vous n’étiez pas forcément d’accord avec le co-directeur australien. Vous m’avez poussée à donner toujours plus, à mettre en valeur mon travail, et à croire en ce que je faisais. Cette liberté que vous m’avez laissée a été le moteur de mon travail de recherche. Vous m’avez fait aussi confiance pour le reste, comme cette fois où vous m’avez laissée me débrouiller pour louer une voiture et parcourir les collines avec une carte Michelin sur les genoux, à la recherche des viticulteurs, moi la petite parisienne qui n’avait jamais touché un volant. Ou comme quand je vous ai annoncé, craignant votre réaction, que j’allais abandonner la recherche pour partir crapahuter je ne sais où, et que vous m’avez simplement dit que vous aviez confiance en moi pour faire les bons choix et retomber sur mes pattes dans tous les cas. Vous m’avez traitée en égale et non comme une simple étudiante, et cela m’a marquée. Je n’y connais toujours pas grand chose en vin, mais vous m’avez aidée à grandir.
Anne-Laure LEREBOULLET
(France)
Dégustation de vin (avec de gauche à droite : Anne-Laure Lereboullet, Eric Rouvellac, une viticultrice du Roussillon et Gérard Beltrando).
Hommage de Lucile ETIENNE – ‘La belle géographie’
Thèse soutenue le 24 septembre 2014 intitulée « Accentuation récente de la vulnérabilité liée au recul du trait de côte et à l’extension des sebkhas dans l’archipel de Kerkennah (Tunisie) » réalisée en cotutelle internationale entre la France (Université Paris Diderot, sous la direction du Pr. G. Beltrando) et la Tunisie (Université de Sfax, sous la direction du Pr. A. Daoud)
Je voudrais ici raconter une toute petite anecdote qui m’a marquée et a contribué à ma construction de géographe… J’étais en début de thèse. Ma vision de la géographie était en pleine construction, je lisais beaucoup et discutais énormément des concepts géographiques, bref je bâtissais ma conception de la géographie. Nous étions à un séminaire de laboratoire, l’ambiance était très conviviale, et l’un des doctorants de Gérard devait présenter une partie de son travail. Ce travail se voulait au-delà des traditionnelles distinctions entre géographie humaine et physique et associait, pour aller vite, des analyses de terrain et des entretiens auprès d’acteurs locaux. A la fin de son discours, le doctorant se voit poser une question (complètement provoc) que je retranscris telle que je m’en souviens :
L’intervenant : « Vous dites que vous travaillez à la fois en géographie humaine et en géographie physique, mais franchement, elle ne sert à rien la géographie physique. ».
Je ne me souviens plus de la réponse du doctorant mais après qu’il ait répondu, Gérard s’est levé et a ajouté à l’attention de l’intervenant : « Tu sais… nous… on ne fait pas de la géographie physique ou de la géographie humaine, nous on fait de la belle géographie… ».
Et bien cette petite phrase, aussi provoc qu’elle soit, a forgé quelque chose dans ma conception de la géographie. Elle est une jolie formule pour dire que les barrières traditionnelles tombent, que les frontières s’estompent et que les limites deviennent floues dans la géographie. Gérard, bien au-delà de cette anecdote, m’a transmis l’idée d’une géographie qui ne cherche pas à rentrer dans des cases mais qui cherche à comprendre le monde dans lequel nous vivons dans toute sa complexité – une belle géographie.
Lucile ETIENNE
(France)
Gérard Beltrando, dans un vignoble de l’archipel de Kerkennah (2010).
Hommage de Ariane SAKHY – ‘L’étude du climat n’a que plus d’intérêts si elle est mise au service des hommes !’
Thèse soutenue le 28 juin 2016 intitulée « Îlots de chaleur et morphologie urbaine de l’agglomération parisienne. Conséquences sur la mortalité durant la canicule de 2003 ».
Avant de rencontrer Gérard Beltrando, il m’était habituel de scinder les champs de la géographie en deux sphères distinctes, dissociant ainsi la physique de l’humaine. Et puis j’ai commencé ma thèse aux côtés de Gérard…
Débutait alors un long questionnement sur le rapport épistémologique qu’il m’importait de construire avec mon sujet. C’est grâce aux discussions avec Gérard tout au long de mon doctorat que j’ai édifié mes réponses et que j’ai appris qu’il était non seulement possible de conjuguer l’ensemble de ces aspects, mais surtout nécessaire d’y procéder afin de faire émerger une conception infiniment plus riche et moins figée. Que le climat préside à l’existence de l’homme n’exclut évidemment pas l’idée qu’il interagisse avec celui-ci. Mais plus encore, l’étude du climat n’a réellement d’intérêt que si elle est mise au service des hommes, bien plus d’intérêt que si le seul enjeu de la connaissance était la « simple » compréhension des phénomènes. C’est en gardant cet aphorisme à l’esprit que j’ai pu élaborer la trame de ma thèse et développer une importante partie de mes recherches.
En écrivant ces quelques lignes, je me rappelle de ces discussions qui ont fait mûrir ma pensée, et je souhaite rendre hommage à la conception humaniste de la géographie de Gérard Beltrando.
Ariane SAKHY
(France)
Hommage de Safa BEN ROMDHANE
Thèse en cours intitulée « Effets du climat et de la pollution de l’air sur la santé respiratoire à Tunis », sous la direction de Gérard Beltrando et Malika Madelin pour l’Université Paris Diderot, et de Latifa Hénia pour l’Université de Tunis.
Je tiens à rendre hommage à ce grand homme qu’était Gérard Beltrando. Sa disparition est malheureusement une réalité physique, mais j’ose dire que mentalement, son esprit est là et le restera toujours.
Le Professeur Gérard Beltrando a été mon co-directeur de thèse du côté français. Je préparais une thèse en cotutelle entre l’université de Tunis et l’Université Denis Diderot, et Gérard Beltrando est décédé avant l’achèvement de ma thèse. Il a apporté ses dernières corrections et ses remarques sur le travail. Et depuis, je garde le souvenir de ce professeur souriant, toujours disponible, généreux et sincère, toutes ses qualités qui ont fait de lui quelqu’un d’irremplaçable.
C’est un grand géographe. Il a marqué d’une empreinte particulière la climatologie.
Je ne vous oublierai jamais, nous ne vous oublierons jamais et nous veillerons à transmettre le souvenir du grand scientifique, du grand personnage que tu as été.
Safa BEN ROMDHANE
(Tunisie)
Présentation d’une station de mesure de la qualité de l’air du Parc Mourouj, station périurbaine à Tunis (juin 2015).
Gérard de dos, admirant la côte du Cap Zbib, à 3 km de Métline (Tunisie), juin 2015.
© Association internationale de climatologie 2016
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Liste des figures
Figure 1 Répartition spatiale des résultats de l’analyse en composante principale sur les taux moyens journaliers de PM10 pour huit stations franciliennes du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2015. Spatial distribution of the results of the principal component analysis on PM10 daily concentration for 8 stations in the Ile-de-France region from 1st January 2007 to 31 December 2015. |
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Dans le texte |
Figure 1 Répartition spatiale des résultats de l’analyse en composante principale sur les taux de PM10 pour 22 stations en région Rhône-Alpes du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2015. Spatial distribution of the results of the principal component analysis on PM10 daily concentration for 22 stations in the Rhône-Alpes region from 1st January 2007 to 31 December 2015. |
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